Publié le 29 Dec 2019 - 02:46
RETRO 2019

Encore le cinéma en avant !

 

2019 n’était pas année culturelle comme décrétée en 2017 par le chef de l’Etat Macky Sall. Néanmoins, les acteurs se sont distingués. Les cinéastes, en premier, ont hissé haut le drapeau sénégalais.

 

Le 15 avril 2019, Abdou Latif Coulibaly passait le témoin à Abdoulaye Diop. C’était après la dernière élection présidentielle. Le maire de Sedhiou quittait le ministère de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle pour retrouver deux portefeuilles : la Culture et la Communication. Depuis, il est là et cela fait neuf mois. Il est loin d’avoir l’éloquence d’Abdou Latif Coulibaly, mais semble avoir, sans toujours savoir trouver les mots justes, une claire idée d’une politique culturelle ‘’émergente’’. Le premier est journaliste ; lui est ‘’économiste’’.

Dès qu’il a pris service, il a commencé à parler ‘’d’économie de la culture’’. Il a plaidé pour un financement autonome qui ne dépendrait forcément du budget de l’Etat. Abdoulaye Diop est convaincu que la culture est capable de produire assez de ressources pour prendre en charge l’essentiel des projets du ministère. ‘’Un budget n’est qu’une intention et la trésorerie est la réalité’’, disait-il le 9 mai, lors de la validation de la lettre de politique sectorielle au musée des Civilisations noires. ‘’Nous devons être de moins en moins dépendants du budget. Nous avons une coopération très élargie dans la culture. Des efforts sont faits dans le budget, les acteurs doivent encore pousser avec l’ensemble des partenaires pour voir où on peut avoir de l’argent. Nous sommes dans un monde ouvert’’, ajoutait-il. 

Est-il dans cela ? En neuf mois, il est difficile de le dire. Ce qui est sûr, c’est que la Direction des arts a bien, pour ne pas dire, très bien travaillé, en 2019. S’il y a un satisfecit à décerner cette année, elle le mérite mieux qu’aucun autre département, sans complaisance aucune. Il faut voir le rapport du ministère de la Culture et de la Communication sur l’exercice 2019, pour le comprendre. Sur la dizaine de réalisations dont s’enorgueillit le département, la moitié au moins, il la doit à la Direction des arts. Parmi ces dernières, nous retenons la plus importante. C’est la finalisation du texte de loi sur le statut de l’artiste et des professionnels de la culture. C’est sans nul doute l’un des faits les plus marquants de l’année qui s’écoule.

En effet, depuis dix ans, des personnes travaillent sur ce projet loi sans jamais arriver à donner une forme et une vie à un texte. C’est le comité mis en place par le directeur des Arts, Abdoulaye Koundoul, et composé de professionnels aguerris du milieu, qui est arrivé à ce résultat. Car, le texte proposé a été finalisé en atelier technique et soumis en juillet à l’appréciation du ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop. ‘’Plusieurs séances ont permis d’étudier, d’amender et d’approfondir la proposition préliminaire livrée au département par l’expert commis à cet effet. Leurs résultats et ceux obtenus ces trois derniers jours précèdent la restitution du texte aux organisations représentatives des artistes de toutes les filières d’expression artistique ainsi qu’aux opérateurs des industries culturelles créatives’’, disait M. Diop à la cérémonie de clôture de l’atelier technique de finalisation tenue à Saly. Ce texte est le premier palier pour qui veut industrialiser la culture.

Indubitablement, cela passerait forcément par l’édification d’un droit applicable aux professionnels de la culture, et quoi de mieux que de les doter d’un statut.

Les réalisatrices, les bonnes fées de 2019

Sur un autre registre, quelques jours avant la tenue de cet atelier, le Sénégal regagnait le Comité intergouvernemental de la Convention de 2005. C’était en marge du Forum Unesco-Afrique-Chine. ‘’Pour notre pays, il s’agit, après l’exercice d’un premier mandat de 2007 à 2011, peu après l’adoption de la convention, d’un retour remarqué et unanimement approuvé par les parties’’, indique le communiqué de presse. Ainsi, ‘’ce succès diplomatique vient s’ajouter à d’autres ayant permis au Sénégal de siéger au Comité de la Convention 2003 sur la sauvegarde du patrimoine immatériel, au Conseil intergouvernemental du Programme hydrologique international qu’il préside, au Programme international pour le développement de la communication (Pidc), au Conseil exécutif de la Commission océanographique intergouvernementale et enfin au Conseil exécutif de l’Unesco, l’organe directeur le plus important de l’organisation’’, lisait-on dans une note reçue à ‘’EnQuête’’.

Une belle victoire diplomatique et pas la seule ! Des cinéastes ont participé à faire rayonner le drapeau tricolore, à travers le monde. La Franco-Sénégalaise de 36 ans, Mati Diop, a représenté de fort belle manière le Sénégal à la 72e édition du festival de Cannes. Elle a remporté le Grand prix, lors de la soirée de clôture, le samedi 25 mai, des mains de l’acteur américain Sylvester Stallone. Elle avait l’opportunité de se présenter sous le drapeau français. Mais, avec l’aide de son producteur sénégalais Omar Sall de Cinékap, ils ont pu faire battre pavillon Sénégal à ‘’Atlantique’’. Le film raconte une histoire qui navigue entre l’émigration clandestine et le fantastique.

Aujourd’hui, ce film navigue sur l’Atlantique en direction des Usa. Il est dans la short list des films étrangers retenus pour les Oscars en 2020. ‘’Félicité’’ d’Alain Gomis avait franchi le cap l’année dernière, mais n’a pu atteindre la sélection finale. On croise les doigts pour ‘’Atlantique’’ dont les droits ont été achetés, après le sacre à Cannes, par Netflix.

Une autre réalisatrice qui a brillamment représenté le Sénégal cette année, est Mame Woury Thioubou. Avec deux films différents, elle a remporté deux prestigieux prix. Elle a reçu, en mai, le prix du Meilleur long métrage documentaire du festival Vue d’Afrique qui se tient tous les ans au Canada, grâce à son film ‘’Fiifiire en pays cuballo’’ en avril. En novembre, elle remportait le Tanit de bronze à la session ‘’Nejib Ayed’’ des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc). Cette fois, c’est son documentaire sur l’émigration clandestine intitulé ‘’5 étoiles’’ qui est consacré.

Toujours dans les belles performances du septième art, se distingue celle de Mamadou Dia auteur de ‘’Bammun Nafi’’. C’est son premier long métrage et lui a permis de gagner le Léopard d’or de la section et celui de la catégorie ‘’Cinéaste du présent’’ du 72e festival de Locarno en Suisse.

La restitution du sabre d’El Hadji Omar Tall au cœur de polémiques

En outre, il n’y a pas que les réalisateurs qui ont été de dignes ambassadeurs. Le chanteur Baaba Maal, pour sa participation musicale dans ‘’Black Panther’’, a remporté le prix de la Meilleure musique aux Oscars 2019. Dakar a reçu un grand évènement du septième art : ‘’Dakar court’’. La 2e édition était époustouflante. Elle a reçu une dizaine de films du monde en compétition et de grands noms du cinéma. Parmi ces derniers, le réalisateur français Ladji Ly auteur des ‘’Misérables’’ ainsi que l’auteure au cinéma de la ‘’Rue Case-Nègres’’, Euzhan Palcy. Elle était la présidente du jury de cette deuxième session du ‘’Dakar court’’ dont le Grand prix est remporté par ‘’Tabaski’’ de Laurence Attali.

Par ailleurs, tout n’a pas été beau dans le secteur de la culture, en 2019. Le souvenir de l’ouverture plus que ratée du Salon national des arts visuels en novembre dernier reste plus que frais dans les mémoires. L’idée de départ était bonne, mais le résultat au final était désolant. Une véritable œuvre d’art ratée. Cette manifestation n’était plus organisée depuis quelques années. 2019 marquait son retour. Elle devait servir de moment de communion aux plasticiens sénégalais, en attendant la Biennale en 2020. Mais le retour semble n’être pas bien préparé. Seulement, il faut dire que tout n’a pas été mauvais dans ce Salon national des arts visuels. L’exposition officielle à la Galerie nationale était de haute facture. Celle consacrée aux artistes disparus au musée Théodore Monod a été un fort moment d’hommages et de partage avec les familles de ces défunts artistes.

Un autre grand évènement tenu en 2019 est la Foire du livre et du matériel didactique de Dakar (Fildak). Comme d’habitude, l’ouverture à été cahoteuse. Mais heureusement, l’évènement tel que conçu cette année, a pris des allures nouvelles avec une cérémonie de décorations d’acteurs et de personnalités du monde de la culture dont la journaliste et présidente de la Fédération africaine des critiques de cinéma Fatou Kiné Sène. Aussi, la marraine choisie cette année, Ramatoulaye Diagne Mbengue, est un bel exemple à offrir aux jeunes générations. Elle a fait un speech digne du professeur d’université qu’elle est. L’idée d’organiser un colloque à l’université de Thiès est à saluer également.

2019 a vu la célébration du premier anniversaire du musée des Civilisations noires depuis son ouverture officielle. Une série de conférences a été organisée à cet effet. Cependant, cette première commémoration n’est pas le fait le plus marquant de ces douze derniers mois. La réception du sabre d’El Hadj Omar Tall reste le plus saillant. Le Premier ministre français, Edouard Philippe, lors d’une visite officielle au Sénégal en novembre dernier, procédait à la restitution de ce bien culturel. Ce qui a installé une polémique au Sénégal. Dans un premier temps, certains ont dit que ce n’était qu’une restitution ‘’provisoire’’ ou disons un prêt. Ce qui en soi n’est pas faux, puisque la France, pour l’instant, n’a pas le droit de rendre ces biens culturels réclamés par les pays africains. Ainsi, un projet de loi doit être soumis à l’Assemblée nationale pour concrétiser l’annonce du président français Emmanuel Macron en 2018, lors d’une visite au Burkina Faso. Il est annoncé que cela se fera dans les 6 prochains mois, alors que le sabre est ‘’prêté’’ au Sénégal pour au moins les quatre prochaines années.

Ce débat à peine élagué, un autre est soulevé, celui de l’authenticité du sabre. Des historiens et des membres de la famille d’El Hadj Omar Tall sont montés au créneau pour dire que ce sabre n’est pas celui du saint homme. Qu’en est-il réellement ? On ne saurait le dire. Le plus important est que le processus de restitution des biens culturels soit enclenché et que le Sénégal reçoive ce sabre exposé actuellement au musée des Civilisations noires.

BIGUE BOB

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