Publié le 13 Apr 2015 - 03:36
SITUATION DES TALIBES

Le Sénégal jette de l’or dans la rue

 

6 H30 mn dans une ville du Sénégal. Des groupes d’enfants en haillons, pieds nus, courent vers le marché, la sébile à la main. Depuis des siècles, ils font partie du décor de ce pays musulman à plus de 90% de sa population. Certains parents trouvent normal de laisser leurs enfants dans ces conditions pour respecter leurs conceptions des principes de la religion. Il est vrai que tout ce qu’une société trouve normal passe comme lettre à la poste à travers la « conscience collective », celle-ci étant généralement le produit de cette société. Pourtant aucune société n’est figée. Au contraire, comme un organisme vivant, elle se modifie au fur et à mesure qu’elle modifie son environnement pour s’y adapter.

Nos consciences contemporaines peuvent-elles, doivent-elles, s’accommoder de pareilles pratiques ? Comment s’y prennent d’autres parents des pays musulmans, comme le nôtre, pour inculquer à leurs enfants leur religion sans les faire souffrir ? On objectera que la souffrance est une part essentielle dans la voie qui mène vers Dieu. C’est incontestable, l’initiation, profane ou sacrée, dans toutes les sociétés traditionnelles, à toutes les époques, comportait une part de souffrance. Mais ces enfants n’en payent-ils pas trop ? Une étude sur les origines sociales de ces enfants qui peuplent la rue montrerait sans doute qu’ils proviennent des couches les plus défavorisées de la société sénégalaise. Les sénégalais jouissant d’un minimum de moyen n’envoient pas leurs enfants « dans la rue » pour étudier le Coran, à moins que cela ne soit un acte de punition pour les « enfants difficiles ».

Un sursaut national est donc une nécessité pour que cette situation apparaisse à chacun de nous anormale. Il ne suffit plus, pour se donner bonne conscience, de leur offrir en passant des pièces de monnaie, des morceaux de sucre ou les restes d’un repas. Certes, ce sont des gestes, qui proviennent du cœur ou sont inspirés par la religion, mais l’inconvénient majeur est de les enfoncer davantage dans cette situation par une légitimation tacite. Il est donc urgent de convoquer les Assises nationales pour cette catégorie d’enfants. La société ne doit pas rester indifférente à leur sort difficile. Chacun de nous les voit « travailler » le jour. Mais imagine-t-on leurs conditions de vie pendant la nuit : comment dînent-ils ? Où dorment-ils ? Comment vivent-ils la vie de jungle entre eux ? Comment vivent-ils leurs maladies, leurs blessures, leur faim ... ? Le premier étranger qui débarque dans le pays s’interrogera sur la pertinence du concept de « Téranga » bien vendu à l’extérieur comme le symbole de la générosité des sénégalais, si tant est que charité bien ordonnée commence par soi moi-même.

 Les Chefs religieux, les Parents, l’Etat, la société civile doivent se rencontrer pour discuter et trouver la solution à ce problème. C’est pire que les inondations et c’est plus important que toutes les manifestations que les médias audiovisuels couvrent et diffusent quotidiennement. Nous ne devons plus continuer à cohabiter avec cette pratique, certes bien intentionnée, mais qui charrie beaucoup de souffrances pour nos enfants. En effet, d’autres modes d’éducation sont possibles, il suffit de débattre de la question de manière sereine pour trouver une issue heureuse à cette épineuse question. A terme, c’est le Sénégal qui sera le grand gagnant parce qu’il aura à bénéficier du maximum de potentialités de chacun de ses enfants, quel que soit son milieu social. Combien de génies sont ainsi perdues par une société qui cherche à émerger ? Les « talibés » méritent un nouveau regard.

 Bélél Tagarédjé

 

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