Publié le 16 Oct 2019 - 21:16
SECURISATION ET REDUCTION DES RISQUES D’ACCIDENT

La gendarmerie sort la grosse ‘’artillerie’’

 

Afin d’éviter, cette année, la folie meurtrière de l’année dernière et réduire au grand maximum les risques d'accident de la circulation, la gendarmerie nationale a pris les devants. Sur le trajet menant dans la cité religieuse, les hommes en bleu ont érigé, le long de l'autoroute Ila Touba et au niveau des voies secondaires, des barrières de sécurité afin de contraindre les chauffeurs à éviter les excès de vitesse.

 

Le grand Magal de Touba rassemble, chaque année, des milliers de fidèles venus d’un peu partout des quatre coins du globe. Plus de deux millions de personnes convergent chaque année à Touba pour célébrer le départ en exil du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba. Cette affluence est parfois lourde de conséquences, quant à la mobilité des personnes et des biens.

Sur le chemin de Touba, beaucoup de pèlerins y laissent leur vie, particulièrement dans des accidents de circulation.

Déjà 4 morts à deux jours du Magal

L'année dernière, 13 décès et 505 blessés ont été dénombrés, au lendemain de la célébration du magal, par le groupement national des sapeurs-pompiers qui, au total, avait effectué 245 sorties, dont 142 rien que pour des cas d’accident dus, le plus souvent, à l'indiscipline de certains chauffeurs.

Cette année, 4 vies sont déjà perdues dans un accident de la circulation qui s’est déroulé hier dans la ville même de Touba, à hauteur de l’héliport. Un véhicule militaire qui roulait à vive allure est entré en collision avec un tracteur.

Ces statistiques alarmantes ont poussé la gendarmerie nationale à prendre les devants, cette année. Les gendarmes ont ainsi déployé un important dispositif sécuritaire le long de l'autoroute Ila Touba. Pour minimiser les risques d'accident de la circulation, ils ont installé des barrières de sécurité sur la chaussée même, contraignant, du coup, les chauffeurs à non seulement s’aligner dans une seule voie, mais à rouler à vitesse minimale sur certains axes.

C'est à partir de Toglou, vers la sortie de Dakar, que les premières barrières sont posées de manière à obstruer complètement une partie de la chaussée et laisser l’autre voie libre. Le dispositif est posé de sorte que tout véhicule qui arrive à vive allure est obligé de se ranger sur le côté, à lever le pied sur l’accélérateur et à manœuvrer par moments pour dévier les barrières érigées sous forme de barricade comme dans un camp d’entrainement militaire.

Arrivé à hauteur de Khombol, juste à l'entrée de la ville, un deuxième barrage est érigé. Sous l'œil vigilant des gendarmes qui ont d'ailleurs jalonné tout le long du trajet, les chauffeurs respectent à la lettre les consignes données. Le même dispositif sécuritaire est déployé à l'entrée de Bambey où les vitesses maximums sont limitées à moins de 50 km/h.

Spéculations sur les prix du transport

Sur le chemin menant vers Touba, il n'y a pas que les excès de vitesse qui causent les accidents de la circulation. Le plus souvent, c'est l’impraticabilité des routes qui est en cause ainsi que les multiples défaillances techniques. D'ores et déjà, plus d'une dizaine de véhicules, des transports en communs le plus souvent, en panne, jonchent le long de l'autoroute, par endroits, dans des zones où le stationnement est strictement interdit. Des facteurs qui favorisent davantage les accidents de la circulation et qui devraient alerter à deux jours de cet événement qui est parti pour battre le record de l’affluence.

A l’instant, il est quasiment impossible de circuler correctement à partir de Diourbel, même avec l’ouverture de l’autoroute Ila Touba.

Cette situation n’est pas sans conséquences directes sur les prix du transport qui ont pris l’ascenseur. Pour rallier la capitale du mouridisme à partir de Dakar, il faut casquer fort. Les prix qui, en temps normal, ne dépassent pas 2 000 F Cfa pour les transports en commun, et 3 000 F Cfa pour les particuliers, varient désormais entre 5 000 et 10 000 F Cfa. Cela, sous l’œil impuissant des forces de l’ordre.

L’indiscipline, un mal bien sénégalais

En dépit du dispositif déployé par la gendarmerie et toutes les mesures prises par les autorités compétentes, les risques d’accident sont plus que réels sur l’axe Dakar - Touba. Si l’Etat a essayé un tant soit peu de prendre les devants, certains chauffeurs ne facilitent pas la tâche aux forces de l’ordre. La plupart d’entre eux d’ailleurs n’hésitent jamais à chercher des voies de contournement, lorsqu’il y a des bouchons. Et les sentiers qu’ils empruntent pour ‘’brûler’’ la file ne sont pas du tout praticables. Un car ‘’Ndiaga Ndiaye’’ en a d’ailleurs fait les frais dans l’après-midi d’hier. Voulant prendre un raccourci, il s’est tout simplement renversé sur le côté. Même si, d’après les témoignages recueillis sur place, il n’y a aucune perte en vies humaines, il n’empêche que les dégâts matériels sont énormes. Cette situation n’a pas pour autant servi d’exemple aux autres chauffeurs adeptes des détours.

ABABACAR FAYE, CHEF DE LA DIVISION COM’ DE LA GENDARMERIE

‘’L’objectif de la gendarmerie est d’infléchir la courbe des accidents’’

Chef de la Division communication de la gendarmerie nationale, le commandant Ababacar Faye revient, dans cet entretien avec ‘’EnQuête’’, sur le dispositif sécuritaire déployé par la gendarmerie et sur les stratégies mises en place pour infléchir la courbe des accidents

Commandant, pouvez-vous nous en dire plus sur le dispositif sécuritaire déployé par la gendarmerie pour la sécurisation des biens et des personnes ?

Le dispositif, cette année, pour la gendarmerie, a été mis en place depuis le 14 octobre 2019 et il va s’étaler jusqu’au 20 octobre avec 1 100 éléments qui ont été déployés sur le terrain, notamment 11 escadrons, 108 véhicules, 2 avions légers et 44 motos. En plus de cela, il y a un important matériel de signalisation, d’alerte et de ralentisseurs qui a été déployé. Notamment des barrières fluorescentes, des cônes de signalisation, des triflash, des appareils pour prévenir un peu les excès de vitesse.

L’objectif de la gendarmerie, c’est un engagement pour maximiser la sécurité des personnes et des biens dans la zone de compétence, mais aussi réduire de manière drastique le bilan des accidents de la circulation qui, habituellement, est alourdi durant la période du Magal.

Comment comptez-vous vous y prendre ?

Pour ce faire, il y a trois volets. Le premier volet, c’est la sensibilisation. Cette année, la gendarmerie a décidé de sensibiliser un peu plus. C’est pour cela que des bâches et autres banderoles ont été accrochées dans les localités les plus fréquentées par les fidèles. Des flyers ont été également confectionnés avec des messages très forts qui appellent à respecter les règles du Code de la route, à éviter les excès de vitesse, les dépassements dangereux et autres stationnements.

Le deuxième volet, c’est la présence et l’occupation du terrain. Pour cela, les 1 100 hommes ont été déployés principalement sur Ila Touba qui est l’axe principal, la Rn3, c’est-à-dire l’axe Thiès – Diourbel - Touba, la Rn2 : Saint-Louis - Thiès et les axes qui viennent de Kaolack et de Tambacounda. Maintenant, il y a un dispositif lointain qui fait que tous les personnels de la gendarmerie, même s’ils ne sont pas directement liés à cette opération de sécurisation, prennent les dispositions nécessaires pour assurer la fluidité de la circulation.

Au niveau du dispositif du Magal qui est sous la supervision du colonel Cheikh Sarr, Chef des opérations pour le Magal, il y a des éléments qui ont été déployés sur Ila Touba avec des barrières fluorescentes pour faire ralentir les automobilistes, surtout la nuit. Parce qu’on sait que la plupart du temps, les automobilistes quittent Touba pour rallier certaines localités afin de ramener des pèlerins. Il y a aussi un dispositif très important pour les usagers qui se déplacent la nuit. Parfois, avec la fatigue et la somnolence, il y a beaucoup de dégâts. Pour la surveillance, il y a aussi les Irm, c’est-à-dire les avions qui sont utilisés, de même que des équipes de recherches qui travaillent en civil.

Pensez-vous que tout ce dispositif qui a été déployé sur Ila Touba et sur certains axes routiers, peut aujourd’hui enrayer tous les risques d’accident ?

Nous pensons que ces mesures fortes de prévention pourraient alléger le bilan des accidents. Jusqu’à ce matin, vers 13 h-14 h, on était à deux accidents corporels et un accident matériel avec deux blessés légers. Dans l’après-midi, vers 18 h, il y a eu un accident dans Touba même, après l’héliport, entre un tracteur et un véhicule militaire qui a fait 4 morts. Mais quand même, il faut dire qu’il n’y a jusqu’ici aucun drame dans les zones de fortes circulations où on note habituellement des accidents. Les axes sont tenus et on espère qu’avec la compréhension des usagers, il y aura moins d’accidents.

L’année dernière, il y a eu 13 morts et 505 blessés, selon le groupement national des sapeurs-pompiers. Pensez-vous que ces chiffres vont baisser ?

On l’espère bien. Parce que, comme je l’ai dit plus haut, l’objectif de la gendarmerie, c’est de maximiser la sécurité et, surtout, d’infléchir la courbe des accidents durant la période du Magal. Maintenant, il faut une volonté commune et que toute la population, notamment les automobilistes, puisse s’approprier cet objectif afin qu’on arrive à réduire les accidents. C’est le premier souhait de la gendarmerie.

ASSANE MBAYE

 

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