Publié le 23 Jun 2020 - 00:42
SEYDOU DIOUF, PRESIDENT FEDERATION SENEGALAISE DE HANDBALL

‘’Je vais assumer le bilan et être candidat à ma propre succession’’

 

Seydou Diouf, satisfait de son bilan à la présidence de la Fédération sénégalaise de handball, promet de briguer un nouveau mandat. Il a fait l’annonce, avant-hier, à l’occasion d’une interview qu’il a accordée au Club de la presse de l’Association nationale de la presse sportive (ANPS). Cet entretien collectif a été aussi une aubaine, pour le dirigeant, de se prononcer sur d’autres questions relatives au handball sénégalais, comme les sélections nationales, la réhabilitation du stade Iba Mar Diop, l’appui de l’Etat au monde du sport, les stratégies de développement du handball local…  

 

Appui de l’Etat aux groupements sportifs

‘’C’est vrai que le gouvernement a fait le focus sur les autres secteurs économiques, la santé et tout ce qui touche les populations au plus près. Mais l’un dans l’autre, j’ai eu une bonne discussion avec le ministre des Sports. Je pense que ce qui semble être un oubli va être très bientôt corrigé, puisqu’à ce niveau, des dispositions sont prises aujourd’hui pour corriger cela. Je disais que le mouvement sportif est tout aussi impacté, parce que nous avons dans le football professionnel beaucoup de clubs qui sont en train de prendre en charge des salaires de joueurs. C’est valable pour la lutte, les courses hippiques également qui avaient l’habitude de mettre des gains sur des journées de course. Si tout ceci est remis en cause, des promoteurs de lutte, les lutteurs eux-mêmes, je ne parle pas du sport amateur, mais plus du professionnel, il y a vraiment un impact réel. Avec des ressources qui continuent de manquer, parce qu’en période de pandémie, lorsque les entreprises sont touchées, le premier secteur de coupe budgétaire, c’est bien le sponsoring et le marketing.

Donc, forcément, les clubs n’ont plus de ressources. Mais je salue l’attitude du ministre des Sports qui est en train de prendre toutes les diligences requises pour pouvoir apporter un soutien aux différentes fédérations sportives.’’

Candidat à la prochaine assemblée générale

‘’L’Assemblée générale de la Fédération sénégalaise de handball avait été programmée en début avril. Mais, malheureusement, il y a eu la Covid-19. Et là, nous sommes en train de voir avec le ministère et les clubs le format à adopter, c’est-à-dire la modification du règlement ou le maintien des anciens textes. Mais, en ce qui me concerne, je n’ai pas de préférence, car ma réélection dépendra de mon bilan. Je dis donc que je serai candidat. Nous avons déjà enclenché un bon travail avec un projet chez les jeunes tout en continuant à insister sur le sponsoring. On a retrouvé aussi des moyens pour financer les grandes campagnes de la sélection féminine et le championnat local. Nous avons ouvert le chantier de la formation avec les centres nationaux d’entrainement en garçons et en filles. On a des responsabilités à la Confédération africaine et on est mieux vu par la Fédération internationale.

Donc, il n’y a pas de raison de dire que je vais arrêter. Je vais assumer le bilan et être candidat à ma propre succession, pour au moins lancer des projets importants. Et une fois cela fait, l’heure viendra pour le repos. Je dis clairement qu’il est très difficile d’être à la tête d’une fédération nationale. Mais mon souhait actuel, c’est que l’assemblée générale se tienne et que les instances soient renouvelées pour que la nouvelle équipe élue puisse démarrer son travail.’’ 

Prééminence des expatriées en sélection féminine

‘’C’est vrai que l’équipe nationale féminine de handball est composée essentiellement d’expatriées, mais les joueuses sont des Sénégalaises. Donc, je trouve que c’est une bonne chose. Il faut reconnaitre que le Sénégal n’est pas le seul à s’inscrire dans cette dynamique. Aujourd’hui, en dehors de l’Angola, tous les pays africains ont plusieurs expatriés dans leurs équipes nationales masculines ou féminines de handball. Il faut également souligner que le handball ne fait pas l’exception sénégalaise. Nous avons des expatriés dans le foot, le basket et d’autres disciplines collectives. Notre fédération a pris l’initiative de faire appel aux expatriées parce que le handball était resté très longtemps en rase campagne.

Il n’y avait plus d’équipe solide et nous ne jouions pas régulièrement les compétitions continentales et internationales. C’est pourquoi on a pris l’option de faire émerger une génération capable de tenir tête aux grandes nations africaines de la section féminine. Nous avons fait le choix de faire appel aux Sénégalaises éparpillées un peu dans le monde. C’est ce que nous commençons à faire depuis 2010. Nous travaillons aussi dans le sens de professionnaliser la sélection féminine en recrutant des entraineurs professionnels. Il y a eu, d’abord, Souleymane Diallo, puis Cheikh Seck et, enfin, Frederick Bougeant. Cette option, pour moi, est liée au fait qu’il y a avait une urgence de redynamiser l’équipe, faire des résultats en Afrique et avoir une vitrine du handball au plan national pour pouvoir légitimer les moyens que nous avons demandés à l’Etat.

En dehors de l’Angola, il y avait quasiment un vide, parce que les formations tunisienne et congolaise étaient vieillissantes. Il restait que le Cameroun. C’est pourquoi on s’est dit qu’on peut se faire une place et pour cela, il fallait trouver des athlètes de haut niveau. On ne peut demander des moyens à l’Etat pour juste sélectionner des joueuses locales et aller faire une participation pour se faire laminer et éliminer après deux matches de groupe.      

Il y a certes une faible représentativité de nos handballeuses locales dans l’équipe nationale féminine, mais la fédération travaille davantage qu’il y ait des filles du championnat local en sélection. Mais c’est à elles de se battre pour trouver une place en sélection nationale. La porte ne leur est pas fermée. Elles sont conscientes de cela parce que le sélectionneur avait fait appel à des handballeuses locales lors de la préparation des Championnats du monde de 2019. Il s’agit de Khady Seck et Ndiolé Sène. Elles ont été convoquées grâce leur potentiel et à leur avenir prometteur.  La fédération travaille dans le sens d’appuyer, former les jeunes filles locales. C’est ce qui explique aussi la mise en place du centre national d’entrainement de Thiès. Nous internons régulièrement une trentaine de filles pour préparer une nouvelle génération pour les Jeux olympiques de la jeunesse de 2022 et la Coupe d’Afrique des nations que le Sénégal va abriter.  Les filles âgées de moins de 20 ans sont aussi qualifiées pour le Challenge Trophy Mondial et nous n’hésiterons pas à choisir parmi elles certaines pour les intégrer dans l’équipe nationale séniore. L’option des filles expatriées nous a donné satisfaction du point de vue des résultats.’’

L’équipe nationale masculine quasi inexistante

‘’Les choses étaient beaucoup plus compliquées chez les hommes, parce qu’il y avait la Tunisie, l’Egypte et l’Algérie. Ces pays ont été très en avance sur nous sur tous les plans : infrastructures, logistiques et joueurs.  La sélection masculine est quasiment inexistante, mais cela rejoint ce que j’ai expliqué avec les filles. A mon arrivée à la tête de la fédération, mon équipe et moi avions misé sur les hommes. Nous avions une génération composée majoritairement d’expatriés et quelques joueurs locaux. Nous avions exploités nos potentiels basés en France. C’est ce qui a fait qu’en 2012, nous avions terminé 5e à la Coupe d’Afrique des nations à Rabat. On a chuté en 2014 et les filles ont grimpé et depuis lors on a du mal avec les garçons qui ont régressé.  En 2015, on a eu du mal à s’imposer aux Jeux africains de Brazzaville, au moment où la sélection féminine gagnait une médaille. On a raté récemment le tournoi qualificatif aux Jeux africains en Guinée. Aujourd’hui donc, il faut nécessairement repenser notre politique de handball masculin. Nous y sommes. Cela passera d’abord par la formation des jeunes avec l’installation d’un centre national d’entrainement masculin identique à celui dédié aux filles. Nous allons le faire en partenariat avec Pauc (club de 1re division française) et la Fédération française de handball que nous avons déjà reçus en décembre 2019. Ils ont visité nos locaux à Thiès. Le même centre d’entraiment des filles sera donc construit pour les garçons. Nous sommes sur cette trajectoire de miser sur les expatriés en sélection masculine et j’ai mandaté à Ibou Diallo, adjoint de Fred Bougeant, pour faire le travail d’identification chez les garçons en France et en Espagne. Nous allons très bientôt prendre contact avec tous nos athlètes, après démarrage de la saison en Europe.’’

La faiblesse du budget du ministère des Sports  

 ‘’Le président de la République, pendant la campagne électorale de 2019, avait promis de porter le budget du sport à 1 % du budget national. C’est important certes, mais moi je suis plus orienté vers l’application et la finalisation des textes portant code du sport avec notamment la mise en place d’un fonds national de développement du Sport. Pour moi, ce chantier-là est plus important que l’augmentation du budget.  Aujourd’hui, on dit que le ministère des Sports a un budget de 15 milliards, mais dans la pratique ce montant est dépassé à la fin de l’exercice budgétaire parce que les grandes campagnes du foot, du basket et du handball sont prises en charge directement par le ministère des Finances, avec des allocations nouvelles au ministère des Sports.  

Donc, pour moi, la priorité, c’est de se mobiliser tous pour la mise en place d’un fonds national de développement du sport avec une claire identification des postes budgétaires qu’on doit allouer pour le développement du sport. Il doit être complété par des apports des collectivités locales, du mécénat, du sponsoring et d’autres mécanismes incitatifs contenus dans le Code général des impôts. Je pense qu’à partir de là, on pourrait être autonome. Il est bien de réclamer 1 % du budget national, mais nous ne devons pas oublier que l’Etat a d’autres secteurs importants comme la santé, l’éducation, la sécurité. Il faut analyser pour voir où se trouve le problème entre le pourcentage, l’effectivité de la mise en place des ressources et l’atteinte des objectifs que nous nous fixons. J’estime que c’est sur ce dernier point-là que nous devons nous mobiliser. Il faut réfléchir sur le financement durable du sport de manière globale et ne pas axer le combat uniquement sur le concours de l’Etat.’’  

Le handball en milieu scolaire et régional

‘’C’est vrai que nous sommes là face à quelque chose qui devait être l’avenir de la discipline. Je voudrais rendre hommage aux acteurs qui sont dans les régions où, très souvent, les conditions sont extrêmement difficiles. Le handball est une discipline qui est très décentralisée. Du point de vue même de la performance des clubs, il y a quelques années, quatre à cinq ans, c’est Sokone qui a joué la finale de la Coupe du Sénégal. On n’entend pas Sokone dans une autre discipline sportive. Il y a deux ans, c’était Tivaouane. Cette année, c’est l’UGB de Saint-Louis. C’est dire que dans les régions, un travail extraordinaire est en train d’être fait dans un contexte de dénouement. Parce que, très souvent, ces clubs ne sont pas totalement accompagnés comme il devrait l’être par les collectivités locales. C’est des hommes et des femmes qui se battent pour accompagner les jeunes.

Et il faudrait leur rendre hommage pour ça. C’est pourquoi je tiens, dans tout ce que je fais, à écouter les régions. Il y a quelques années, Diourbel a joué la finale du championnat national. C’est important que nous entendions ces villes de l’intérieur du pays dans les finalités de notre discipline. C’est pourquoi j’ai dit que si on veut le développement du hand avec un centre d’entrainement pour les garçons et un autre pour les filles, la suite logique, c’est d’accompagner les ligues à avoir les ressources pour pouvoir développer les compétitions chez les jeunes. C’est aux ligues de faire la promotion du sport scolaire, la promotion de la petite catégorie. J’avoue qu’une de nos limites principales, c’est que les ligues n’avaient pas de ressources. Mon chantier, avec les économies que nous avons réalisées, dès qu’on démarrera la saison prochaine, nous allons faire un focus avec un appui important aux différentes ligues pour que les compétitions de jeunes puissent se tenir.

C’est le vivier scolaire que nous devons capter, faire en sorte que les compétitions de jeunes se tiennent pour alimenter les centres d’entrainement. Si cela ne se fait pas, les centres d’entrainement resteront l’apanage de deux ou trois régions, particulièrement Dakar et Thiès. Or, aujourd’hui, à Sédhiou, comme partout ailleurs à Tambacounda, Kolda, Diourbel, Saint-Louis, les gens sont en train de se battre. Il y a de nouveaux clubs qui émergent. Il y a un travail qui est en train de se faire par les encadreurs et mérite d’être soutenu par la fédération. Mais il faut aussi que les gens comprennent que ce n’est pas du rôle de la fédération de s’occuper du travail qui doit être fait dans les clubs ou dans un district ou une ligue. La fédération ne peut venir qu’en appoint. Sa responsabilité est de dégager une politique, à la limite, si elle en les moyens de pouvoir accompagner les acteurs à la base en termes de subvention. Mais le portage de ces différents projets, c’est au niveau local et nous allons demander à tout le monde d’y travailler. Et les gens ont déjà commencé. Dans la banlieue de Dakar, il y a un excellent travail qui se fait chez les jeunes. La preuve, dans le centre national des jeunes filles que nous avons ouvert au mois d’octobre, nous avons des filles qui viennent de Ndar Guedj, Tambacounda, Warrang, Guédiawaye pour la plupart, de Sacré-Cœur. Ceci, c’est le Sénégal. Dans les régions comme en milieu scolaire, il y a du travail qui a commencé, mais qu’il faut amplifier.’’

Réhabilitation stadium Iba Bar Diop

‘’Le projet de réhabilitation du stadium Iba Bar Diop est actuellement en cours. Il est intégré dans le cadre du projet des Jeux olympiques de la jeunesse. Nous avons travaillé avec le comité d’organisation, avec Ibrahima Wade et le comité olympique. Nous avons convenu qu’Iba Mar va faire l’objet d’une réhabilitation pour être fermé. Iba Mar, c’est le temple du handball sénégalais. Avec Iba Mar réhabilité, nous aurons une pratique de cette discipline retrouvée au sein d’un quartier aussi intéressant que la Médina. Nous sommes en attente de voir ce grand projet sortir de terre. Je sais que Comité d’organisation des JOJ et le Comité olympique sont en partenariat avec l’Agence française de développement et d’autres partenaires.’’

OUMAR BAYO BA

 

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