Publié le 5 Sep 2019 - 01:31
TOURNEE OMVG

Dindéfélo, un gâchis naturel

 

Trésor perdu dans la forêt et les montagnes de Kédougou, Dindéfélo, en cette période d’hivernage, est coupée du reste du monde. La commune, confrontée également à un manque terrible en eau potable, compte sur le projet Energie de l’Omvg pour sortir au moins des ténèbres.

 

Devenue célèbre grâce à ses merveilleuses chutes d’eau, Dindéfélo se noie pourtant dans la douleur. Des routes, de l’électricité, de l’eau… C’est tout ce que demande cette population dépourvue presque de tout. Nous sommes à Ségou, un des 12 villages qui composent la commune, le plus impacté par le projet Energie de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie, dans la région de Kédougou. Et toutes les occasions semblent bonnes pour exprimer ces vieilles doléances.

Hier, devant les autorités déconcentrées et la délégation de l’Omvg, la vieille Kadidia Diallo, teint clair, avec toute la discipline qui caractérise les gens de ce hameau situé à la frontière avec la Guinée, supplie : ‘’En venant ici, vous vous êtes sûrement rendu compte de l’état délabré de la piste. Notre principal problème, c’est cette voie impraticable, surtout en période d’hivernage. Nous souhaiterions également que vous nous la réhabilitiez’’, dit-elle en s’adressant naïvement à la cheffe de la délégation de l’Omvg. Laquelle la réoriente gentiment vers les représentants de l’Etat à qui incombe cette mission.

Sur place, c’est à se demander si des autorités passent de temps en temps dans cette zone pourtant pleine de potentialités. Avec ses cascades, sa réserve naturelle communautaire où l’on trouve même des chimpanzés, ses montagnes magnifiques, sa forêt dense, ainsi que ses nombreux cours d’eau. Dindéfélo est ainsi une des attractions des visiteurs venus de tous les coins du Sénégal et du monde.

Hélas, l’inaccessibilité constitue son principal frein sur le chemin de l’émergence. Le maire de la ville, Kikala Diallo, reconnait : ‘’C’est vrai que c’est un réel problème. Nous essayons de prendre beaucoup d’initiatives pour booster le tourisme qui est une des caractéristiques de cette zone, mais c’est difficile, sans infrastructures routières.’’

Cela dit, M. Diallo a aussi tenté de rassurer ses administrés. A l’en croire, le gouvernement est bien conscient du problème et a promis de l’inscrire parmi ses priorités. Il précise, optimiste : ‘’Le ministre Oumar Youm (ministre en charge des Transports terrestres et des Infrastructures routières) était de passage, il y a quelques jours, et il a réaffirmé cette volonté. Nous pensons que les travaux pourront être engagés bientôt.’’ Ravie, l’assistance, composée en majorité de femmes, applaudit. La bonne dame qui avait évoqué la lancinante question se lève de son banc, se dirige vers lui, courbe l’échine et lui caresse les pieds en guise de remerciements.

Mais en attendant la délivrance, le calvaire continue. Pas plus tard que cette semaine, informe l’édile, six bus remplis de touristes ont été contraints de rebrousser chemin, ne pouvant accéder à la localité. Un manque à gagner énorme pour la municipalité, les hôteliers ainsi que la population toute entière. En fait, pour une distance longue seulement d’une trentaine de kilomètres, il faut faire plus d’une heure de temps à bord de 4X4 et de L200, se faufilant entre les arbres, bravant non pas des nids de poules, mais ‘’d’éléphants’’ remplis d’eau de pluie, pour rallier Ségou, à quelques jets de la Guinée voisine. Un endroit paradisiaque, mais coupé du reste du monde.

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Le projet Energie suscite l’espoir

A Dindéfélo, deux villages sur douze bénéficient d’un éclairage qui ne prend en charge que la voie publique. La commune de plus de 10 000 habitants compte ainsi sur le projet Energie de l’Omvg pour sortir des ténèbres.

Malgré la canicule, les populations de Ségou ont attendu la délégation de l’Omvg. Leur espoir, quant au projet Energie, est grand. Leurs attentes, immenses. Sur les lieux, impossible de repérer une maison électrifiée, nous indique-t-on. Le maire lui-même informe que seuls deux villages sur les 12 que compte sa commune sont éclairés. Et les concessions ne sont pas concernées. Il s’agit uniquement de l’éclairage public. Tout le reste se trouve dans l’obscurité totale.  Alors même que, pense-t-il à juste titre, l’électricité ne doit pas être un luxe.

‘’Pour développer la contrée, on a aussi besoin de l’électricité. On ne peut pas se développer sans électricité. Et c’est l’une de nos principales doléances ici à Dindéfélo. En plus du manque d’eau et d’infrastructures routières’’, affirme M. Kikala Diallo. Selon lui, le projet est venu à son heure. Il espère que sa population pourra profiter des 128 mw produits par l’organisation à partir du barrage de Sambangalou, pour sortir enfin des ténèbres. A ce propos, la cheffe de la délégation, Mme Dior Mbacké Dia, se veut rassurante. Dans son Lacoste bleu, elle dit : ‘’L’Omvg a bien pris en compte cet aspect. Il prévoit d’électrifier tous les villages qui seront traversés par la ligne. Et ce, sur un rayon de 10 à 100 km.’’

Pour ce qui est des personnes affectées par le projet, pas de difficultés majeures à Ségou, dans le Dindéfélo. Autorités comme populations se sont félicitées du montant des indemnisations. Seul bémol, certaines victimes, lors de la rencontre, se sont présentées, estimant qu’elles ont été oubliées, alors qu’elles ont été recensées. Là également, l’organisation rassure en invoquant quelques problèmes d’ordre technique, en voie d’être réglés.

Dans l’ensemble, 19 personnes sur les 26 affectées ont été déjà indemnisées pour un montant global chiffré à un peu plus de 6 millions 500 mille F Cfa. A ceux pour qui les montants semblaient dérisoires, Mme Dia explique : ‘’En fait, il faut savoir que la plupart des victimes ne sont privées de leurs champs que de façon temporaire. A la fin, elles pourront retourner exercer leurs activités champêtres. A l’exception de ceux dont les terres sont occupées par des pylônes. Et on a tenu compte de tous ces facteurs dans les indemnisations.’’ Aussi, souligne-t-elle, en plus, le projet ne prend pas tout le champ. ‘’Par exemple, pour quelqu’un qui a des hectares, nous ne prenons que sur 20 mètres à gauche, 20 à droite de la ligne. Le reste de la surface continue à être exploité’’.

Pour sa part, l’adjoint au gouverneur, Jean-Paul Malick Faye, se félicite de l’état d’avancement des travaux. Il déclare : ‘’Nous sommes satisfaits de ce que nous avons vu et entendu. C’est un projet extrêmement important. Nous sommes dans une région frontalière et il y a beaucoup de villages qui n’ont pas d’électricité. Ce projet va contribuer à réduire ce gap.’’

Au demeurant, les populations de Ségou ont aussi rappelé à l’organisation ses engagements concernant le volet accompagnement. Il s’agit, en l’espèce, de financements et de machines de transformation des fruits.

NASSER, CHEKKOURI, CHARGE DU SUIVI DU PROJET

Le revers du succès

Le développement a un coût, a-t-on l’habitude de dire. La région de Kédougou l’aura appris à ses dépens. Dans le projet Energie de l’Omvg, elle supporte un lourd tribut. Des hectares et des hectares de terres ont dû être déboisés pour permettre au projet de voir le jour. Rien que pour le poste de Kédougou, 9 hectares ont été entièrement déboisées. L’ingénieur-conseil justifie : ‘’Le terrain était très difficile. Il était rocheux et il y avait beaucoup d’arbres. Mais cela est pris en compte dans le programme de reboisement en vue. Et un protocole d’accord a été signé avec la Direction nationale des eaux et forêts. Un cahier des charges a été établi et nous sommes dans la procédure de recrutement de l’opérateur.’’

Aussi, parmi les impairs enregistrés jusque-là, figure le non-respect, par certaines entreprises, de la législation du travail. Là également, l’ingénieur conseil se veut intransigeant. ‘’Notre rôle, souligne Nasser Chekkouri, c’est le contrôle et la supervision des travaux. Il y a aussi un volet social et environnemental. Pour nous, c’est très important que les choses se fassent dans les règles de l’art et que les entreprises respectent les droits des travailleurs’’.

A Tambacounda, renchérit-il, quelques cas de non-conformité ont été constatés. ‘’Mais nous sommes en train de les suivre pour qu’il y ait une régularisation. Par exemple, il peut arriver qu’il y ait des entreprises, des sous-traitants qui ne respectent pas la législation pour des salaires décents’’.  

Mor AMAR

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