Publié le 20 Jan 2015 - 16:51
SOUVENIRS DE CAN… MOUSSA NDIAYE RACONTE MALI 2002 ‘’

Comme des lions affamés’’

 

Il fait partie de cette génération qui amené pour la première le Sénégal en finale de Coupe d’Afrique. Championnat de France avec Monaco (2000), Moussa Ndiaye (né en 1979 à Pire) raconte cette belle aventure au Mali en 2002. Aujourd’hui engagé avec l’Olympique de Ngor, le vainqueur de la Coupe de l’émir du Qatar avec Umm Salal (2007) veut continuer à encadrer les jeunes après sa retraite.

 

‘’De la joie et du bonheur’’

C’est des souvenirs de joie et de bonheur. On a vécu la CAN 2002 comme une famille. On était ensemble et on s’entendait bien. C’était ça la force de notre groupe. Il y avait de la solidarité et de la rigueur. On avait aussi une mentalité de gagneurs. Chacun savait pourquoi il a été appelé en équipe nationale.

Que ce soit ta famille, tes amis et tes fans, tout le monde en parlait. Tout cela a renforcé notre détermination et engagement sur le terrain. C’était cet état d’esprit qui animait tous les joueurs en 2002. On n’avait peur de rien. Au foot, soit tu gagnes, soit tu perds ou tu fais match nul. Mais nous, on jouait pour gagner. Le cas contraire, on s’en tenait à ça. C’est le succès qui te donne de la reconnaissance. Sans cela personne ne te connaît. C’était ça la réalité de 2002 et le peuple était avec nous. Les supporters venaient au stade pour nous voir gagner. De notre part, on entrait dans le stade avec cet esprit de gagneur. Quand tout le pays s’unit, rien ne peut nous résister.

‘’On avait envie de prouver pourquoi on était sélectionné’’

C’était par conviction et ambition qu’on était arrivés à ce stade de la compétition. On se disait qu’il fallait à tout prix remporter le premier match et attendre de voir le résultat des autres adversaires. Tu gagnes le second et ainsi de suite… Le reste, c’est une question de mentalité. Il faut aussi réitérer en sélection ce qu’on avait l’habitude de faire en club et qui a justifié sa convocation par le sélectionneur, voire faire plus que ça puisqu’il s’agit de notre pays. Aujourd’hui, quand on rentre au pays, les gens nous parlent de ce qu’on a fait en 2002. C’est une fierté. On doit avoir de l’engagement dans tout ce que l’on fait. Une fois que tu arrêtes, les gens te seront reconnaissants. Il n’y a pas meilleure récompense que ça. C’est ça la solidarité.

‘’Metsu a poursuivi le travail de Peter’’

Peter Schnittger (sélectionneur de 1999 à 2000) a construit un groupe et fait la CAN 2000. C’est par la suite que Bruno (Metsu) est arrivé. Il a poursuivi le travail. Chacun des deux entraîneurs était venu avec sa façon de manager. C’est cette gestion de groupe, en plus de la volonté des joueurs, qui nous a aidés. Il y avait de la concurrence, certes, mais saine. Chaque remplaçant acceptait son statut. C’était un groupe où tout le monde se connaissait. Il arrivait qu’on s’appelle pour se donner rendez-vous à Paris dans un restaurant.

On discutait. Cela a renforcé notre groupe. Quand on venait en équipe nationale, c’est la même ambiance familiale avec le respect mutuel qui y régnait. On partageait tout. Au Mali, on se partageait même le ‘’dibi’’ (grillade, spécialité Haoussa). Chacun pouvait faire ce qu’il voulait en dehors mais une fois dans le groupe, on doit respecter la façon de fonctionner et donner toute sa considération à l’équipe. On s’engageait comme un lion affamé. En plus, Bruno nous donnait de bons conseils. Il nous disait : ‘vous êtes chez vous. Tout ce que vous n’obtiendrez pas, c’est parce que vous ne l’avez pas voulu ou mérité’. Il y avait un respect mutuel entre lui et nous. C’est vrai, les gens qui disaient que Bruno était copain avec ses joueurs avaient raison. C’est ce que doit faire un entraîneur pour avoir leur estime. Le coach nous laissait la liberté et on lui rendait cela sur le terrain.

‘’C’est comme si on était au paradis’’

C’était comme si on était au paradis le plus élevé. Tout le Sénégal uni nous a accueillis, de l’aéroport jusqu’au Palais présidentiel, avec les supporters qui criaient et scandaient nos noms. C’était émouvant. On a même pleuré dans le bus. On se demandait : ‘qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça ?’. Je crois que si on s’était présenté à une élection présidentielle, on aurait été élus. Le Sénégal nous chérissait. C’est la raison pour laquelle on laissait tout pour venir défendre les couleurs nationales. Je remercie tous les Sénégalais pour cet accueil. Jusqu’à la mort, on ne l’oubliera jamais. Je rends grâce à Dieu d’avoir fait partie de ce groupe. J’y ai participé jusqu’à la mesure du possible.

‘’Je visais les demi-finales’’

Il faut dire qu’on avait des joueurs talentueux. Chacun était titulaire dans son club en Europe. Plus de la moitié du groupe a été formé en France. On a bataillé fort jusqu’à obtenir notre convocation en équipe nationale. S’il y avait quelqu’un qui ne nous attendait pas à cette CAN, c’est parce qu’il se trompait. On avait 4 joueurs à Lens, 3 à Sedan... C’était déjà un groupe solidaire. Quand on les met ensemble, ils peuvent être ensemble.

Chaque week-end presque, on partageait les mêmes terrains. Je ne savais pas pour les autres, mais moi personnellement, je visais les demi-finales. Dieu a fait que les choses se sont passées ainsi. En demi-finales, on a battu le Nigeria (2-1) à 10 contre 11. C’est grâce aux entraînements et à la détermination qu’on a obtenu cela. Notre dernier match de qualification contre le Maroc ici (stade LS Senghor), le stade était plein à craquer. Cela était une source de motivation.

‘’Pendant une semaine, la défaite est restée en travers de nos gorges’’

Quand on visionne à nouveau le match ou qu’on y pense, on se dit qu’on aurait pu gagner notre première coupe d’Afrique et l’amener au Sénégal. Mais je considère que c’était la volonté divine. On est allés jusqu’à la séance des tirs au but. Je pensais même qu’ils (Camerounais) allaient nous battre vite fait. Mais aussi, on est des ‘’Lions’’ comme eux. Ils disent que les Lions du Sénégal sont plus gentils. Une fois sur le terrain, on se disait qu’on pouvait les battre. Seulement, c’est le but qui n’est pas rentré. Là, on arrive aux tirs au but où c’est la chance qui joue.

A notre retour dans nos clubs, on nous disait : ‘vous méritiez la coupe’. Idem pour les Camerounais quand ils sont rentrés dans leurs clubs. Ce qui veut dire que chacun la méritait. Donc, il faut accepter la volonté de Dieu. On ne peut rien contre celle-ci. Pourtant, j’avais confiance quand on était arrivés en finale, surtout aux tirs au but. Je m’étais dit : ‘Tony (Sylva) va arrêter des penalties’. Ce n’est pas facile de gérer ces moments en finale, surtout pour les jeunes de l’équipe, qui n’avaient pas une grande expérience.

‘’On s’était préparés en France’’

On s’était préparés dans de bonnes conditions. C’est en France que nous avons fait notre camp de stage. On a tenu une réunion avec ‘’Souris’’ (Malick Sy, ancien président de la FSF) et le ministre (Joseph Ndong) et on a exposé nos doléances. C’étaient des dirigeants attentifs qui avaient confiance en nous. C’est pour cela qu’ils n’hésitaient pas à répondre à nos demandes.

Des bisbilles autour des primes ? C’est comme ça. Des fois, il arrive que les primes tardent à arriver. Mais on avait des gens comme Aliou Cissé, Amara Traoré, entre autres, qui portaient notre parole. C’est des choses qui arrivent dans la vie. Mais il faut savoir que les choses ne peuvent pas se régler automatiquement.

‘’On avait difficilement entamé les éliminatoires’’

Les éliminatoires de la CAN 2002 avaient débuté difficilement pour nous. C’est Peter Schnittger qui avait le groupe. On a perdu le premier match en Guinée. C’est par la suite que Bruno Metsu est arrivé. On s’est battus pour obtenir la qualification. C’est pendant les regroupements qu’on a tiré les enseignements de la défaite. On s’est dit de tout faire pour que cela ne nous arrive plus. Pour cela, il fallait qu’on croie en nous. En allant à la CAN, les gens avaient des doutes puisque l’équipe n’avait pas deux ans de vécu. Mais avec les éliminatoires de la Coupe d’Afrique aussi, cela nous a permis d’avoir plus de matches. Partant de là, on a eu une équipe et un collectif.

‘’Le fruit de l’unité et du travail’’

Les enseignements qu’on peut tirer de cet échec, c’est qu’il faut s’unir et travailler. A chacun son tour. En cas de victoire, c‘est tout le Sénégal qui y gagne. Il faut croire en soi pour avancer.

‘’J’avais joué cinq matches’’

J’avais rêvé de jouer une finale de Coupe d’Afrique et cela s’est accompli. Mais c’est dommage de ne pas avoir remporté ce titre continental. J’ai joué pratiquement tous les matches sauf la demi-finale contre le Nigeria (2-1 a.p.). J’étais sur le banc, à cause du choix tactique de Bruno qui avait beaucoup de systèmes. En finale, je suis entré en seconde mi-temps.’’

ADAMA COLY

 

 

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