Publié le 13 Feb 2020 - 07:32
SEVICES CORPORELS ET TORTURES

La marâtre fait perdre la vue à ses belles-filles

 

La cour statuera sur le sort de Seynabou Ndiaye, le 25 février prochain. Elle a comparu, hier, devant la chambre criminelle, pour avoir torturé, pendant 6 mois, ses deux belles-filles, leur causant une cécité irréversible.

 

Il faut du tout pour faire un monde, dit-on. Hier, la chambre criminelle du tribunal de grande instance a vu comparaître un spécimen rare. Une marâtre ignoble, au-delà de la caricature et pire que ce qu’on peut voir dans les téléfilms. Pendant 6 longs mois, elle a fait subir aux deux petites filles de l’ex-femme de son mari les pires sévices. En plus d’avoir perdu la vue, à cause des produits détergents que la belle-mère mettait dans leurs yeux, les filles ont présenté des lésions cutanées, puisqu’elles étaient régulièrement battues. Lorsqu’elles ont été tirées des griffes de la dame, elles présentaient aussi une alopécie due au gasoil qu’elle enduisait sur leurs cuirs chevelus ; des brûlures et morsures sur tout le corps. Les faits se sont déroulés courant 2015, à Yeumbeul.

Seynabou Ndiaye profitait de l’absence de son mari Modou Guèye, le père des enfants qui ne venait que le week-end à la maison, pour maltraiter les filles à sa guise. Soit elle les tabassait à coups de bâton, de ceinture ou de fil, ou elle prenait un malin plaisir à cogner leurs têtes contre le mur des toilettes, lorsqu’elle leur faisait prendre leur bain. Des fois, elle les emmenait dans sa chambre pour mettre une potion eau-savon en poudre dans leurs yeux, sans oublier les morsures et les brûlures que les filles présentaient à leur délivrance.  

Dans cette affaire, il a fallu la détermination des voisins pour que les filles soient arrachées des griffes de leur marâtre. Témoin de ces actes ignobles, un voisin a fini par appeler la police. Aux agents qui se sont pointés, elle a présenté ses plates excuses et promis de ne plus recommencer. Mais le lendemain, a rapporté ledit voisin à l’enquête, elle a repris ses basses besognes. Quelques jours après, un autre l’a vu mordre l’une d’elles. D’ailleurs, l’état des fillettes, toujours en piteux état et mal fagotées, avait fini par insupporter tout le quartier. Avec leurs cicatrices sur tout leur corps, elles ne pouvaient passer inaperçues. D’autant qu’on les entendait souvent pleurer dans l’appartement.

Il aura fallu l’intervention décisive du maitre coranique Diop, qui officie à l’école où étaient inscrites la petite F. Guèye ainsi que la fille de la marâtre Diatou, pour que les sévices prennent fin et que la femme soit appréhendée. Ayant remarqué les blessures sur F. Guèye, en sus des crises qu’elle piquait, il a interpellé Seynabou Ndiaye. Qui lui a répondu que certaines blessures résultent de nombreuses chutes sur les carreaux glissants des toilettes ; les autres sont dues au psoriasis, une maladie inflammatoire de la peau. Non convaincu, l’oustaz a fini par constituer une délégation avec le délégué du quartier pour aller faire une dénonciation à la police. Entendus avec quelques voisins, ils ont, dans l’ensemble, témoigné des maltraitances infligées par la dame. La marâtre, ayant eu vent de la démarche des voisins, a pris la poudre d’escampette pour se réfugier à Niaga où elle a passé 15 jours, avant d’être appréhendée.

Le mari et père des filles maltraitées a déclaré, durant l’enquête, n’être au courant de rien et assuré ne pas connaitre la destination de sa femme, alors qu’il lui a fait deux transferts d’argent pour qu’elle prenne une chambre à Niaga. Pendant ce temps, les deux filles, mal-en-point, avaient déjà perdu la vue et hospitalisées.

Hier, Seynabou Ndiaye a comparu pour coups et blessures volontaires suivis de cécité sur un enfant de moins de 15 ans par une personne ayant autorité sur lui. Mais elle a réfuté les charges, revenant sur ses aveux faits à l’enquête. Lorsqu’elle avait reconnu être l’auteure de tout ce dont on l’accuse. D’ailleurs, elle disait ignorer les raisons pour lesquelles elle agissait de la sorte ; qu’elle ne le faisait pas exprès. Devant la chambre criminelle, elle a dit qu’elle corrigeait ses belles-filles comme elle le faisait avec sa propre fille. ‘’Il m’arrivait de les frapper avec la main. Je n’ai jamais usé de bâton ou autres pour les punir. Tout ce qui se dit ici, j’en ai entendu parler à la radio, quand j’étais en détention‘’, s’est-elle défendu. Avant d’ajouter : ‘’Même un adulte qu’on tabasse avec un encensoir ou dont on cogne la tête contre un mur perd la vie, à plus forte raison des enfants. Je n’ai jamais rien mis dans leurs yeux. Je n’ai jamais rien fait de tel.‘’

La maman éplorée a, elle, témoigné que ses filles se portaient à merveille, lorsque leur papa est venu les récupérer. Qu’à chaque fois qu’elle voulait leur rendre visite, son ex-mari lui refusait la visite, prétextant que son actuelle femme allait mal le prendre. Idem pour Fatou Mbaye, la grand-mère qui, ne supportant plus l’absence de ses petites-filles a, un jour, proposé à leur père de les récupérer. Mais ce dernier lui a juré qu’elles étaient dans de bonnes conditions.

Interrogées par le juge, les deux victimes, F. et N. Guèye, âgées de moins 3 et 5 ans, aux moments des faits, ont réitéré les propos tenus à l’enquête préliminaire. ‘’Elle nous battait tout le temps. Elle cognait nos têtes contre le mur, dans les toilettes, et nous fracassait le crane avec l’encensoir. Elle mettait du gasoil sur nos têtes et nous mordait‘’.

Cécité irréversible

Aujourd’hui, toutes deux sont atteintes d’une cécité irréversible, d’après le rapport du médecin. Maitre Ibrahima Mbengue, conseil de la partie civile, s’est indigné de la mauvaise foi de l’accusée qui n’a présenté aucun signe de regret et a décidé de verser dans les dénégations. L’avocat a également évoqué l’avenir détruit des enfants par une belle-mère qui était censée prendre soin d’elles, comme elle le faisait avec ses propres enfants. Il a demandé au tribunal de la déclarer coupable, avant de réclamer 250 millions de francs pour chacune des filles.

Le parquet, trouvant que les faits ne souffrent de l’ombre d’aucun doute, a requis une peine de travaux forcés de 20 ans pour Seynabou Ndiaye et 3 ans pour le père lâche et indigne qui n’a pas daigné comparaitre.

Par contre, la défense a trouvé exagérés les 250 millions réclamés par la partie civile et a demandé de requalifier les faits en violence et voie de fait. Elle a demandé à la chambre de déclarer irrecevable le rapport médical et d’ordonner une expertise.

La cour rendra sa décision le 25 février prochain.

FAMA TALL

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