Publié le 9 Jun 2018 - 22:54
SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE DU SENEGAL

Amadou Ba défend ses chiffres 

 

Le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, Amadou Ba, est monté au créneau, hier, pour tirer les choses au clair, suite aux polémiques récentes sur la situation économique et financière du pays. Situation du Trésor, dette due aux entreprises, bourses des étudiants, le Pudc, les taux de croissance, rien n’a été laissé en rade.

 

Le ministre en charge de l’Economie, des Finances et du Plan ne veut plus laisser les rumeurs courir sur la situation des caisses de l’Etat. Après la sortie de Mamadou Lamine Loum et le débat sur les taux de croissance du pays, Amadou Ba a fait face à la presse, hier, lors d’une visite de la Direction générale de la Comptabilité et du Trésor, pour éclairer la lanterne des Sénégalais.

Situation du Trésor

‘’Le processus budgétaire est complexe. Nous n’avons pas de problème de trésorerie. Il faut que ça soit très clair.  A la date d’aujourd’hui, au niveau du Trésor, nous avons au moins 700 milliards de francs Cfa. La mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (Pse) produit manifestement des résultats. Mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas de difficultés. C’est peut-être au niveau du budget où, effectivement, nous avons quelques contraintes. Le budget de 2017 a été bâti sur des hypothèses : une croissance, un défi budgétaire, un niveau de recettes projeté et un niveau de dépenses exécuté. L’environnement international a un peu changé dans le courant de l’année 2017, notamment sur le second semestre.

Le prix du baril de pétrole a un peu augmenté. Et le pétrole, c’est à peu près 20 % de nos recettes fiscales. En fin d’année, on s’est retrouvé avec une moyenne value sur les recettes d’à peu près 160 milliards de francs Cfa. Des services ont fait un travail important et, in fine, on s’est retrouvé avec une moyenne value de 137 milliards. Le gouvernement s’était engagé sur une cible de déficit budgétaire de 337 milliards de francs Cfa. C’est-à-dire qu’on admette un niveau de dépenses supérieur aux recettes de ce montant. Nous avons tout fait pour que cette cible soit respectée. C’est ainsi que certaines dépenses ont été reportées sur le budget 2018. Mais l’environnement international a continué de se dégrader. Le baril du pétrole a atteint, il y a quelques jours, 80 dollars. Au moment où nous sommes, nous avons des pertes de recettes de l’ordre de 100 milliards de francs Cfa. Parce que le gouvernement n’a pas appliqué une hausse sur le prix du carburant. La conséquence est qu’il faut qu’on subventionne la Senelec, sinon elle va contracter des dettes. Donc, la société d’électricité va recevoir au moins 50 milliards de  francs Cfa dans la prochaine loi de finances rectificative. C’est un montant qu’on va prendre sur d’autres postes de dépenses. Mais ça, c’est une subvention aux consommateurs. C’est un choix politique que nous  assumons.’’

Dette due aux entreprises, bourses des étudiants et Pudc

‘’On a injecté beaucoup plus d’argent dans l’économie que par rapport à l’année dernière à la même période. Nous avons mobilisé exactement 2 194 milliards en trésorerie et nous avons injecté 1 510 milliards de francs Cfa. L’année dernière, à la même date, on avait injecté 1 326 milliards. Il y a des mesures qui ont été prises dans le cadre des salaires et qui ont coûté, à la date du 7 juin 2018, 21 milliards. Nous avons payé aux entreprises 652 milliards contre 475 milliards l’année dernière, soit 177 milliards de plus. Nous avons payé en service de la dette 391 milliards de francs Cfa contre 382 milliards en 2017, soit 8,5 milliards de plus. Nous l’avons décomposé en infrastructures pour 182 milliards, en agriculture 60 milliards dont 47 au titre de la campagne arachidière. Le montant des bourses d’étudiants effectivement payées s’élève à 30 milliards. Sur le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc), 15,4 milliards ont été déboursés. Les collectivités locales ont reçu 37 milliards contre 26 milliards. Ce sont des dépenses qui peuvent être prouvées et qui sont justifiées dans les livres tenus par le Trésor et qu’on peut vérifier à la Banque centrale.

Donc, aujourd’hui, l’économie sénégalaise se porte bien. Par contre, nous sommes dans un environnement incertain qui nous oblige à faire preuve de prudence. Parce qu’un budget est une programmation annuelle. L’Assemblée nationale a adopté un budget de 3 700 milliards de francs Cfa. A la date d’aujourd’hui, nous sommes à 45,81 % d’engagement. On aurait pu être à 43,30 %. Ce n’est pas parce qu’on a un budget de ce montant qu’il va falloir l’exécuter en 3 ou 4 jours et se retrouver après avec zéro franc. Ce n’est pas comme ça qu’on gère un budget.’’

Etablissements supérieurs privés

‘’Une première dotation de 3,7 milliards a été inscrite en 2013 et depuis lors, 5 milliards de francs Cfa sont inscrits chaque année au titre des différents budgets. Toutes les sommes inscrites dans le budget ont été engagées par la Direction générale du Budget et effectivement payées par le Trésor. Cela veut dire que l’autorisation parlementaire qu’on avait a été totalement exécutée. Dans la pratique de gestion, il est possible qu’il y ait des difficultés çà et là, et nous comprenons très bien ce qu’il y en a dans le monde universitaire. Même peut-être à l’insu du ministre de l’Enseignement supérieur, il est possible que des étudiants soient inscrits dans des écoles privées et que les factures reçues par le ministère dépassent largement les prévisions budgétaires. C’est possible. Il y a aucun problème. Je n’accuse pas le ministère. Mais nous avons un obstacle juridique qui est là. C’est devoir faire face à une dépense qui n’est pas inscrite pour l’heure dans le budget.

Les instructions du président de la République vont être mises en œuvre et, en relation avec mon collègue de l’Enseignement supérieur, nous nous retrouverons dès ce lundi pour essayer de trouver une solution à cette question. Les 5 milliards qui ont été inscrits dans le budget ont été payés. Et de 2013 à maintenant, 29 milliards ont été payés aux écoles privées. Malheureusement, on a inscrit beaucoup plus d’étudiants dans ces établissements et, aujourd’hui, on est peut-être à 16 milliards de dettes qu’il faut regarder pour voir qu’est-ce qui les justifie. Ces dépenses ne sont pas prévues dans le budget du Trésor. C’est pourquoi on ne peut pas les payer maintenant. Mais, dans tous les cas, nous procéderons au paiement. Nous prévoyons d’aller à l’Assemblée nationale très prochainement pour une loi de finances rectificative. Parce que lorsque l’environnement change, il faut aussi changer un peu les priorités du budget. Des mesures ont été prises pour le secteur de l’éducation, avec les salaires, pour un montant de 50 milliards de francs Cfa. Il va falloir les prévoir dans le budget. Des engagements ont été aussi pris pour l’Enseignement supérieur, notamment avec l’augmentation  des bourses. Il va falloir le préparer.’’

Hausse des impôts

‘’Le gouvernement a fait des modifications pour certains impôts et ce sont ceux qui ont des externalités négatives. Il s’agit de celui sur le tabac, sur l’alcool, les corps gras alimentaires. Mais ces impôts n’apportent pas de l’argent rapidement. Or, si on avait décidé d’augmenter l’impôt sur les salaires, les résultats seraient perceptibles aussitôt. On aurait l’argent dont on a besoin tout de suite. C’est la même chose pour la taxe sur la valeur ajoutée (Tva). Mais le gouvernement n’a pas choisi cette option. Nous sommes un pays en construction et il y a toujours des pressions, de la  tension. Cependant, quel que soit alpha, réglons les choses dans le calme et la sérénité.’’

Taux de croissance

‘’Si on parle d’une rectification des chiffres du Sénégal par rapport au taux de croissance, c’est parce que les gens n’ont pas tenu compte des paramètres de la source qui a donné l’information. Et là, nous avons notre part de responsabilité. Nous devrions, de manière tout à fait transparente, emmener la presse dans nos différents services afin qu’elle voit comment nos agents travaillent. Ainsi, les gens vont comprendre pourquoi on parle de croissance de 6,2 % et 5,7 %. Parce que c’est nous qui avons fourni les chiffres à la Banque mondiale au mois de septembre 2017. A l’époque, on était entre 6,2 et 6,8 %. Mais pendant cette période, l’agriculture n’était pas prise en compte, ni le 4e trimestre. C’est dire qu’il peut y avoir des améliorations ou des contre-performances sur le taux déjà avancé.

Donc, en janvier 2018, on peut faire une bonne évaluation, parce qu’on aura tous les paramètres de 2017. Or, la Bm, à qui nous avions déjà facilité les chiffres au mois de septembre, ne peut pas ressortir tous ces éléments. Donc, si elle donne des chiffres, ceux-ci peuvent être justes. Toutefois, les gens doivent tenir compte de leur période sous revue et de même que celle du gouvernement. C’est le même processus entre l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) et la Direction de la planification des politiques économiques (Dppe). Parce que si la Dppe donne les chiffres de 2017, l’Ansd peut rester deux ans afin de vérifier ses données. Il y a eu des années où l’Ansd a publié des chiffres qui ont revue à la hausse ceux donnés par l’Etat. Et ça, c’est normal et c’est ainsi que cela se fait dans  tous les pays.’’

Le Trésor ouvre ses livres

La situation de la trésorerie de l’Etat, à la date du 7 juin 2018, est loin d’être alarmante. L’assurance est du directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor. Selon Cheikh Tidiane Diop, un montant de 2 194 milliards de francs Cfa de ressources a été mobilisé en 2018 contre 1 664 milliards en 2017. Les recettes fiscales et non fiscales sont estimées à 865 milliards en 2018 contre 825,8 en 2017.

Pour le recouvrement en termes d’Eurobond, le gouvernement a mobilisé, au niveau du marché financier, 1 187 milliards en 2018 contre 725,4 en 2017. Ainsi, pour les paiements aux cocontractants de l’Etat, à savoir les fournisseurs et entreprises, le montant est évalué à 652,2 milliards de francs Cfa cette année contre 475,2 milliards en 2017, soit une augmentation de 177 milliards de francs Cfa. Concernant les salaires de l’Etat, des agents, des collectivités locales et corps émergents, ils sont chiffrés à 337,7 milliards contre 317 l’année dernière.

De son côté, le service de la dette publique est estimé à 391,3 milliards, alors qu’en 2017, il était à 382,7 milliards, soit une variation positive de 8,5 milliards. Et les autres opérations de trésorerie au niveau de La Poste et de l’Opex se soldent à 99,8 milliards cette année contre 151,1 milliards en 2017, soit une baisse de 51,2 milliards.

MARIAMA DIEME

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