Publié le 12 Mar 2020 - 18:23
REUNION DES MINISTRES DE LA SENEGAMBI

A la recherche de l’unité vacillante 

 

 

Etablir un dialogue direct et définir de nouvelles feuilles de route pour surmonter les écueils qui se dressent sur leur chemin dans le cadre de leur coopération. C’est ce que veulent les ministres du Sénégal et de la Gambie.  Ils ont tenu une réunion, hier à Dakar, en prélude au conseil présidentiel sénégalo-gambien.

 

La lancinante question de la gestion de la coupe de bois soulevée à nouveau avant-hier par la Bbc n’est pas le seul défi à relever par le Sénégal et la Gambie, dans le cadre de leur coopération. Coprésidant avec son homologue gambien la réunion des ministres des deux pays, le ministre sénégalais des Affaires étrangères a fait savoir que des challenges subsistent, en particulier dans les secteurs névralgiques. ‘’Cette session nous permettra d’établir un dialogue direct entre vis-à-vis et de définir des feuilles de route pour surmonter les écueils qui se dressent sur notre chemin. Dans le domaine de la sécurité et de la défense, le contexte régional marqué par le terrorisme, l’extrémisme violent et la criminalité transfrontalière, ne laisse d’autre choix qu’une coopération intense en matière de renseignement’’, souligne Amadou Ba.

Selon lui, la dégradation de l’environnement et de la biodiversité leur impose aussi de trouver des stratégies ‘’concertées’’. Ceci afin d’éviter que ce fléau ‘’n’aggrave davantage’’ la précarité des populations locales, au point de favoriser le chômage des jeunes et l’émigration clandestine. Concernant la libre circulation, le ministre sénégalais pense qu’il est important de travailler ensemble à la mise en œuvre ‘’adéquate’’ de l’accord sur les transports routiers. ‘’Il faudrait, également, œuvrer à faciliter le passage des personnes et des biens aux frontières et à créer les conditions d’une parfaite intégration de nos populations dans l’un et l’autre pays, conformément à nos engagements dans le cadre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao)’’, indique Amadou Ba.

Il convient de rappeler qu’afin d’insuffler une nouvelle dynamique à la coopération bilatérale, en mars 2017, les chefs d’Etat du Sénégal ont créé un Conseil présidentiel sénégalo-gambien. A travers ce mécanisme, le ministre sénégalais des Affaires étrangères estime qu’ils disposent d’un ‘’excellent outil’’ d’impulsion et de suivi de leur collaboration. Ainsi, en mars 2018, à Banjul, les deux parties ont procédé à un premier examen de leur partenariat. Un exercice qui a permis d’en dégager de nouvelles perspectives et de signer plusieurs accords. Selon Amadou Ba, des avancées ont été réalisées dans les domaines de coopération identifiés durant les assises de Banjul. ‘’A titre d’illustration, une collaboration plus étroite entre les forces de défense et de sécurité des deux pays a permis d’anticiper nombre de menaces et d’assurer la sécurité des personnes et des biens notamment au niveau des frontières’’, renseigne-t-il.

Amadou Ba soutient aussi, que le partenariat ‘’fécond’’ entre la Senelec et la Nawec (société nationale gambienne en charge de l’électricité), avec la mise en service du point de livraison de Karang pour l’alimentation en électricité de la zone de Amdalai-Barra, après celle de Keur Ayib, mérite d’être cité en exemple. Il en est de même des échanges dans le domaine de la pêche, de l’agriculture, de l’environnement, etc. Sur ce, il affirme que la journée de ‘’libre circulation de la Sénégambie’’ et la ‘’course de la Sénégambie’’ pour l’intégration ont été ‘’déterminantes’’ dans la consolidation des liens sociaux entre les deux populations.

Mamadou Tangara : ‘’Mettre fin aux tensions entre nos deux peuples’’

Son homologue gambien Mamadou Tangara a, lui, plaidé pour que les deux parties travaillent encore plus dans le secteur des transports, de la douane et du commerce. ‘’Il faut que nous puissions lever des barrières qui empêchent la croissance économique des deux pays et aussi mettre fin aux tensions entre nos deux peuples. Nous devons nous unir contre ces éléments de discorde qui s’érigent contre ce partenariat magnifique. Ces obstacles ne sont pas en faveur de la libre circulation des biens et des personnes’’, fait savoir le ministre gambien des Affaires étrangères.

M. Tangara souligne qu’ils doivent faire le maximum d’efforts pour trouver des solutions pérennes. ‘’Le tourisme et la culture sont deux secteurs où les deux pays peuvent renforcer leur partenariat à leur bénéfice. Il est important de mettre en avant ce qui unit que ce qui divise’’, dit-il.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

GAMBIE

Adama Barrow limoge le chef d’Etat-major des armées

La présidence gambienne a annoncé, hier, le limogeage du général Masanneh Kinteh, premier chef d’Etat-major de l’armée gambienne, nommé par le président Adama Barrow en 2017. Il est remplacé par le général Yakuba A. Drammeh, jusqu’ici adjoint de Kinteh.

 

Bien qu’aucune raison n’ait été avancée sur son limogeage, plusieurs facteurs ont longtemps concouru à indiquer que les jours de Kinteh comme patron de l’armée gambienne étaient comptés. Les relations entre le général Masanneh Kinteh et la troupe n’ont jamais été les meilleures. Depuis sa prise de fonction en 2017, le général Kinteh ne s’est déplacé en visite des différents cantonnements militaires du pays qu’en 2018. Une sordide histoire de tentative d’assassinat est passée par là. En mai 2019, il a obtenu qu’un tribunal militaire inflige des peines de prison fermes allant de 3 à 9 ans à une dizaine de soldats accusés d’avoir tenté de l’assassiner.

Il faut dire qu’en tant que Chief of Defense Staff (CDS) comme il est appelé à Banjul, Masanneh Kinteh était un homme puissant ayant les yeux et les oreilles du président Barrow, puisque le poste de ministre de la Défense n’existait pas dans le gouvernement. Masanneh Kinteh avait donc carte blanche pour assainir l’Armée gambienne, la débarrasser de son enchevêtrement au parti politique de Yahya Jammeh, pour en faire une armée républicaine, moderne et professionnelle.

S’il est vrai que les soldats ne labourent plus les champs du président de la République de Gambie et ne dansent plus pour lui, il n’en demeure pas moins que les réformes attendues du général Kinteh ne sont jamais arrivées. Un audit des troupes a certes été conduit en 2017 pour identifier d’éventuelles irrégularités dans le recrutement des hommes et la composition de la hiérarchie militaire.

Mais, depuis lors, aucun changement significatif n’a été noté. La réforme du secteur de la sécurité, financée à coups de millions de dollars par l’Union européenne, reste bloquée dans sa phase de mise en œuvre, après son accouchement au forceps, sous la pression des bailleurs. Preuve du statu quo malgré cette réforme du secteur de la sécurité censée faire bouger les choses, certains tortionnaires portant l’uniforme militaire, identifiés comme tels par des témoins à la Commission vérité et réconciliation du pays, sont encore dans l’armée. D’autres soldats ayant confessé leurs crimes devant cette même commission n’ont obtenu, au pire, qu’une mise en congé.

À cause de cette inertie, la Gambie s’en remet encore à la force de stabilisation de la CEDEAO pour assurer la sécurité du pays et de ses institutions. Au point que le représentant de l’Union européenne en Gambie, Attila Lajos, a menacé, en août 2019, d’arrêter son soutien à la réforme du secteur de la sécurité. Une semaine plus tard, le président Adama Barrow a nommé un ministre de la Défense.

Depuis lors, les rumeurs sur le limogeage de Masanneh Kinteh étaient dans les conversations à Banjul, jusqu’à ce mercredi, jour où son limogeage a officiellement été annoncé par la présidence de la République gambienne.

MARIAMA DIEME

 

Section: