Publié le 16 Jan 2021 - 22:25
STRATEGIE DE DEPISTAGE

Tensions sur le business du test

 

Avec l’arrivée des tests à diagnostic rapide, certains redoutent le retour à la situation ante, avec un quasi-monopole de l’Institut Pasteur, grâce à sa plateforme diatropix. Pendant que le docteur Ousmane Guèye du Sneips rassure, certains labos tentent de faire face à un problème de réactifs.

 

C’était au mois de novembre. L’Institut Pasteur venait d’inaugurer, avec ses partenaires, la plateforme de tests de diagnostic rapide (TDR). Moins de deux mois plus tard, le Sénégal s’apprête à virer vers ces types de test qui ont l’avantage d’être beaucoup plus rapides, environ 20 fois moins chers que les tests PCR, selon les projections. Actuellement, un test PCR revient à 40 000 FCFA. Selon donc ces projections, le test rapide va coûter environ un dollar, c’est-à-dire, moins de 1000 FCFA.

Coordonnateur du Sneips (Service national de l’éducation et de l’information pour la santé), membre du CNGE (Comité national de gestion des épidémies), le docteur Ousmane Guèye explique : ‘’Le protocole est déjà validé. Le comité scientifique, autour de la Direction des laboratoires, s’est réuni et a donné son accord avec quelques observations. Ces dernières sont d’ailleurs en bonne voie d’être réglées. Je pense que dans les jours à venir, les TDR seront disponibles à travers le territoire national.’’ A la question de savoir quelles sont ces observations, il rétorque : ‘’En fait, l’utilisation des TDR requiert une certaine prudence. Il faut savoir les manipuler ; il faut savoir interpréter les résultats. Ce sont les suggestions faites par le comité à l’endroit des techniciens.’’

Mais quelle sera l’incidence de l’utilisation de ces nouveaux types de test sur le business des tests ? Rien n’est encore clair. En tout cas, depuis le début de la pandémie, s’est déclenchée une véritable guerre des labos, en ce qui concerne ce business jugé lucratif par certains. D’ailleurs, il a fallu beaucoup de pression pour casser le monopole de Pasteur. Ensuite, sont venus l’Iressef du Pr. Mboup, Le Dantec et HMO. Avec l’arrivée des tests rapides, l’on se demande s’il n’y a pas de risques de revenir à la situation ante, avec un monopole de Pasteur au détriment des autres structures. Le Dr Guèye rassure : ‘’Je ne crois pas qu’il y aura de monopole. S’il y a d’autres firmes qui sont dans les dispositions de faire ces TDR, qui répondent aux mêmes qualités et accessibles financièrement, il n’y aura pas de monopole.’’

Pour la mise en œuvre de ces tests rapides, il n’est jusque-là mentionné que la plateforme diatropix. Récemment, lors du dernier ‘’Gouvernement face à la presse’’, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, disait : ‘’Avec l’Institut Pasteur, nous avons lancé une plateforme diatropix qui permet de produire au Sénégal, au niveau de l’Institut Pasteur, des tests de diagnostic rapide. D’ici la fin du mois de janvier, la production sera suffisante pour nous permettre de les lancer dans nos systèmes de santé.’’ 

Selon lui, cela va beaucoup faciliter non seulement la rapidité du test, mais ça va aussi le rendre plus accessible financièrement. ‘’Je peux rassurer et dire que, par rapport aux tests, le Sénégal est confortable en termes de stock et de possibilité de faire ces tests. Dans beaucoup de pays, il peut y avoir des contraintes, mais ce n’est pas notre cas’’, soulignait Diouf Sarr.

Le Dantec : ‘’Nous avons eu des ruptures, mais nous allons redémarrer lundi prochain.’’

Le mercredi suivant, en Conseil des ministres, le président de la République demandait ‘’l’accélération des efforts de maitrise de la pandémie’’, à travers notamment la mise en œuvre des tests à diagnostic rapide. A ce propos d’ailleurs, affirme le Dr Guèye, le Sénégal a déjà fait des efforts considérables. ‘’A un moment, les tests se faisaient uniquement au niveau de l’Institut Pasteur. Ensuite, progressivement, d’autres labos ont été impliqués dans le circuit. D’abord, l’Iressef, HMO et Le Dantec. Aujourd’hui, dans toutes les régions du Sénégal, à l’exception de Louga, on fait des tests. Et Louga, dès la semaine prochaine, va faire des tests. C’est ça la décentralisation des tests dans l’ensemble du territoire. On en fait même dans certains postes frontaliers’’.

L’avantage avec les TDR, c’est que les choses pourraient aller beaucoup plus vite. Les tests seront aussi beaucoup moins chers.

Dans l’attente de ces tests à diagnostic rapide, des informations font état d’une rupture momentanée de réactifs dans certains laboratoires publics. Cité parmi les laboratoires où l’on peine un peu à faire des tests ces derniers jours, Le Dantec confirme, mais relativise : ‘’Nous avons deux volets : le volet qui appartient à l’hôpital et le volet ministériel. Nous continuons à faire les tests diagnostic pour le ministère. Ce sont les tests voyageurs qui étaient en rupture, mais la situation s’est décantée. Nous allons redémarrer lundi, inch’Allah.’’

Il n’empêche, certains craignent un autre bouleversement du marché des tests, après l’entrée en vigueur de ces nouveaux tests de l’Institut Pasteur. Pour rappel, au tout début de l’admission de l’Iressef dans le marché ‘’juteux’’ des tests, cette structure a éprouvé toutes les peines du monde. A un moment, bloqué par Pasteur, elle a été contrainte de recourir à l’Institut hospitalier universitaire de Didier Raoult, pour être dans les dispositions de faire ses propres tests. Le docteur Cheikh Sokhna disait : ‘’Cela n’a pas été facile pour le Pr. Mboup, parce que l’Institut Pasteur avait refusé de lui céder la souche. Sa souche est finalement venue de Marseille. D’ailleurs, il collabore beaucoup avec Didier Raoult.’’

Il faut souligner que le diagnostic est extrêmement important dans le suivi du coronavirus. En ce qui concerne les tests rapides, ils sont de deux ordres. Il y en a qui sont effectués à partir des prélèvements sanguins, d’autres à partir des prélèvements nasaux. Les premiers permettent de déceler des traces d’anticorps signifiant que la personne a été contaminée par la Covid. Les seconds détectent le virus dans les voies respiratoires. Pour ce qui est de la stratégie de tests du Sénégal, le coordonnateur du Sneips rappelle : ‘’Il y a le suivi des cas contacts ; les tests pour les voyageurs, mais aussi pour toute personne qui arrive dans les structures sanitaires présentant des signes en faveur. Tout ce monde est testé.’’

Pour rappel, la plateforme diatropix a été inaugurée le 16 novembre 2019 en présence du ministre de la Santé et de l’Action sociale, mais aussi des ambassadeurs français, britannique et allemand. Cette plateforme à but non lucratif est une initiative de l’Institut Pasteur et de ses partenaires dont la fondation Mérieux, la Foundation for Innovative and New Diagnostics et deux partenaires industriels (la Britannique Mologic LTD et la française BioMérieux. ‘’L’Institut Pasteur de Dakar a donc mis en place une plateforme de production de tests de diagnostic rapide pour détecter les maladies liées au virus telles que le coronavirus (Covid-19), Ebola, la dengue, la fièvre jaune, la rougeole, la rubéole et la méningite. Cependant, le premier produit qui sera fabriqué est le test sérologique de diagnostic rapide de la Covid-19, dans ce contexte de pandémie’’, lit-on sur le site de Pasteur.

MOR AMAR

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