Publié le 3 Feb 2020 - 23:42
RETARD PUBLICATION RAPPORTS ANNUELS

La Cour des comptes s’explique

 

La Cour des comptes a publié, ce vendredi, après les avoir soumis au président de la République, trois rapports sur la gestion de certains organes publics, de 2015 à 2017. Ce samedi, en conférence de presse, son président s’est prononcé sur certains points importants des 3 rapports et sur les motifs du retard accusé dans la publication.

 

Après 5 ans de silence, la Cour des comptes est sortie, ce vendredi, du bois avec trois rapports annuels. L’organe de contrôle de la gestion des pouvoirs publics a fait face, à cet effet, à la presse pour commenter la publication de ses rapports de contrôle pour les années 2015, 2016 et 2017.  Les magistrats de ladite cour ont été essentiellement interpelés sur l’efficacité de la Cour des comptes et sur les motifs des énormes retards accusés dans la publication des rapports. Etait-ce, comme le soupçonne la société civile, dû à une pression politique ? Le président de la cour s’est voulu clair et ferme sur cette question.

Pour Mamadou Faye, la Cour des comptes est indépendante et n’accepte de subir aucune pression extérieure. ‘’Il n’y a eu ni influence publique ni influence politique par rapport à ces rapports. L’indépendance de la cour est très claire. Nous arrêtons nous-mêmes notre programme de contrôle et nous l’exerçons. Nous sommes insensibles à la clameur publique, encore moins à la clameur politique. Voilà la réalité’’, tranche-t-il.

Selon M. Faye, le retard accusé dans la publication de ces rapports est essentiellement dû à un manque de personnel à la cour. Il y a également l’élection présidentielle de février 2019 qui a chamboulé le calendrier de l’institution, car les magistrats qui rédigent les rapports sont les mêmes qui sont envoyés sur le terrain pour effectuer le contrôle. ‘’Pour 2015, les rapports étaient remis à l’imprimerie le 20 février 2019.  Pour 2016, le 20 juin 2019 et, pour 2017, le 9 décembre 2019. Les élections sont passées en février. C’est dire que les rapports ont été distribués dans une période d’élection. C’est vrai que nous avons des efforts à faire, mais ce sont les mêmes personnes qui élaborent ces rapports qui vont sur le terrain pour faire les contrôles. Il faut ainsi prendre en compte l’effectif très réduit de la Cour des comptes. Depuis 2003, la cour n’avait pas de main-d’œuvre. Ce n’est que cette année que nous avons recruté 7 magistrats. Il y a donc tout cela qui a fait que nous avons pris du retard.  Mais nous avons pris des dispositions fermes pour qu’il n’y ait plus de retard, afin que, désormais, chaque année, on publie le rapport. Nous sommes conscients des efforts à fournir’’, soutient le président Mamadou Faye.  

Par ailleurs, le président de la Cour des comptes indique que son institution est en train de faire le nécessaire pour que, dans les années à venir, ce problème de retard dans les publications soit définitivement réglé. Mamadou Faye promet ainsi la publication des rapports de 2018 et 2019 pour très bientôt. ‘’Nous pouvons garantir qu’au plus tard octobre 2020, nous allons publier les rapports portant sur les gestions de 2018 et 2019. Ainsi, on ne parle plus de retard dans la publication des rapports’’.

Efficacité de la cour

 Quid de l’impact de ces rapports qui, aux yeux de certains, sont devenus obsolètes ? Le président Mamadou Faye reste convaincu que son institution est efficace. Pour preuve, il indique, dans son rôle d’amélioration de la gestion de l’action publique, que les résultats du suivi des recommandations de la cour auprès des organes contrôlés sont satisfaisants. Les résultats, assure-t-il, montrent que les recommandations de la cour ‘’sont mises en œuvre par les organes concernés à 57 %’’.

‘’La Cour des comptes est très efficace, vu notre effectif et les contrôles que nous avons effectués. Les gestionnaires des organes publics comprennent que la mission de la Cour des comptes n’est pas de les vilipender, mais de les aider dans l’amélioration de la gestion publique. C’est pourquoi, quand nous sommes en mission, nous indiquons aux dirigeants les critères mis en œuvre pour le choix de leur entité et l’objectif de notre mission. Et dans le cas d’audit général, les critères sont souvent arrêtés d’accord partie avec l’institution. Ce n’est pas de la complaisance, mais c’est pour que les résultats soient bien acceptés, parce que la cour est plus conseillère que répressive. Il ne faut pas perdre de vue que la mission essentielle de la cour est l’amélioration de la gestion publique’’, indique, pour sa part, le rapporteur de la cour.  

Il ajoute : ‘’Chaque année, nous devons publier un rapport portant sur les activités. Seulement, pour 2015, le rapport porte sur des gestions antérieures. On peut voir, sur ce rapport, des contrôles qui ont été effectués de 2008 à 2013, c’est-à-dire qui portent sur des gestions antérieures à l’année du rapport.  Mais il ne faut pas, à ce niveau, faire la confusion entre le rapport public annuel de la cour et les insertions qui y sont. Quand nous allons en contrôle, nous prenons plusieurs gestions. Notre contrôle engage plusieurs années. C’est pourquoi, quand on analyse le rapport public 2015, on peut trouver des informations qui paraissent obsolètes. Mais il suffit de les remettre dans le contexte pour se rendre compte qu’elles sont d’actualité.’’

Aussi, à chaque étape, indique-t-il, la cour donne aux entités à contrôler le moyen de justifier leur gestion avec le respect du principe de la contradiction. ‘’La différence entre la cour et les autres corps de contrôle, c’est le respect obligatoire de la contradiction. Les rapports particuliers que nous effectuons sur les organes publics sont soumis aux dirigeants pour qu’ils apportent leurs réponses aux différentes observations sur leurs états. Quand nous élaborons le rapport annuel qui synthétise les rapports particuliers, nous sommes obligés encore de soumettre le rapport public annuel provisoire à tous les organes afin qu’ils répondent encore aux observations de la cour contenues dans le rapport annuel. Le respect de la contradiction est fondamental, pour nous’’, indique le rapporteur.

Le budget programme, un nouveau défi de l’organe de contrôle

Dans son élaboration budgétaire, le Sénégal a basculé, en 2020, du budget moyen au budget programme. Un changement qui n’est pas sans conséquence sur les corps de contrôle qui devront s’adapter. La Cour des comptes semble consciente de ce basculement. ‘’Beaucoup de choses vont changer, surtout dans la gestion des autorisations budgétaires. Autrement dit, dans l’analyse des modifications sur la répartition du budget. Il y aura aussi des changements sur les virements de crédits. Les finances publiques auront besoin de formation tout comme les parlementaires et nous-mêmes. Nous avons des efforts à faire pour pouvoir suivre l’exécution des pouvoirs publics’’, reconnait le président Mamadou Faye.  

ABBA BA

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