Publié le 28 Mar 2016 - 21:55
SEYDOU GUEYE, MINISTRE, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT

‘’Macky Sall appellera au dialogue’’

 

Selon le porte-parole du gouvernement, Seydou Guèye, le président de la République est tout à fait dans les dispositions d’appeler à un dialogue avec les acteurs de la scène politique. Dans cette suite de l’entretien publié hier, il revient sur les enseignements du référendum, l’attitude du ministre de l’Intérieur, la contestation des résultats du référendum par le front du NON, entre autres questions de l’actualité politique.

 

Quels sont les enseignements que vous avez tirés du référendum du 20 mars dernier ?

Pour certains, ce référendum avait des relents d’une élection présidentielle. Pour d’autres, il était uniquement un référendum soumis au peuple, pour qu’il décide d’un avenir pour notre démocratie. Et cet avenir, c’est de consolider notre démocratie, l’Etat de droit et le renforcement des institutions. Pour d’autres également, ce référendum avait des allures de compétitions locales. Mais ce qu’on en tire, c’est que ceux qui ont pensé que c’était un baromètre pour évaluer leurs propres forces, ils doivent se rendre compte que, si c’était une présidentielle, le président Macky Sall les aurait battu, dès le premier tour, à près de 63%. Les résultats indiquent très bien cela, parce que beaucoup d’entre eux n’ont pas été en mesure de gagner ou leur bureau, leur centre de vote ou leur commune. Pour ceux qui étaient dans la perspective exclusive et essentielle du référendum, je pense que la décision du peuple souverain leur a donné raison, puisqu’il ne s’agissait que de cela et rien de plus.

Maintenant, il y a des lectures locales, puisque nous n’avons pas encore soldé toutes les dimensions des dernières élections. Et pour beaucoup d’entre nous qui sommes revenus à de meilleures positions, au sortir de ce scrutin, c’est une sorte de rectification d’une situation qui était difficile en 2014. Cette situation a changé, parce qu’il y a un travail qui a été effectué sur le terrain. Mais l’un dans l’autre, il convient de retenir que ce référendum n’était fait que pour le Sénégal. Il n’était fait contre personne et il n’était pour personne, sinon le peuple sénégalais qui marque d’une pierre blanche une progression historique. Puisque notre démocratie, qui est une démocratie majeure, deviendra une démocratie modèle et on n’aura plus besoin de nous inspirer ou d’invoquer les démocraties étrangères pour valider nos orientations politiques. La démocratie sénégalaise se suffira de sa Constitution qui est devenue intemporelle et qui deviendra de plus en plus impersonnelle.  

Quelles leçons politiques pour l’Apr ? Y-a-t-il un bon baromètre pour les échéances futures ?

Ce référendum devra nous permettre, au-delà des acquis et des avancées, de clarifier davantage le jeu politique. Puisque, pour moi, le jeu politique aujourd’hui se décompose de la façon suivante. Il y a deux côtés : ceux qui se préoccupent du Sénégal, qui cherchent l’épanouissement collectif et la consolidation des acquis et ceux qui sont guidés par des préoccupations pouvoiristes  et qui sont en mal de patience. Des gens qui ont même pris le risque de sacrifier les enjeux du vivre ensemble sénégalais. Ils ont agressé le vivre ensemble des Sénégalais. Ils ont exposé notre pays à des vents qui n’étaient pas forcément favorables.

En quoi faisant ?

En disant que derrière ce projet, il y a une sorte de validation de l’homosexualité. Que la laïcité était agressée. C’est prendre des risques inutiles et incertains pour le pays, puisque notre vivre ensemble est construit autour d’un idéal commun et d’une option fondamentale de coexistence religieuse. Aussi préoccupé soit-il de modernité, personne n’ose dans notre pays, en tout cas un homme qui est élu comme le Président Macky Sall, exposer notre pays à un type de pratique et à des questions de mœurs que la morale et l’éducation réprouvent. Ce sont des questions sur lesquelles il a donné des positions très claires et de façon évidente. Tant qu’il est là, l’homosexualité n’aura pas droit de cité dans notre pays. On ne peut pas être plus clair. Dès lors que l’opposition était occupée par son accès au pouvoir et son impatience à y arriver, ils ont fait feu de tout bois, avec une stratégie d’intoxication, de désinformation et à la limite, une stratégie de manœuvre.

Avec le soutien de ses alliés, le président de la République est sorti de ce scrutin avec 62,70% des suffrages. N-a-t-il pas en quelque sorte briser l’élan de certains leaders comme Khalifa Sall, Malick Gackou, Pape Diop, Abdoulaye Baldé et autres ?

Non, il n’a pas brisé leur élan. C’est qu’ils étaient inconsistants par rapport à leurs ambitions. Ce n’est pas parce qu’on se déclare présidentiable qu’on est forcément un client intéressant. Ce qui se révèle, c’est que la politique, c’est d’abord une affaire de base. Ce n’est  pas par l’opinion qu’on va se faire une base. Puisque au final, c’est bulletin après bulletin qu’on va compter les suffrages. Peut-être qu’ils avaient des ambitions démesurées, mais le pouvoir citoyen, les a ramenés à leur véritable dimension.

Même si le OUI l’a emporté, beaucoup de questions relatives à la réforme demandent d’amples explications. Cela n’est-il pas le contre coup de la manière dont le débat a été posé et l’absence de dialogue avec l’opposition ?

Il y a des tenants de cette thèse qui s’appuient aujourd’hui sur le taux de participation pour s’en servir comme argument. Je trouve cela ridicule et inutile. J’aurais compris que quelqu’un ait appelé au boycott pour avoir le droit de se fonder sur un taux de participation, pour dire que le succès du boycott, c’est le faible taux de participation. Mais tel n’a pas été le cas. Ils ont ‘’compéti’’. Le peuple souverain a tranché et a dit de façon nette et claire OUI au Président Macky Sall, à près 63% suffrages valablement exprimés. Deuxième argument que je rejette, parce qu’infondé, l’absence de concertation. Ce processus prend racine depuis les consultations citoyennes menées par les Assises nationales.

Ensuite, il y a eu la mise en place de la Commission nationale de réforme des institutions qui a refait le tour du pays, a ouvert des concertations y impliquant des composantes de notre vie politique, citoyenne et sociale qui n’étaient pas engagées dans les Assises nationales. Et c’est à l’issue de cela qu’un rapport a été déposé sur le bureau du président de la République qui en a tiré 13 propositions parmi les 15 qu’il a soumises au peuple sénégalais. Donc il faut distinguer le temps de la concertation du temps de la décision. Si entre les deux certains veulent de la négociation, cela pose problème. On ne gère pas un Etat par la négociation. On gère un Etat par la concertation, comme cela a été le cas et par la décision, quand le moment a été opportun, le président l’a fait.

Ne serait-ce que par souci d’élégance républicaine, n’aurait-il pas mieux valu appeler les gens autour d’une table, pour leur annoncer que le projet est tiré, pour l’essentiel, des conclusions des Assises ?

Mais le président a été plus loin. Puisqu’une fois, il a arrêté les points qu’il souhaitait soumettre au peuple, il a utilisé tous les moyens de communication modernes pour sensibiliser l’opinion, en diffusant le courrier qu’il a transmis au Conseil constitutionnel. Mais aussi, en mettant à la disposition de chaque citoyen sénégalais, le contenu de la proposition qu’il avait soumise. Quand la réponse lui a été donnée, il a pris la parole pour dire aux Sénégalais ce qui était sa décision. Parce que, encore une fois, il faut qu’on s’entende sur une chose, le président de la République, conformément à la Constitution, est le seul habilité à définir la politique de la Nation y compris la politique constitutionnelle.

Les réactions se poursuivent après le référendum surtout par rapport à la posture du ministre de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo qui, dit-on, a outrepassé ses prérogatives, en proclamant les résultats à la place de la Cour d’appel. Ce qui fait d’ailleurs qu’il est récusé par une bonne frange de l’opposition ?

C’est très léger comme argument, même si, on peut convenir qu’il aurait mieux valu qu’il ne l’eût pas fait. Puisqu’il n’est pas de son ressort de proclamer des résultats. Mais à l’entame de son propos, il a bien précisé qu’il ne prononçait pas les résultats, puisqu’il n’est pas l’organe habilité à le faire. Et jusqu’à présent, nous n’avons que les résultats de la Commission nationale de recensement des élections. Nous n’avons pas encore les résultats proclamés officiellement par le Conseil constitutionnel qui est le seul organe habilité en la matière.

D’une manière générale, les gens lui ont reproché d’être à la fois juge et partie, dans le processus référendaire. La posture de neutralité qu’on entend d’un ministre de l’Intérieur, on ne l’a pas vu avec lui. Cela ne risque-t-il pas de cristalliser les débats lors des prochaines joutes ?

Moi, je ne me laisse pas impressionné par ce type d’argumentation en provenance du Parti démocratique sénégalais (Pds) qui n’a rien appris et qui n’a rien oublié. Le Sénégal est aujourd’hui à un niveau de fiabilité de son processus électoral que, quelle que soit la personne présente à ce poste, il ne peut pas y avoir d’influence négative. Abdoulaye Wade a perdu les élections avec un ministre de l’Intérieur qui s’appelait Ousmane Ngom, militant émérite de son parti. Le président Macky Sall a perdu en 2014 les communes d’arrondissement de Dakar avec un ministre de l’Intérieur qui s’appelle Abdoulaye Daouda Diallo. Il sait mieux que quiconque que son rôle n’est pas de faire gagner son camp, mais d’organiser des élections régulières et transparentes.

Aujourd’hui, le courant du NON conteste et rejette les résultats…

Le courant du NON, après que le pays a décidé, est dans une position que je trouve très rétrograde, puisqu’il faut apprendre en démocratie à respecter la décision du peuple. Pour moi, le débat sur le referendum est terminé, puisque le peuple a indiqué sa préférence. Ce qui nous reste, c’est de construire le développement et l’émergence, plutôt que d’ouvrir de fausses querelles sur un taux de participation ou sur le coût des élections. Le peuple souverain a tranché et quand la  messe est dite, il reste juste à dire : Amen.

La rumeur enfle sur l’arrivée imminente d’Ousmane Ngom dans le gouvernement de Macky Sall surtout après sa démission de son poste de député. Qu’en est-t-il exactement ?

Vous me connaissez suffisamment. Vous ne m’avez jamais entendu répondre à des rumeurs.

On parle de plus en plus de dialogue politique. Mais cela ne semble pas être une préoccupation du chef de l’Etat qui n’a pas encore posé d’acte dans ce sens. Pensez-vous que ce dialogue va avoir lieu ?

Dans le dernier communiqué du Conseil des ministres d’hier (mercredi) qui est la communication officielle du gouvernement, le président de la République réitère son attachement au dialogue politique, gage de modernité de notre démocratie. Le président de la République est un homme de dialogue. Ça je n’ai pas de préoccupation là-dessus. Mais l’opposition aussi doit s’interroger sur sa posture. Quand la stratégie de l’opposition porte sur la défiance, comment voulez-vous dialoguer avec des gens qui veulent eux-mêmes définir les termes du dialogue ? Le dialogue politique est une valeur cardinale de la démocratie. Le régime du Président Macky Sall est ouvert au dialogue. Ce dialogue se mène au niveau institutionnel, à l’Assemblée nationale et dans d’autres instances. Il s’est mené à l’occasion de changements importants telle que la mise en œuvre de l’Acte III de la décentralisation. Jamais un projet n’a engagé autant d’acteurs dans une perspective de dialogue.

Maintenant que tout le monde est d’accord sur la nécessité de dialoguer, qui doit faire le premier pas et dans quelle mesure ce dialogue doit-il se faire ?

Le dialogue se fait, dans la mesure où, quelqu’un appelle au dialogue. Je pense que c’est du ressort du président de la République. Il appellera au dialogue. Et même pour donner suite aux principes généraux fixés dans la Constitution, il y aura nécessairement un dialogue. Si on veut travailler sur la modernisation des partis politiques, il devra s’installer un dialogue entre les acteurs. Si on veut donner une suite cohérente et pertinente aux candidatures indépendantes, il y a un niveau de dialogue à entrevoir. Il y a un dialogue à ouvrir également pour définir la répartition des députés qui devront représenter les Sénégalais de l’extérieur.

A présent que les réformes proposées par le président sont adoptées par les populations, il reste à désigner le chef de l’opposition. Quelles sont les critères de désignation ?

C’est une question à soumettre au dialogue.

Abdoulaye Wade s’est déclaré, de fait, le chef de l’opposition. Qu’est-ce qu’il en est ?

Il faut discuter de cela, puisqu’il va falloir définir les critères. Maintenant, est-ce que c’est sur la base des dernières élections, de la représentativité à l’Assemblée nationale ? Il faut d’abord régler cela. Mais en attendant, il faut se féliciter de ce qui semble être une continuité de notre démocratie. Le président Abdou Diouf en parlait, le président Abdoulaye Wade le met dans la Constitution, le président Macky Sall propose les mesures pratiques qui devront permettre à cette vision d’une démocratie modèle d’être une réalité. 

 

 

Section: