Publié le 3 Feb 2021 - 21:46
THIÈS – DÉFICIT DE SALLES DE CLASSE

Des abris provisoires au milieu de la ville

 

Faute d’un nombre suffisant de salles de classe, des établissements scolaires, dans certaines villes, construisent des abris provisoires en bambou, en vue d’aider à absorber le flux massif d’élèves. C’est le cas à l’école publique élémentaire Ibrahima Jacques Gaye de Som, dans la ville de Thiès. 

 

En général, c’est dans le Sénégal des profondeurs que l’on retrouve des abris provisoires. Mais, aujourd’hui, malgré les progrès réalisés par le gouvernement, dans certaines villes comme Thiès, faute d’infrastructures scolaires pour contenir les apprenants, les abris provisoires sont installés afin que tous les enfants aient accès à l’éducation. Et l’école publique élémentaire Ibrahima Jacques Gaye de Som, dans la commune de Thiès-Ouest, vit cette réalité.

Face à un nombre limité de salles de cours et la pléthore d’élèves, un abri provisoire a été érigé durant la trêve Covid-19, dans cet établissement qui ne cesse d’enregistrer de nouvelles recrues en cours d’initiation (CI). Déjà, l’année dernière, avec les efforts du comité de gestion, l’établissement a réussi un grand coup, en limitant le nombre d’élèves à 40 par classe. Pour cette année scolaire en cours, c’est le retour à l’orthodoxie, avec 90 à 100 apprenants dans une salle de cours.

A Ibrahima Jacques Gaye, dit-on, les élèves s’asseyent par trois ou quatre. Ici, souffle-t-on, il y a deux équations urgentes à résoudre : le déficit de salles de cours et de tables-bancs. La situation est presque la même, dans une des écoles publiques élémentaires nichées au cœur de la cité Ibrahima Sarr et dans plusieurs autres établissements.

D’ailleurs, dans le cadre de ce reportage, nous nous sommes rapprochés des trois directeurs d’école pour jeter un regard sur les infrastructures scolaires et s’enquérir en même temps des conditions dans lesquelles évoluent les élèves. Tous reconnaissent les limites au plan infrastructurel. Mais n’ont pas souhaité se prononcer sur cette question. Car il n’y a pas longtemps, informe-t-on, une de leurs collègues, s’étant prêtée aux questions de journalistes, a été recadrée par l’inspecteur de l’éducation et de la formation (IEF) de Thiès-ville.

 Depuis lors, ce dernier, précise-t-on, a sorti un document invitant ses collaborateurs au silence. Le président de l’association des parents d’élèves de l’école publique élémentaire Ibrahima Jacques Gaye n’étant pas frappé par cette mesure de l’IEF, trouve ‘’inadmissible’’ que cet établissement scolaire, installé dans la ville et qui fait partie des plus vieilles écoles de Thiès, puisse abriter, en 2020, et au XXIe siècle un abri provisoire. C’est un paradoxe, reconnait-il. Et encore, s’empresse-t-il d’ajouter, cet abri provisoire a été offert par le président du Conseil d’administration du Fonds de garantie pour des investissements prioritaires (Fongip). Pour Papis Ndoye, Ibrahima Jacques Gaye, jadis école de référence, ne mérite pas un tel sort.

‘’Les élèves ne méritent pas un tel sort’’

Les enfants, dit-il, ne doivent pas continuer à étudier dans cet environnement ancestral. ‘’Les difficultés, c’est de A à Z. Mais on va essayer de relater quelques-unes, c’est-à-dire les plus urgentes. Déjà, il se pose avec acuité un réel problème de salles de classe et de tables-bancs. En plus de cela, quatre salles de classe, jugées impraticables, ont été fermées, l’année dernière, sous l’autorité du préfet de département. Parce que c’était risqué, pour les élèves, de faire cours dans ces espaces. Pour régler ce déficit de salles de cours, un abri provisoire y a été aménagé. Et les classes de CI et de CP ont été regroupées. Les effectifs peuvent aller jusqu’à 100 élèves. Ce qui n’est pas normal, surtout en cette période de pandémie’’, regrette Moussa Sagna.

Dans un entretien accordé à un site établi dans la cité du Rail, le président de l’association des parents d’élèves et du comité de gestion de l’école précise qu’à Ibrahima Jacques Gaye, tout est presqu’en lambeaux. Poursuivant, Moussa Sagna soutient qu’il est ‘’inconcevable’’ de trouver un abri provisoire en pleine ville.

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DEFICIT DE TABLES-BANCS

Thiès bricole

Pour faire face au déficit de tables-bancs dans la région de Thiès, certains chefs d’établissement n’hésitent pas à proposer des solutions en interne, en procédant au bricolage et au recyclage de tables-bancs disponibles et défectueux.

On bricole, on recycle à Thiès. Car, tout comme la plupart des régions du pays, celle du Rail fait face à un déficit en tables-bancs. Pour échapper à cette problématique récurrente, certains chefs d’établissement de la région mettent en place leurs propres solutions : bricoler et recycler, en attendant la dotation du ministère de l’Éducation nationale ou encore celle des Collectivités territoriales.

A l’école publique élémentaire Iba Caty Bâ, le déficit en tables-bancs s’accroît et persiste d’une année à une autre. Dans cet établissement, il y a un gap de pupitres à combler pour essayer de mettre les apprenants dans de bonnes conditions d’études. L’école est pourtant très bien repeinte. Et la cour bien entretenue. Mais derrière ces beaux murs, se cache une autre réalité : une pénurie persistante de tables-bancs qui ne dit pas son nom.

 ‘’Nous avons un gap de 100 tables-bancs. C’est énorme. A Iba Caty Bâ, les tables-bancs disponibles et sur lesquels travaillent nos élèves sont vieillissants. Pour corriger cet impair, nous recourons aux parents d’élèves menuisiers. Nous procédons au bricolage et au recyclage. Je crois que si nous avons des menuisiers à notre disposition, tout sera facile. On peut bricoler, en attendant la dotation promise par la mairie de la ville qui tarde à être effective’’, indique la directrice de l’établissement Ramatoulaye Sissokho.

A l’école, le pupitre est un outil indispensable à l’élève. Cependant, la dotation de ce produit en quantité et en qualité dans les différents établissements du pays est souvent banalisée. Au point qu’à Iba Caty Bâ, excepté les élèves du CM2, tous les autres s’asseyent par quatre. Une situation difficile, surtout dans ce contexte de crise sanitaire, regrette Mme Sissokho. ‘’C’est un énorme problème dans notre école. Vous imaginez, des élèves qui s’asseyent à quatre, en cette période de chaleur ! Tout ça, c’est compliqué. Nous avons un effectif de 750 élèves répartis en 12 salles. Notre grande difficulté, ce sont les tables-bancs. J’invite toute la communauté à se donner les moyens pour régler définitivement cette question. Nos élèves doivent être mis dans d’excellentes conditions’’, poursuit la directrice de l’école publique élémentaire Iba Caty Bâ.

Un creux de 50 T-B à Moctar Thiam

L’insuffisance de pupitres est bien réelle à Thiès. A l’école El Hadj Amadou Moctar Thiam, il n’en manque pas moins de 50. Dans cette école d’application nichée au cœur des HLM Route de Dakar, et ses, environ, 900 élèves, la solution du bricolage-recyclage y est appliquée. ‘’Le déficit en tables-bancs est un problème réel. C’est récurrent, ces cinq dernières années. Nous sommes obligés de bricoler, réparer pour mettre nos élèves dans de bonnes conditions. C’est la solution idéale. Il faut se débrouiller avec les moyens du bord’’, soutient Ndemba Ndiaye, le directeur.

Toutefois, malgré ces difficultés dans lesquelles étudient les élèves, l’école d’application El Hadj Amadou Thiam continue d’enregistrer d’excellents résultats au CFEE (100 %) et à l’Entrée en 6e (100 %) en 2017-2018.

La ville de Thiès n’est cependant pas la seule à être confrontée à cette pénurie. Dans la ville religieuse de Tivaouane, des stratégies sont développées dans le sens de combler le gap en tables-bancs, rappelle l’inspecteur de l’éducation et de la formation de Tivaouane, Amadou Dia. Elles vont leur permettre de pouvoir ‘’récupérer les carcasses de tables-bancs afin de les refaire’’. Aussi, demande-t-il aux autorités locales de prendre en compte cette question qui, au premier plan, les interpelle. 

Malick Sy sort du lot

On peut reprocher au personnel du lycée Malick Sy de ne pas inscrire la réhabilitation des bâtiments dans l’ordre des priorités. Mais pour ce qui concerne la question liée aux tables-bancs, elle est bien prise en charge. ‘’Au lycée Malick Sy, nous n’avons pas ce problème. Les tables-bancs défectueux ont été réfectionnés. Nous n’avons pas encore ressenti ce problème. D’ailleurs, nous essayons de venir en aide à certains établissements de la ville. En ce moment, tout se passe très bien’’, s’enthousiasme le censeur Mansour Malick Ndiaye.

GAUSTIN DIATTA (THIÈS)

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