Publié le 18 Jul 2017 - 01:27
TRAGEDIES SENEGALAISES

L’habitude du malheur…

 

Nous Sénégalais devons-nous encore continuer à croire et à dire que les grandes tragédies n’arrivent qu’aux autres pays et peuples ? Pas du tout. Nous devons avoir l’humilité de répéter pour notre propre gouverne le ‘’Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles’’  de Paul Valéry au lendemain de la Guerre mondiale.

Le bilan sanglant de huit morts et quatre-vingt-huit blessés dans une bagarre, samedi 15 juillet au stade Demba Diop de Dakar, entre supporters de deux équipes de football, en l’occurrence Us Ouakam et Stade de Mbour, n’est pas sans rappeler la tragédie du stade Heysel de Bruxelles, le 29 mai 1985 : 39 morts, 455 blessés. Le 24 mars 1992, il y a eu la tragédie de la Sonacos. A l’époque, nous vautrant dans notre certitude erronée d’être les préférés de Dieu, à l’époque donc, comme bien des années, à chaque fois qu’une tragédie survient ailleurs à travers le monde, nous nous croyions à l’abri et que rien de pareil ne pouvait survenir chez nous. Jusqu’à ce qu’une citerne ‘’sur remplie’’ à l’huilerie explosa lâchant dans l’atmosphère environnante des tonnes d’ammoniac qui ont fait leur lot de morts immédiats ou différés. Et le plus noir sera à venir, le 26 septembre 2002 quand le bateau de la liaison maritime Dakar-Ziguinchor, transportant trois fois sa capacité d’accueil de passagers, sombra faisant plus de 2000 morts (le plus lourd bilan connu de l’histoire de la navigation maritime).

Cette année 2017 est déjà marquée par divers accidents tragiques en différents endroits du pays pour que nous apprenions de notre laxisme, parce que toutes ces sanglantes occurrences sont le fait de cette désinvolture sénégalaise qui fait croire que Dieu veille sur nous de manière sélective, plus que sur tout autre peuple de la terre. A Médina Gounass, lors d’une retraite spirituelle, un incendie a fait 22 victimes, le 12 avril ; le 24 avril, une pirogue qui chavire au village de Béttenti fait 21 morts… Que dire des 18 morts à Saint-Louis le 5 mars dans la collision entre un minicar et un camion ? Ou encore des 16 morts à Kaffrine dans un accident entre un camion et un minicar ? Ces statistiques sommaires donnent une idée de qui s’est déjà produit de sinistre et qui seraient des événements funestes que nous annoncent nos devins et autres experts de la mantique et diseurs d’avenir.

‘’Il ne faut plus que pareille situation se produise au Sénégal, s’est écrié le ministre des Sports, Matar Bâ. Oui, mais cela n’arrivera plus si nous savons apprendre de nos erreurs du passé plutôt que tout évacuer par l’évocation du ‘’ndogalu Yalla’’  (volonté divine) ; c’est-à-dire croire que Dieu est un démagogue c’est-à-dire qui donne tout sans exiger de nous le repentir et un certain apport personnel à notre sauvetage.

Le stade Demba Diop est entré en service en 1963 et a subi un coup de rénovation qui si elle avait été bien faite aurait évité l’effondrement d’un mur de tribune sous l’accès de violence de supporters. Il faudra expertiser l’architecture de ce stade. Cela fait plus d’un demi-siècle qu’il existe, mais rien n’empêche de réinterroger la technique pour savoir comment un mur prévu pour supporter une certaine poussée a pu lâcher comme une construction de sable.

Malheureusement, c’est un penchant bien sénégalais de demander des sanctions puis de demander clémence,  ‘’yërmëndé’’, quand la juste punition s’abat sur le fautif. C’est cela vouloir une chose et son contraire ou vouloir encore une lance d’hyène d’un conte de Birago Diop mettant en scène Bouki demandant au forgeron de lui forger une lance à la fois courte et longue, acérée et émoussée !

Après nous être ému de cette nouvelle tragédie intervenue en pleine campagne électorale pour les Législatives (une campagne que certaines coalitions et listes ont suspendu pour  observer une journée de décence) nous retournerons à nos travers… Et le malheur nous attendra en cours de chemin.

 

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