Publié le 6 Dec 2019 - 22:49
RUPTURE RECURRENTE DE PRODUITS BIOMEDICAUX ESSENTIELS A LA PNA

Les populations en sursis

 

Les récurrentes ruptures de médicaments à la Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna) inquiètent de plus en plus les populations, au point que le personnel médical tire la sonnette d’alarme.  Selon Dr Serigne Fallou Samb, la Pna est étouffée par la Cmu.

 

Le système sanitaire sénégalais est menacé aujourd’hui par une rupture récurrente de produits biomédicaux. Il ne se passe pas un à deux mois, sans que l’on ne parle de rupture de médicaments. Cette situation, selon le Docteur Serigne Fallou Samb, dénote d’une absence totale de gouvernance sanitaire qui met à rude épreuve notre souveraineté médicale. Une politique cosmétique, très épidermique, estime-t-il, nous a conduits aujourd'hui à cette grande menace sur notre sécurité médicale, avec l'élaboration de stratégies sans aucune cohésion, ne tenant pas compte du financement de l'offre et de la demande. Or, l'offre et la demande ont un coût. Élaborer des politiques sans tenir compte de ces principes ressemble à du bricolage, dit le gynécologue.

Le problème des Sénégalais, à son avis, n'est pas un souci de coût, mais un accès équitable à des services de santé adéquats à leur besoins et compatibles avec leurs aspirations. C’est-à-dire, le confort sanitaire, le fait de bénéficier de soins de qualité, quels que soient le lieu, l'heure, et sa situation pécuniaire. Dans notre pays, regrette-il, les dispositions financières ou matérielles ne nous mettent pas à l'abris d'une urgence qui peut mettre en jeu notre pronostic vital.

Membre du conseil de l’Ordre des médecins du Sénégal, Dr Samb soutient que la pharmacie nationale d'approvisionnement (Pna) est au bord du gouffre et souffre des atopies d'une faillite sur ses missions et prérogatives. Elle est étouffée par la CMU. ‘’Nous sommes tous en sursis. Plus de 7 milliards de dettes, surtout avec la gratuité de l'hémodialyse. On préfère aider les gens à mourir que de prendre toutes nos responsabilités pour prévenir les maladies dues à cette absence totale d'autorité qui a comme corollaire, cette prolifération des tradipraticiens. Il existe un projet de loi même pour les formaliser en Ordre des tradipraticiens. N'eut était là vigilance de l'inter-ordre aujourd'hui, cet ordre aller exister’’, dénonce Dr Samb.

Il invite ainsi les autorités compétentes, à un audit du circuit des initiatives de distribution des produits dans les districts. Car celui-ci est l'une des principales sources d’alimentation du marché parallèle (les médicaments de la rue, différents des faux médicaments). Il ajoute que le système de dépôt-vente a un gap de plus de 200 millions. Ce qui, à ses yeux, est aberrant. ‘’Cette pharmacie nationale est plutôt publique, parce qu'elle a exclu 45% de l'effectif médical et les cliniques privées. Ces cliniques n'ont pas accès directement à la PNA, mais indirectement. La plupart parviennent à y accéder, grâce à un circuit souterrain bien entretenu, faisant ainsi perdre à l'Etat des milliards de francs CFA. Pour notre propre sécurité, aidons cette Pna. Il y va de notre survie’’, prévient-il.

 A son avis, l'approvisionnement continu en médicaments de qualité du système (public comme privé) est une condition sine qua non à la bonne marche du système sanitaire sénégalais. En plus, souligne-t-il, l'efficacité des systèmes d'approvisionnement en médicaments est intégralement liée à la solidité des systèmes de soins de santé. ‘’Des ressources humaines appropriées, un financement durable, des systèmes d'information complets, et la coordination entre partenaires et établissements de santé sont des éléments essentiels pour assurer une disponibilité et une accessibilité ininterrompues en médicaments essentiels’’.

Pour Dr Samb, les principaux enjeux auxquels sont aujourd'hui confrontés les pays à ressources limitées dans la gestion des approvisionnements et des stocks de produits de santé, sont les risques de rupture de stocks conduisant à des interruptions de traitement pour les malades ou des changements dans des protocoles thérapeutiques (tuberculose...). Ces ruptures récurrentes, informe le médecin, peuvent remettre en cause tous les acquis obtenus avec beaucoup de sacrifices. Il est, à son avis, important de mener une large concertation impliquant toutes les personnes ressources privées comme publiques, pour une bonne conduite à tenir, afin d'éradiquer définitivement certaines incohérences.

VIVIANE DIATTA

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