Publié le 14 Sep 2019 - 22:39
TENTATIVE DE VIOL

Yéro Baba Kane, la commerçante et les cheveux naturels

 

En attendant le délibéré qui sera rendu le 17 septembre prochain, il est difficile de déterminer qui dit la vérité, entre le commerçant Yéro Baba Kane et sa cliente Fatou Dabo, dans l’affaire de la rocambolesque tentative de viol jugée hier devant le tribunal des flagrants délits de Dakar.

 

L’histoire est tout simplement hilarante. A la limite même loufoque. Mais le plus cocasse, dans cette affaire de tentative de viol, c’est le récit des deux camps qui donnent des versions diamétralement opposées. Les faits remontent, en effet, au lundi 26 août 2019 entre 5 h et 8 h du matin. Selon la partie civile, Fatou Dabo en l’occurrence, Yéro Baba Kane a usé de subterfuge pour l’attirer dans une auberge avant de tenter d’abuser d’elle. ‘’Je suis sortie de chez moi vers 2 h du matin pour aller avec mes copines, à la soirée de Wally Seck. A la fin de la soirée, je suis allée manger seule au Gelato sis aux Almadies. J'étais tranquillement assise dans un coin que cet homme (elle pointe du doigt le prévenu) s'est approché de moi. Il s'est présenté comme un commerçant et a proposé de me vendre des cheveux naturels. Etant donné que les prix qu’il m’a proposés étaient alléchants, cela m’a intéressée, puisque je suis moi-même commerçante‘’, a-t-elle déclaré devant le tribunal.

Ainsi, elle soutient avoir illico presto suivi le commerçant qui devait lui montrer la marchandise chez lui. Mais, à sa grande surprise, elle a été conduite dans une auberge par le mis en cause. ‘’On s’est d’abord rendu tous les deux en taxi chez moi pour prendre de l’argent. Puisqu’il m’avait dit qu'il avait beaucoup de marchandises qu'il voulait bazarder, parce qu’il  devait retourner à Tambacounda où il habite. J'ai alors pris 2 millions chez moi, plus les 200 mille que j'avais déjà dans mon sac. On devait se rendre par la suite chez lui à Yoff où il a dit habiter. Mais, à l’arrivée, je me suis rendu compte qu'on était descendu dans une auberge’’, relate-t-elle. Avant de poursuivre dans son récit : ‘’Cela m'a inquiétée et je lui ai demandé pourquoi il a voulu m’emmener dans ce lieu. Il a rétorqué que c'est là qu'il loge depuis son arrivée à Dakar, parce qu'il n'a pas de parents‘’, soutient-elle.

Elle ajoute qu'une fois à l'intérieur de la chambre de passe, le commerçant lui a juste montré quelques cheveux naturels d'une valeur de 300 mille qu'elle a achetés, mais n'a pas vu le reste de la marchandise dont ils avaient parlé auparavant, à savoir des sacs et  des chaussures pour femme. Quand elle l'a interpellé à ce sujet, le prévenu, selon les dires de la partie civile, aurait aussitôt passé un coup de fil et parlait en peulh. Donc, elle ne comprenait pas ce qu'il disait. Après quoi, dit-elle, Yéro Baba Kane a commencé à lui faire des avances. Ainsi, souligne-t-elle, il a ôté sa ceinture, a baissé son pantalon et a voulu abuser d’elle. Pour échapper à son bourreau, la partie civile dit avoir crié de toutes ses forces pour appeler à l'aide. C’est ainsi que, selon elle, les occupants des autres chambres se sont pointés devant la porte qui était fermée à clef. Ne pouvant pas accéder dans la chambre, ils se sont mis à taper à la porte, essayant de la défoncer. Pris de peur, le prévenu l’aurait lâchée, a arraché les mèches qu'il lui avait données, a rangé ses affaires dans un sac, ouvert la porte et a réussi à sortir de la chambre.

Pour récupérer son argent que son bourreau aurait emporté avec lui, Fatou Dabo dit l’avoir suivi. Elle affirme l’avoir trouvé dans une voiture garée devant l’auberge. Le monsieur qui était au volant lui a demandé ce qui se passait, puisqu'il l'avait vue en pleurs. Elle lui a répondu que le prévenu a pris ses 300 mille, par la même occasion, a repris les méches qu'il lui avait vendues. C'est sur ces entrefaites que l'homme au volant lui a proposé d'entrer dans la voiture pour aller à la police et régler le problème. Mais hélas, elle sera, à l’en croire, dépossédée du reste de son argent. ‘’Je suis montée dans la voiture. Le mis en cause était assis à côté de moi. Mais, à un moment, il s'est rapproché de moi, a arraché mon sac où j'avais la somme de 2 millions 200 mille, a ouvert la portière et m'a éjectée de la voiture. J'avais perdu connaissance pendant un moment et, à mon réveil, j'étais au milieu de nulle part. C'est là qu'un passant s'est arrêté, m'a secourue et m’a acheté des sandales, puisque j'étais pieds nus, avant de me conduire à la gendarmerie de la Foire où j'ai porté plainte‘’, a-t-elle expliqué.

L’autre version

Prenant la parole, le prévenu a balayé d’un revers de la main les accusations de la partie civile. Donnant sa version des faits, il soutient avoir vendu des cheveux naturels à Fatou Dabo, depuis plus d’un an, mais celle-ci n’a pas honoré sa dette depuis lors. Las de lui réclamer son argent, il était alors convenu, de commun accord, de régler ça d’une autre manière. ‘’Sur les 130 000 F qu’elle me doit depuis un an, elle ne m’a remis que 20 000 F. Ce jour-là, effectivement, je l’ai trouvée au Gelato. Je me suis rapproché d’elle et je lui rappelé qu’elle ne m’a toujours pas payé les cheveux naturels qu’elle me devait. Elle m’a alors répondu qu'elle avait un client avec qui elle allait passer du temps à l’hôtel et que, juste après, elle me rembourserait mon argent. Elle a pris un taxi et s'en est allée’’, soutient le mis en cause.

Il ajoute que le lendemain, vers 18 h, Fatou Dabo lui a envoyé un message lui disant de lui ramener d'autres mèches de couleur blonde et que, par la même occasion, elle lui paiera son argent. ‘’Elle m'a donné rendez-vous vers la Foire et j'y suis allé. Une fois là-bas, j'ai vu qu'elle était avec le commandant de brigade de la Foire. Il a menacé de m’enfermer, si je ne donnais pas un million à F. Dabo. Je lui ai répondu qu'elle n'aura pas un centime et que je préfère pourrir en taule que de lui verser de l’argent, alors que c’est elle qui m’en doit’’, s'est-il dédouané.

Seulement, dans sa déclaration durant l'enquête préliminaire, Yéro Baba Kane avait dit qu'ils étaient partis ensemble à l'auberge où il logeait, parce qu'il avait proposé à Fatou Dabo de solder son crédit en nature et qu'il allait effacer sa dette, si elle acceptait d'entretenir des relations sexuelles avec lui. F. Dabo aurait refusé ce marché et, le lendemain, elle est allée voir le commandant de la brigade de la Foire pour inventer une histoire d'agression sexuelle.

Cette version des faits, selon l’avocat de la partie civile, témoigne de la mauvaise foi du mis en cause. Selon Me Ndiaye, Yéro Baba Kane tente tout simplement de salir la réputation de sa cliente, après avoir voulu abuser d’elle. ‘’Ma cliente est une femme mariée et mère de 2 enfants. Elle gagne dignement sa vie, puisque c'est une commerçante. Les faits sont établis. Elle n'a jamais connu le prévenu. La période qu'il dit avoir donné les mèches à crédit à ma cliente l'a trouvée en Gambie. Le rapport du médecin étaye les coups et blessures volontaires‘’, a-t-il martelé devant le prétoire. Avant de demander au tribunal de déclarer le prévenu coupable de tentative de viol et coups et blessures volontaires.

Il a ainsi réclamé 5 millions pour réparation du préjudice. Quant au parquet, il a requis l’application bienveillante de la loi dans ce genre d’affaire.

Mais pour la défense, cette affaire est montée de toutes pièces par la partie civile, pour ne pas honorer sa dette. Ainsi, Me Thiam trouve les accusations pesant sur le prévenu très légères. ‘’Il n’y a pas de preuves attestant de sa culpabilité. C'est la parole de la partie civile contre celle du prévenu. Rien n’est clair dans le dossier. D’ailleurs, je crois que c'est la raison pour laquelle le parquet n'a pas voulu se prononcer‘’, a-t-il plaidé. Non sans demander la relaxe pure et simple de son client au bénéfice du doute.

Verdict le 17 septembre 2019.

FAMA TALL (STAGIAIRE)

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