Publié le 16 Jan 2020 - 15:02
SANTE – ECHEC DES NEGOCIATIONS

L’hôpital de Diourbel paralysé

 

Le mouvement d’humeur des travailleurs du centre hospitalier régional Heinrich Lübke de Diourbel se poursuit. Les négociations avec la direction n’ont pas altéré la détermination des employés à se faire payer intégralement les primes de motivation. Hier encore, ils ont organisé un sit-in, de 9 h à 13 h. Le directeur de l’hôpital se confie sur les difficultés de l’hôpital.

 

Le centre hospitalier régional Heinrich Lübke de Diourbel a rompu avec l’ambiance des jours ordinaires. Hier encore, plusieurs patients ont dû rebrousser chemin, parce que les travailleurs avaient rangé les blouses blanches. Ils protestent contre le non-paiement intégral des primes de motivation. Makhtar Ndiaye, représentant du collectif de l’Intersyndicale de l’hôpital Henrich Lübke de Diourbel, explique : ‘’Ce matin (hier), on a fidèlement rendu compte à la base, et la majorité de tout ce personnel ici présent a dit qu’ils ne sont pas d’accord à ce que ces motivations soient payées en trois tranches. Ils réclament l’intégralité de leur payement.’’

Le travailleur renseigne que le total des motivations de ce mois de décembre s’élève à 24 955 950 F CFA. ‘’C’est ce montant que le personnel doit se partager. Ce personnel est composé de 276 personnes et chacune d’elles devrait se retrouver avec 90 420 F CFA. Ce mois-ci, il y a des performances en entrée d’argent. Les recettes qui sont rentrées dans la caisse de l’hôpital se sont élevées à 67 319 360 F CFA en décembre, contre 57 077 535 F CFA au mois de novembre. Si vous faites la différence, vous verrez qu’il y a un surplus de 10 441 825 F CFA. Mais on a pu aussi recouvrer, avec l’apport de l’Etat qui a apporté les kits-césariennes avec la CMU. Donc, on est à un montant de 63,617 millions F CFA’’.

Mactar Ndiaye d’expliquer les raisons de leur radicalisation : ‘’Si vous faites l’addition du Paf (patient à ses frais) du mois de décembre et les rentrées des recouvrements de décembre, ça fait une manne financière de 131 070 225 F CFA. On n’a rien inventé. Ce sont des sommes qui sont rentrées. On nous dit que l’hôpital n’a pas les moyens de payer son personnel. Je me demande ce que la direction veut ? La solution se trouve dans le camp de la direction. On ne réclame pas ce qu’on ne devrait pas. Cette situation durera le temps que la direction en voudra ainsi. S’ils ne sont pas prêts à payer l’intégralité de cette somme, nous serons là pour l’éternité.’’

La réponse du directeur de l’hôpital

Interpellé sur le mouvement d’humeur des travailleurs, le directeur El Hadj Amadou Dieng répond : ‘’Ce qu’on leur a dit, c’est qu’actuellement, la situation de l’hôpital, sur le plan de la trésorerie, ne permet pas de faire face à toutes ces dépenses. Qu’on puisse s’accorder pour que le paiement soit justement planifié. Ce que l’Intersyndicale a refusé catégoriquement. L’hôpital a déjà fait un pas pour des négociations. Il faut également que l’Intersyndicale en fasse autant. Aujourd’hui, l’administration n’est pas figée ; nous sommes ouverts au dialogue, à la négociation et à la concertation. On aimerait aussi que les gens soient ouverts d’esprit et puissent comprendre que notre intérêt, c’est l’intérêt de l’hôpital, c’est l’intérêt de l’Intersyndicale. Ce que nous aimerions, c’est que l’hôpital continue de fonctionner. Tous les hôpitaux du Sénégal sont en équilibre fragile et en déficit.’’

Poursuivant ses explications, il révèle que, dans le budget de l’année passée, en répertoriant ce qu’ils ont fait, ils se sont rendu compte que 78 % des recettes propres de l’hôpital, ce qu’ils reçoivent en terme de paiement Paf (patient à ses frais), retournent au personnel. ‘’Là où ils disent 67 millions F CFA, en réalité, ce n’est pas ce chiffre, parce que sur les 67 millions, les 10 à 15 millions représentent une facturation au niveau de la pharmacie. C’est quelque chose qui ne fait pas partie de la production interne de l’hôpital. Ce qui est réellement produit par l’hôpital tourne autour de 58 millions F CFA. Sur ces 58 millions, les 17 millions ont servi à payer les motivations du mois de novembre ; ça permet également à l’hôpital de fonctionner jusqu’en fin décembre. En fin décembre également, les 14 millions de ces 58 millions sont en train d’être calculés pour la motivation du mois de janvier’’.

Selon le directeur, ‘’rien que les charges du personnel liées à la motivation et au paiement des salaires à l’hôpital de Diourbel tournent autour de 60 millions. Sur les 60 millions mensuels, il faut payer des prestataires, le nettoiement et le gardiennage. Tout ceci peut tourner autour de 20 millions de francs CFA. Ça fait 80 millions de dépenses mensuelles. Qui dit recettes, dit également charges’’, précise-t-il.

Sur les difficultés financières de l’établissement, docteur El Hadj Amadou Dieng déclare : ‘’L’hôpital n’a pas de budget d’investissement propre, si l’Etat ne nous donne pas de budget d’investissement. Mensuellement, à peu près, l’hôpital fait 45 à 50 millions en moyenne. Ce montant sert tout simplement à payer les salaires et à motiver le personnel. L’Etat nous accompagne à hauteur de 293 millions F CFA, par année, à peu près 20 millions par mois. C’est ça qui nous sert à pouvoir payer les charges de fonctionnement et c’est tout ce qui est inhérent aux prestataires privés. Il y a le gardiennage, le nettoiement. Il faut acheter des réactifs. On a des fournisseurs. Bref, on a beaucoup de choses à faire. Et c’est toujours en termes de fonctionnement.’’

Pour finir, il souligne que ‘’90 % de ce que le personnel produit en termes de recette, on le reverse en termes de paiement et de charge du personnel. L’hôpital, dit-il, a 270 agents dont une vingtaine de médecins et 62 fonctionnaires. Les 75 % de la masse salariale sont supportés par l’hôpital’’.

BOUCAR ALIOU DIALLO (DIOURBEL)

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