Publié le 23 Jul 2012 - 14:58
SENEGAL

La tyrannie de la politique

 

 

On ne s'en rend peut-être pas compte, mais on ne parle plus que de politique et de lutte dans ce pays. L'impact du tout culturel que Senghor a laissé comme héritage n'est pas près de s'estomper. Bien au contraire, l'Économie a déserté, presque totalement l'espace des débats. Les grandes conférences sont dédiées, presque toutes, aux réformes politiques à engager. Les constitutionnalistes deviennent des stars, les politologues des super-stars, alors que les experts en tout (c'est-à-dire en rien) s'invitent sur tous les plateaux pour disserter sur la grande révolution politique toujours en marche au Sénégal.

 

On décortique la loi fondamentale dans toutes ses coutures, au motif que le Président Wade l'avait défigurée. On veut bien dénombrer les multiples fois que la Constitution a été rafistolée, jusqu'à la dernière tentative du 23 juin qui a mis le feu dans la maison du Sopi. Depuis quelques semaines, le débat porte sur le sacro-saint poste du Président de l'Assemblée nationale. Alors, tous les états-majors y vont à fond la caisse. Dissertation sur le profil idéal du Président de l'Assemblée nationale, cela aurait pu d'ailleurs être un bon sujet pour les anticipés de Philo. Sa Majesté Macky Sall a heureusement tranché le débat.

 

C'est Moustapha Niasse qui sera le Président de cette Auguste Assemblée, délivrée de toutes scories de l'ancien régime. Nos «experts» en politique poussent même le bouchon jusqu'en 2014, aux prochaines Locales, pour prévoir en cas de mauvais résultats de l'actuel régime, l'éclatement de la Coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY). On voit déjà les «super cracks» de la politique anticiper cette «échéance majeure» parce que c'est à ce moment que la recomposition en cours produira ses premiers effets.

 

Tout cela peut être vrai. Et alors ? C'est une dialectique qui marche la tête en bas et les pieds en l'air. On ne parle pas de la meilleure politique économique, des bons profils et du bon cadre pour créer les conditions d'une compétitivité de nos entreprises et de la croissance. Chaque fois qu'il y a un communiqué, c'est pour hurler à évoquer les véhicules volés par les tenants de l'ancien régime (ce disque est aujourd'hui rayé) ou d'un Moustapha Cissé Lô qui se fait recadrer. Comment donc dans un pays sérieux, celui qu'on surnomme El Pistolero peut-il être au centre du débat politique ? Bref !

 

Il est sans doute prématuré de faire un quelconque bilan. La situation dont a hérité Macky Sall n'est sans doute pas des plus enviables, avec par exemple 700 milliards de francs Cfa de dette à payer l'année prochaine. Ce qui explique d'ailleurs un reprofilage de l'encours ainsi que la mise en place d'une task force chargée de réfléchir sur les meilleures stratégies de croissance.

 

Mais on attend bien de voir ce que tout cela va donner. Pour l'heure, ce qu'on constate bien, c'est un raidissement des milieux financiers ; le Sénégal n'ayant réussi à engranger que 6 milliards sur 25 espérés, lors de l'avant dernier emprunt obligataire initié par le régime en place.

 

Mais le temps n'attend pas le Sénégal qui est un petit pays dans un monde en crise profonde. Un rapide coup d’œil dans la sous-région permet de constater qu'un pays comme la Côte d'Ivoire a renoué avec l'investissement. «Nous voulons faire de notre pays le premier en Afrique de l'Ouest. Nous devons prendre les dispositions pour renforcer notre performance", dixit le Premier ministre ivoirien Jeannot Ahoussou.

 

Les Eléphants vont sans doute atteindre un taux de croissance de 8,2%, le Ghana, 8,3%, selon les projections des gouvernements de ces pays, alors que le Sénégal n'atteindra, selon les estimations de ses argentiers, que 3,9% en 2012, contre 2,6% seulement pour 2011. C'est clair : y a du boulot ! Beaucoup de boulot qu'il ne faut pas espérer abattre avec la seule rhétorique.

 

 

Mamoudou WANE

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