Publié le 24 Oct 2019 - 06:51
TELLE QUELLE - COUSSON TRAORE SALL (DIRECTRICE DU CESTI)

Perfectionniste, déterminée et entêtée 

 

Perfectionniste, déterminée, rigoureuse, courtoise, mais surtout entêtée. Ce sont autant de qualificatifs qui définissent la directrice du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti), Cousson Traoré Sall. Qui fait face à beaucoup d’attaques et d’adversité au sein de l’institution. ‘’EnQuête’’ dresse le portrait de la deuxième femme à occuper ce poste, après Eugénie Rokhaya Aw Ndiaye.

 

Décrite par certains de ses collaborateurs comme une personne ‘’très courtoise’’, une dame ‘’trop dure’’ et ‘’trop rigoureuse’’ par ses anciens étudiants, Cousson Traoré Sall est à la tête de la Direction du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) depuis juin 2017. Son prénom sonne, certes, étranger, mais la deuxième femme directrice du Cesti est bien sûr une ‘’pure Sénégalaise’’.

‘’Je ne suis pas malienne. Je suis née à Thiès, mes parents sont de nationalité sénégalaise. Je suis bambara. Je parle très bien le wolof. Mais je réfléchis dans ma langue maternelle. C’est mon prénom qui est original’’, précise-t-elle.

Une ‘’originalité’’ qui induisait en erreur le personnel administratif, pendant son cursus scolaire et son passage à l’université. ‘’Quand on m’octroyait mes diplômes, parfois, on y mettait M. Cousson Traoré. Mais je leur disais : s’il vous plait, c’est Melle Cousson’’, se rappelle-t-elle en souriant. Et quand elle a fait une petite enquête, Mme Sall a vu que son prénom ‘’Cousson’’ est un nom de famille en France, qui s’écrit parfois avec un K.

Passionnée de journalisme dès le lycée, elle a fait son entrée au Cesti, en 2000, pour donner des cours d’anglais aux futurs journalistes. Onze ans plus tard, elle occupera le poste de directrice des Etudes du Cesti, sur la demande de son prédécesseur.

Dès lors, Mme Sall est obligée d’arrêter les enseignements qu’elle dispensait aux étudiants. ‘’Quand j’ai commencé à occuper le poste de directrice des études, je savais que je devais m’engager entièrement. Il a fallu que j’abandonne mes enseignements, avec tout ce que je percevais comme honoraires, pour venir à la Direction des études où l’indemnité d’alors n’était que de 35 000 F Cfa. J’ai reçu ce montant pendant 4 ans et demi. C’est après que l’indemnité a été revue à la hausse. Mais c’était quelques mois avant la fin de mon mandat’’, dit-elle.

Toutefois, elle a pu faire deux mandats de 3 ans à la Direction des études où elle était responsable des affaires pédagogiques. Un poste qu’elle a occupé avec toute la rigueur qui la caractérise. Ce dont témoignent ses anciens étudiants. ‘’Elle a été mon professeur d’anglais au Cesti. Quand j’étais à l’école, elle était la directrice des Etudes. C’est une femme très stricte, très difficile, surtout dans les enseignements. Elle en fait un tout petit peu trop, de mon point de vue. C’est une femme qui croit en elle, très rigoureuse. Quand elle tient à quelque chose, elle y va jusqu’au bout’’, témoigne son ancien élève Ababacar Sadikh Top. Mais, d’après lui, les rapports entre Mme Sall et ses étudiants ‘’ne sont pas du tout heurtés’’. ‘’Par rapport au règlement intérieur du Cesti, elle n’était pas perméable du tout. Elle ne jouait pas avec. Au-delà de cela, le rapport était cordial, sans problème. C’est une dame qui croit en elle. Mais les étudiants ne l’aimaient pas du tout. Parce qu’elle était rigoureuse’’, ajoute-t-il.  

Une femme hardie, élevée dans la fermeté

En effet, le comportement de Mme Cousson, comme l’appelle certains étudiants, découle de son éducation. Même si elle a d’excellents souvenirs de son enfance, avec des parents qui étaient à ses petits soins, ces derniers veillaient bien sur son comportement, dans la maison et dans la société. Homonyme de la maman de son père, avec qui elle avait une ‘’proximité extraordinaire’’, Cousson a été élevée dans la rigueur, dans une famille où il y avait une grande harmonie. Où on leur apprenait à respecter leurs ainés. ‘’Je n’osais même pas rester dehors au-delà d’une certaine heure. Je me rappelle, un jour, je suis allée au salon de coiffure me tresser. Je suis rentrée un peu après le crépuscule et mon papa m’a dit : ‘Une fille doit être à la maison, au crépuscule.’ Et même quand il m’arrivait de ricaner, mon papa me disait : ‘Ah non Maman, une fille doit savoir montrer sa joie’, narre-t-elle.

En plus, au lycée Kennedy où elle a fait son cursus secondaire, elle a reçu aussi une éducation destinée à une fille de son époque. Et Mme Sall se battait et était toujours la première de sa classe. Au fait, elle voulait montrer que, malgré son handicap physique, elle était ‘’la meilleure’’. Elle était la meilleure élève des classes de terminale de cette époque. Ainsi, elle a fait le Concours général en histoire-géographie et en philosophie. ‘’Je croyais aussi en ma capacité de faire d’excellents résultats. Dès que je suis sortie du lycée, j’ai eu une chambre à la cité Claudel (actuelle cité Aline Sitoé Diatta), sur la base des résultats que j’avais faits. Quand je faisais mon Certificat de spécialisation britannique à l’Ucad, j’en suis sortie avec une mention. J’ai été une fille qui aimait travailler. J’ai passé ma vie à travailler. Je suis une perfectionniste. Je ne sais pas si c’est un défaut, mais je me bats à la tâche pour donner le meilleur de moi-même’’, confie-t-elle.

Parfois, elle est épuisée, mais elle ne lâche rien. Et comme le disait l’écrivaine américaine Maya Angelou, de son vrai nom Marguerite Johnson : ‘’Le succès, c’est vous aimer vous-même, c’est aimer ce que vous faites, et c’est aimer comment vous le faites.”  Ce que voulait Cousson Traoré dans ce qu’elle faisait, ce sont des ‘’résultats et l’autosatisfaction’’. Car elle considère que l’autosatisfaction, c’est le meilleur résultat. ‘’Je tiens à une chose, c’est toujours avoir la conscience tranquille dans tout ce que je fais dans la vie. Par la grâce de Dieu, quel que soit le problème, je reste sereine. Et c’est une force intérieure que j’ai en moi-même. Et après le pèlerinage que j’ai effectué l’année dernière, il y a eu une force surnaturelle que j’ai reçue. Je l’ai sentie. Ce qui a fait de moi maintenant une autre femme. Je suis très calme. Je me dis que c’est Dieu qui a déjà tracé mon destin’’, se contente-t-elle de dire.

Une gestion controversée

Donc, pour l’actuelle directrice du Cesti, le choix porté sur sa personne par le Conseil d’administration pour l’élire à la tête de cet établissement est quelque chose qui lui ai prédestinée. En prenant fonction, elle était bien consciente qu’il y aurait toujours des obstacles, et il fallait savoir les surmonter. Parmi ceux-ci, on peut citer l’interdiction de distribuer des gilets aux journalistes, pendant la campagne de la dernière Présidentielle, l’autorisation de la tenue de la cérémonie du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) au Cesti, le changement du programme d’enseignement, etc.

Cependant, la dame tient à sa philosophie. ‘’On doit la vivre avec des principes, savoir où on va, avoir des objectifs. En tant que femmes, directrice d’une institution comme le Cesti, d’un institut à l’université, nous avons un grand défi’’, dit-elle. Mme Sall reconnait aussi qu’un poste de responsabilité, ça passe.

Et elle pense finir son premier mandat, ceci, malgré les critiques qui pullulent de partout au sein de son établissement. ‘’Si Dieu décide que je vais revenir, je reviendrai. Même si certains n’apprécieront pas. Et si c’est le cas, je ferai la même chose, je ne changerai pour rien au monde. Je suis comme je suis, je ne peux pas changer. Mon style de gestion est comme il est. Je ne peux pas être un autre individu. Donc, il faut qu’on m’accepte comme je suis’’, insiste-t-elle.

‘’J’ai horreur de l’hypocrisie, du mensonge, de la tricherie’’

‘’Vous ne devez jamais avoir peur de ce que vous faites, quand vous faites ce qui est juste’’, disait Rosa Parks. Donc, persuadée qu’elle est sur le bon chemin, Mme Sall reste ‘’imperturbable’’.  Parce qu’elle confie qu’elle ne s’aventure jamais dans quelque chose sans avoir ‘’mûrement réfléchi’’.

Bien qu’elle soit de nature calme et très souriante pour les personnes qui sont lui familières, Cousson Traoré sort parfois de ses gonds. Ce qu’elle juge comme un fait naturel. ‘’Je ne sais pas tricher. Je dis toujours ce que je pense. Je ne sais pas garder de rancunes. J’ai horreur de l’hypocrisie, du mensonge, de la tricherie. J’ai beaucoup appris de la vie. Surtout ces expériences, ces moments difficiles, pas pour moi seule, mais pour tout le monde. Ce sont des moments qui m’ont aidée à mieux comprendre les personnes avec qui je partage le travail. Mon passage à l’Ecole normale m’a beaucoup aidée. Nous avions des cours de psychologie. J’ai même fait une étude psychologique de mes collaborateurs, sans exception. Et c’est une richesse pour moi. J’apprends et je me trompe rarement’’, renchérit Mme Sall.

Aujourd’hui, si Mme Cousson résiste à la tempête qui frappe sur l’établissement qu’elle dirige au-delà de son déterminisme, c’est aussi grâce au soutien de son mari. Epouse très ‘’soumise’’, Mme Sall témoigne qu’elle a un mari ‘’adorable’’. C’est grâce à lui qu’elle ‘’garde la tête sur les épaules’’. ‘’Tous ces hommes qui m’attaquent de partout, si je n’avais pas un mari disponible à la maison, qui ne cesse de me soutenir, ce ne serait pas facile. Mon meilleur ami, c’est mon mari’’, se réjouit-elle. Sans enfant, elle s’en remet à Dieu.

Cependant, elle reste largement comblée par des enfants adorables qui l’entourent, ses neveux et nièces. Déconnectée du monde numérique ou des réseaux sociaux, cette fille d’enseignants, d’un père professeur de mathématiques et d’une mère institutrice, laisse ses détracteurs se prononcer dans les médias. Et elle se concentre sur sa mission à la tête du Cesti qu’elle doit mener jusqu’au mois de juin 2020 ; date d’organisation des prochaines élections.

MARIAMA DIEME

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