Publié le 29 Jan 2020 - 20:41
SEANCE PLENIERE ASSEMBLEE

Le Code gazier, premier du genre 

 

Une année après le vote du Code pétrolier, le Sénégal s’est doté, hier, d’un Code gazier, en perspective de l’exploitation du gaz en 2022. Le ministre du Pétrole et des Energies (MEP) Mouhamadou Makhtar Cissé, a défendu ce projet et donné les assurances de son applicabilité.

 

Après les avis des experts le samedi, c’était au tour des parlementaires, hier, de scruter les termes de projet de loi du Code gazier sénégalais en séance plénière, après en avoir discuté en commission vendredi dernier. Huit titres composent cette nouvelle loi qui est le nouveau maillon du cadre législatif et réglementaire, après celui du Code pétrolier en janvier 2019.  Avec 73 articles réunis dans huit chapitres, le projet de loi 16/2019 portant Code gazier a été adopté hier, un an après le Code pétrolier.

Le présent projet de loi ne régit d’ailleurs que les activités intermédiaires (transport, stockage) et aval (traitement, marketing, consommation, vente au détail) du secteur gazier. Ce qui est la toute première loi gazière - une industrie encore embryonnaire - dont le projet a été adopté par le gouvernement en Conseil des ministres le 21 novembre 2018.

Pour le député de Bokk Gis-Gis Cheikh Abdou Mbacké, le premier à intervenir qui a été très critiques envers ses collègues. ‘’On sait tous que c’est très important, mais on s’empresse de voter ce projet de loi sans savoir. Vous avez fait des séminaires en nous excluant, mais personne ne sait quoi dire aux populations sur la question. Vous avez déjà signé les contrats. Quel est le volume de gaz qu’on va avoir d’ici 2025 ? Aucun député n’a vu les contrats signés avec les compagnies, les bailleurs, etc. On vote des projets dont on ne connait pas la portée’’, s’est-il pratiquement emporté. Mais le président de la Commission de l’énergie de l’Assemblée, Abdoulaye Baldé, a brandi le satisfecit des organes de la société civile concernant ce code comme étant ‘‘l’un des meilleurs jamais reçus’’.

Aliou Souaré : ‘‘On a donné trop de pouvoir au ministre dans l’article 4’’

Comme le soulignait ‘’EnQuête’’ dans sa livraison du 1er novembre 2019, le ministre en charge des Hydrocarbures est l’homme fort de cette loi. Les titulaires de licence ou de concession devront rendre compte d’éventuelles ‘‘perturbations capables de troubler la chaine d’approvisionnement’’ au ministre chargé des Hydrocarbures (MEP) pour approbation. Ils devront, en outre, lui soumettre leur plan prévisionnel d’approvisionnement (ainsi qu’à l’organe de régulation), leur rapport d’activité au niveau national, un plan de réhabilitation et de restauration. Le ministre sera également l’autorité à laquelle il va falloir s’adresser pour obtenir une licence d’importation, d’exportation ou de réexportation, pour une durée de 5 ans, renouvelable éventuellement. Les licences d’agrégation, de transformation (25 ans de durée maximale), de stockage, de fourniture ; la concession pour transport par gazoducs, la concession de distribution par gazoducs (25 ans) sont tous assujettis à une approbation préalable de M. Cissé. Ce dernier accorde également les licences pour le transport et la distribution du gaz naturel liquéfié et du gaz naturel comprimé.

Quant à l’organe de régulation, il ‘‘peut, à tout moment et par tout moyen approprié de manière non limitative, exiger des renseignements sur les activités du titulaire de licence ou de concession, effectuer des inspections et contrôles sur les installations, les dossiers et les comptes du titulaire de licence ou de concession’’, lit-on dans l’avant-projet de loi. Ce qui a soulevé les questionnements inquiets de beaucoup de députés comme Aliou Souaré.

Ce dernier a fustigé. ‘‘On a donné trop de pouvoir au ministre, dans l’article 4. Il faut travailler à verrouiller cette disposition pour que le ministre ne se retrouve pas seul entre quatre murs pour signer les contrats ou retirer des licences à sa guise. Quand on laisse un ministre à lui seul... on ne sait jamais’’, a-t-il dénoncé, pointant les largesses accordées par l’article 4 du projet de loi.

D’ailleurs, le chef du seul groupe parlementaire de l’opposition, Liberté et démocratie, Serigne Cheikh Abdou Mbacké, a proposé une motion préjudicielle sur les amendements 3 et 4 du projet de la loi proposés par le ministre. ‘‘Ce n’est pas clair. Les licences pots-de-vin ou corruption. Ce n’est pas clair. On demande le renvoi du texte en travaux de commission technique pour qu’on le travaille plus en profondeur. Je demande un ajournement des débats’’, a-t-il avancé. Une demande vite balayée par la majorité avant la reprise des débats.

Des appréhensions que Mouhamadou Makhtar Cissé a levées à sa prise de parole. ‘‘Le ministre, c’est une personne, mais également un cabinet et des collaborateurs. Il est dans une collégialité, dans un gouvernement où il ne lui est pas loisible de faire ce qu’il veut. Cela ne se passe pas comme ça. Cela ne s’est jamais passé comme ça. Ça ne se passera jamais ainsi. Tout se passe dans la transparence’’, a-t-il déclaré avant de leur poser une analogie bien actuelle. ‘‘Nous importons du carburant tous les jours. Comment les licences d’importation sont délivrées ? C’est bien le ministre qui les délivre. C’est la même chose (avec le code). Le ministre va continuer à délivrer pour le gaz. Il en est de même pour les licences d’exploitation des stations’’.

Organe de régulation vs ministre chargé des Hydrocarbures : ‘‘Cette commission aura toute l’autonomie nécessaire’’

Aliou Souaré s’est montré dubitatif sur l’organe de régulation à l’article 5. ‘‘Il n’est pas encore créé, alors que les pouvoirs lui sont déjà attribués en remplacement de la commission de régulation existante. Il faut éviter les textes qui amènent la confusion’’, a-t-il affirmé. Encore plus critique, le député non inscrit Mamadou Lamine Diallo souligne l’inutilité, si on doit élargir l’organe de régulation de la Senelec. ‘‘Quel est l’intérêt de faire une loi pour ça ? Cette loi, c’est pour introduire leurs amis, les parrains européens dans le business. Cette loi ne sert qu’à ça. C’est très mal écrit, les amendements sont mal libellés’’, a-t-il avancé. Très versé dans les questions de l’industrie extractive, le député Mamadou Lamine Diallo a été très critique sur la finalité de cette loi. ‘‘Je n’en vois pas la pertinence. Rien n’a changé. L’Exécutif est toujours le maitre du jeu. Deux FID ont été signés alors que personne, à l’Assemblée, n’en connait le contenu’’, a-t-il soutenu.

Pour lui, le même contexte qui a prévalu à l’opacité sur le gaz de Gadiaga, ‘‘qui est déjà en exploitation’’, va continuer.  Il est même allé plus loin dans ses allégations, affirmant que ce code est, en réalité, un passe-droit ‘‘pour les amis européens des autorités’’. Mouhamadou Makhtar Cissé a d’abord demandé aux députés de laisser le temps faire son œuvre de maturation. ‘‘Nous sommes un nouveau pays gazier et pétrolier. Nous ne pouvons pas nous lever un beau jour et avoir toute la maturité juridique’’, a-t-il précisé. Quant aux publications des contrats exigées, le ministre a également avancé que sur la production, le transport et la distribution du gaz, ‘‘aucun contrat n’a encore été signé. Les inquiétudes sur sa ‘‘superpuissance’’ face aux avis d’un organe de régulation qui ne le lient pas ? ‘‘Cette commission aura toute l’autonomie nécessaire pour établir les dossiers, dire qu’on doit donner à telle société une licence ou une concession, mais il faudra également que ce régulateur laisse le soin au gouvernement d’apprécier, de suivre le régulateur dans sa proposition ou la rejeter. Mais la loi dit que le rejet doit faire l’objet d’une motivation express’’, a-t-il plaidé.

La longue tradition de régulation aidant, (ARMP, ARTP), M. Cissé trouve que la longévité de la Commission nationale de régulation de l’électricité, créée en 1999, est un avantage.

Loi spécifique pour l’organe de régulation

Pour le moment, c’est la Commission nationale des hydrocarbures qui agit comme régulateur. Elle est à la fois étatique, para-étatique et inclut même l’Assemblée. Une composition assez diverse qui garantit son indépendance. Elle soumet les dossiers arrêtés au MEP pour signature. L’article 5 concernant l’organe de régulation fera l’objet d’une loi spécifique. ‘‘Ce qui est nouveau est de dire dans cette loi, l’article 5 ne définit qu’un cadre général. Il y a une loi spécifique qui va concerner le régulateur. Les prérogatives, la composition et le fonctionnement de la commission seront définis dans la loi à arriver.

On nous promet le draft de ce projet de loi qui a été lancé sur la base d’un appel d’offres international, dans le cadre du MCC pour aider à la gouvernance du secteur. Le Code de l’électricité et le Code de la régulation sont en train d’être préparés, et sur les documents que j’ai consultés, on devrait recevoir les premiers drafts le 20 février prochain, les discuter, les circulariser et inviter les acteurs à se prononcer avant de les soumettre à l’Assemblée nationale. Cette régulation, qui ne va pas concerner que l’électricité naturellement, va concerner les compétences de la Commission nationale des hydrocarbures pour avoir un organe qui sera régulateur du secteur de l’énergie et pas de l’électricité uniquement. C’est le sens de la réforme’’.

OUSMANE LAYE DIOP

Section: