Publié le 24 Sep 2015 - 02:54
TABASKI - DIFFICULTES POUR RALLIER LE SENEGAL

 Les Sénégalais de Mauritanie dans l’expectative 

 

Les préparatifs de cette fête de Tabaski sont douloureux pour les Sénégalais de Mauritanie qui comptent se rendre au Sénégal pour passer la fête en famille. Le nouvel Ambassadeur en Mauritanie, SEM Mamadou Tall, ne veut pas accorder des recommandations, comme d’ordinaire, aux convoyeurs sénégalais. Ça sent le roussi !

 

58 véhicules de transport en commun, bien chargés, attendent de rallier le Sénégal pour les besoins de la Tabaski. Toutefois, cette année, les choses sont compliquées pour ces ressortissants sénégalais qui ont l’habitude de passer cette fête en famille. Ne disposant pas des documents qui doivent leur faciliter le voyage, ils prennent leur mal en patience. Depuis plus de trois jours, convoyeurs et passagers attendent d’obtenir le document « recommandation » pour prendre la route. Le nouveau patron de l’Ambassade du Sénégal, SEM Mamadou Tall, selon les propos des convoyeurs, souligne qu’il ne peut délivrer le « précieux » document.

Les concernés sont dans tous leurs états. « Nous vivons ici depuis plusieurs années. A chaque fois qu’un évènement du genre arrive, chaque ambassadeur en poste ici en Mauritanie, nous accorde une recommandation pour nous faciliter le voyage à l’aller comme au retour. Soit lors du magal de Touba, du Gamou, des ziarra et autres… », explique Ibra Sarr, porte-parole des convoyeurs. Il précise que ce papier ne les dispense pas de payer les frais de douane, de police ou de gendarmerie : ‘’C’est juste pour avoir des facilités, sachant que nous sommes dans un pays où la monnaie locale est très faible, qu’avec ce que nous gagnons, nous achetons parfois de la marchandise, des habits de fête, des moutons…’’ Notre interlocuteur soutient qu’ils payent même les frais de la commune. « Maintenant, s’il y a des gens qui emmènent des produits prohibés ou autres, ils seront mis devant leurs responsabilités face aux soldats de l’économie », prévient-il.  

Les raisons du refus

Cette année, ces compatriotes se heurtent à la fermeté du nouveau locataire de l’ambassade. Après trois jours de sollicitation, SEM Tall a finalement exprimé un refus catégorique, arguant, selon son entourage, que «ce document est strictement réservé aux malades ou aux accidentés en situation d’évacuation, en un mot pour des cas sociaux ». Ainsi, il n’entend pas faire comme ses prédécesseurs qui octroyaient à tour de bras ce document, même aux Mauritaniens en partance pour le Sénégal. D’ailleurs, selon toujours notre source, SEM Tall refuse d’établir ce papier même pour ses proches collaborateurs qui en ont exprimé le besoin.

L’ambassadeur aurait découvert un deal, lors des deux rakaa. Une recommandation pour 8 véhicules a été portée à 40 par les convoyeurs, grâce aux nouvelles technologies. Malheureusement, la douane a trouvé dans le convoi, 100 bidons d’huile de 20 litres et 100 sacs de sucre destinés au marabout, selon les contrevenants. Le colonel de la douane aurait saisi directement l’ambassadeur Tall pour le mettre au parfum de ce deal. Ce qui a mis le diplomate dans tous ses états.  Il s’y ajoute, selon Samba Fall, 1er conseiller chargé des affaires consulaires de l’ambassade, que le comportement des demandeurs n’a pas plu à l’ambassadeur Tall qui a subi des pressions de tout genre.

Dialogue de sourds

Toutes choses qui font que cette affaire défraie la chronique au sein de la communauté sénégalaise. « Pourtant, indique le porte-parole des convoyeurs, l’ambassadeur avait promis à notre président de la fédération mouride Madiaw Diaw, qu’il allait nous délivrer ce papier aujourd’hui (lundi 21 septembre ndlr). Finalement, il s’est rétracté sans nous donner les raisons. » Un argument balayé par le chargé d’affaires qui indique que « l’ambassadeur n’a rien promis ».

Ainsi, entre l’ambassadeur et ses compatriotes s’est installé un dialogue de sourds. Pourtant, ajoutent  Ibra Sarr et Mamadou Sèye : « Nous avons obtenu des autorités mauritaniennes, du Ministère de l’Intérieur, une recommandation pour faciliter le voyage en territoire mauritanien. » En tout cas, les convoyeurs sont résolus à prendre la route et vivre le calvaire sur leur territoire, si calvaire il y a. « C’est mieux d’aller mourir chez soi que de vivre cette situation ici», se résignent-ils. Car du côté sénégalais, à Rosso précisément, des syndicats de transport font le pied de grue pour exiger des véhicules de transport mauritanien la rupture de charges. Une réponse du berger à la bergère.

Ras-le-bol

Ainsi, ce sont des Sénégalais impatients et lassés qui attendent de prendre la route. « Je suis là, depuis trois jours, avec ma femme et mes deux enfants. Nous ne connaissons pas notre sort. Mais c’est douloureux de vivre ainsi. Nous sommes fatigués, nous voulons aller passer la fête à Touba, chez nous », lance Mamadou Sarr, maçon. Awa Bâ est arrivée en Mauritanie, il y a 4 mois. Elle ne compte pas y retourner, après l’humiliation qu’elle y a vécue, à cause de la police de l’immigration qui l’a délogée de son domicile avec sa famille, faute de cartes de séjour. «Je ne compte plus revenir en Mauritanie. Ce que nous avons vécu l’autre jour était horrible. Des gendarmes et des policiers nous ont embarqués au commissariat. Là, on nous a fait chanter, parce que nous n’avions pas de quoi payer. Ils voulaient coucher avec nous, à défaut de payer », raconte-t-elle, les larmes aux yeux. Une situation récurrente que vivent certaines Sénégalaises à Nouakchott. 

Aujourd’hui, ces Sénégalais doivent faire face à la problématique de la carte de séjour et ce refus de leur ambassadeur de leur accorder le précieux document dont ils ont fait un droit, alors que c’est un service.

IBOU BADIANE, CORRESPONDANT EN MAURITANIE

 

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