Publié le 10 Feb 2015 - 21:40
TIDIANE SY (FONDATEUR OUESTAFNEWS)

‘‘Il ne s’agit pas juste de donner des noms en pâture à l’opinion’’

 

Son site internet a été choisi par l’International Consortium of Investigative Journalist (ICIJ) dans le cadre de la publication des ‘‘SwissLeaks’’ en Afrique de l’ouest. Tidiane Sy revient sur les modalités, le déroulement et la suite de ces enquêtes.

 

Comment s’est passée la prise de contact ?

Le journal Le Monde a contacté le consortium des journalistes d’investigations (ICIJ), une organisation basée à Washington et c’est à travers ce groupe, avec lequel nous collaborions sur d’autres sujets, qu’on a eu à faire partie du projet. C’est d’ailleurs l’ICIJ qui a coordonné le travail pour l’ensemble des rédactions qui y ont participé.

Vous étiez chargé de la partie Afrique ?

Disons que chacun faisait selon ce qui l’intéressait. Nous, comme notre site d’information s’intéresse à l’Afrique de l’ouest, on nous a demandé de travailler sur cette partie. Mais vous conviendrez avec moi que c’est un très vaste espace, donc ce n’était  pas évident.

Quelles sont les  difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?

Quand on fait l’enquête et qu’on a un deadline, c’est l’accès à l’information. Bien entendu dans nos pays, il n’y a pas de loi qui le garantisse. La deuxième chose, c’est qu’on avait des listes et des noms mais il fallait faire le lien. Il faut savoir que détenir un compte en banque n’est pas illégal. Le Consortium et l’ensemble des médias qui travaillaient dessus ont eu de grosses contraintes. Il ne s’agissait pas juste de donner des noms en pâture à l’opinion publique. Il y avait un travail de vérification derrière. Il fallait voir ce qu’il était pertinent de publier ou pas. Il ne s’agissait pas de faire juste de la délation mais de faire un travail journalistique responsable qui permettrait aux autorités de prendre conscience de l’ampleur du fait même. Cela, sans porter préjudice à qui que ce soit, sauf s’il est établi que quelqu’un méritait de voir son nom dans la presse.

Justement on a vu le nom d’une personnalité de la musique sénégalaise, Youssou Ndour. Pourquoi l’avoir fait paraître ?

Parce que c’est un homme politique très en vue et que le Consortium l’a contacté dans le cadre de ce projet. On aurait vu le nom d’autres hommes politiques très en vue, on leur aurait demandé leur réaction. On ne peut pas prétendre vouloir diriger un pays sans que l’on s’intéresse à vous. Et il se trouve que c’est quelqu’un qui a voulu diriger ce pays.

Quelles sont les autres personnalités qui ont effectivement été épinglées ?

On n’est pas là pour donner des noms. On ne peut pas en donner juste comme ça. Encore une fois, il n’est pas interdit d’avoir un compte bancaire. Pour Youssou Ndour, ce que nous disons dans l’article, c’est qu’il a juste un compte. Cela ne veut pas dire que c’est de la fraude fiscale. Il veut diriger le pays, il y a quelque chose qui est attendu de lui. Pour les autres noms, vous comprendrez que les raisons qui font qu’on ne les a pas mis dans le papier font qu’on ne peut pas les donner. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a beaucoup d’opérateurs économiques ainsi que la communauté libano-syrienne, qui sont très fortement représentés.

Qu’est-ce qui l’explique ?

On a essayé de savoir ce qui l’expliquerait. C’est peut-être leur manière d’opérer. On a essayé, mais on n’a pas eu d’informations. On ne peut pas trop se verser dans des conjectures. L’une des consignes dans ce projet était de ne dire que ce qui était vérifiable et vérifié. Il y a du tout mais c’est les grands opérateurs qui sont à la tête de grosses entreprises, l’industrie, l’import-export, et des agents économiques français, sénégalais et libanais.

Quelle va être la suite journalistique ?

Un travail de journaliste. Dans un premier temps, l’idée était de publier ensemble, le même jour, nos premières recherches. Si certaines personnes que nous interrogeons nous donnent des réponses intéressantes qui méritent d’être rendues publiques, nous le ferons. Nous sommes journalistes, notre travail est d’informer. Si demain il y a quelque chose d’intéressant qui vaille la peine de produire un autre papier, pourquoi pas ? Sinon le travail a déjà été fait. Notre délai est arrivé à terme. C’est très difficile à cet instant précis de dire ce qui passera demain. Notre but était de publier des informations et on l’a fait. Je n’ai pas envie de dire que c’est fini pour autant.

 

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