Publié le 8 Sep 2020 - 03:10
TRAITEMENT CAS GRAVES

La formule ‘’magique’’ du Pr. Seydi

 

Le Sénégal a démarré, depuis le 14 août, un projet de recherche en vue d’évaluer l’efficacité d’un médicament dans les formes sévères. Il s’agit d’une molécule qui a une puissance antivirale très importante in-vitro. Pour le moment, il est le seul pays africain à faire cette étude.

 

Les patients du coronavirus présentant des cas graves peuvent croiser les doigts.  Une nouvelle molécule est engagée par le Sénégal pour une meilleure prise en charge.   Cela, après trois mois (juin, juillet et août) lourds de décès liés à la Covid-19 et à l’accroissement du nombre de patients présentant des formes graves à cause de la multiplication des cas positifs.

L’Institut Pasteur de Dakar et les services des maladies infectieuses et tropicales de Fann ont initié une étude scientifique afin d’évaluer l’efficacité d’un médicament dans les formes sévères. L’annonce a été faite samedi par le chef du Service des maladies infectieuses de Fann, le professeur Moussa Seydi. 

Il s’agit, selon lui, d’un médicament disponible depuis plus de 20 ans, qui a une action anticoagulante et anti-inflammatoire efficace chez l’homme. ‘’Ces deux actions sont indispensables à obtenir, dans le cadre de la prise en charge des formes graves. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’au Sénégal, nous avions inclus, dans nos prises en charge, l’utilisation des anticoagulants et des corticoïdes comme anti-inflammatoires bien avant les recommandations de l’OMS’’, renseigne le Pr. Seydi.

Il faisait le bilan de la prise en charge des 6 mois de présence de la Covid au Sénégal.

 En outre, précise l’infectiologue, il s’agit d’une molécule qui a une puissance antivirale très importante, in vitro. ‘’Le projet a démarré le 14 août 2020, conformément au protocole de recherche qui a été validé par le Comité d’éthique nationale pour la recherche en santé. Nous sommes les seuls, actuellement, à avoir commencé ce projet de recherche en Afrique’’, éclaircit-il. 

Si cette étude est initiée, c’est grâce aux résultats obtenus de l’association de l’azytromycine à l’hydroxychroloquine. Car, assure le Pr. Seydi, cette association s’est révélée efficace. Mais cette efficacité n’est évidente que quand il s’agit d’une administration précoce. Cependant, souligne le chef du Service des maladies infectieuses de Fann, elle est moins soutenue dans les formes graves ou dans les formes vues tardivement.

Déficit de ressources humaines qualifiées

Par ailleurs, le directeur général du Samu national a relevé une diminution des cas sévères, des cas graves et, conséquemment, des décès au cours de ce dernier mois. ‘’Le 4 août, on était à 526 patients qui se sont présentés dans nos structures dans des situations de détresse, avec un taux de décès de 28 %.  Hier, on était à 682 patients qu’on a pris en charge dans des situations détresse. Nous avons noté que le taux de décès a diminué entre le 5e et le 6e mois’’, souligne le Pr. Mamadou Diarra Bèye.

Autre aspect souligné par l’urgentiste, c’est la diminution des délais de prise en charge. ‘’Nous le décriions, les patients arrivaient tardivement le mois dernier avec des complications, et c’est ce qui impactait forcement sur le taux de décès. Ce délai de prise en charge commence assez tôt depuis le domicile. C’est ce qui permet d’évaluer et de débuter très rapidement le traitement nous permettant d’avoir de bons résultats dont l’oxygénothérapie, les corticoïdes et le traitement anticoagulant précoce’’, fait-il savoir.

Toutefois, il a précisé qu’ils ont été confrontés à un problème de ressources humaines qualifiées. ‘’C’est tout à fait normal. Ce n’est pas seulement nous. Les autres pays sont en déficit de ce personnel qualifié, notamment des médecins anesthésistes-réanimateurs. Ce qui fait que dans certaines régions, ces spécialistes ont été seuls et ils ont fait le travail seul’’, soutient-il. Aussi, dernièrement, une mesure importante a été prise, qui est d’outiller les jeunes médecins généralistes en soins intensifs. Ils vont être recrutés, d’après le Pr. Bèye. ‘’Nous allons collaborer avec les autres collègues réanimateurs et le Samu national, pour former ces médecins généralistes au nombre de 100, qui vont appuyer les CTE dans la prise en charge de ces cas graves’’, rassure-t-il.

De son côté, le ministre de la Santé et de l’Action sociale appelle à la vigilance de tous, au niveau individuel et collectif, surtout pour protéger les personnes vulnérables. ‘’Personne ne sait quand cette épidémie prendra fin, ni quand un remède efficace pourra permettre au monde d’en sortir. Dès lors, la lutte contre l’épidémie se poursuit et doit être intensifiée. A ce jour, l’application des mesures barrières est la meilleure arme dont nous disposons pour freiner le virus’’, rappelle Abdoulaye Diouf Sarr.

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COVID-19 AU SENEGAL

Une régression progressive des cas

Depuis maintenant 6 mois de présence du coronavirus au Sénégal, avec de multiples stratégies développées dans la lutte, le nombre de cas commence à régresser. Cette situation, prévient le docteur Abdoulaye Bousso, ne doit pas permettre de faire dans le triomphalisme, car beaucoup d’évènements arrivent.

Le nombre de cas du coronavirus est en train de baisser au Sénégal. Du moins, selon le directeur général du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous) le docteur Abdoulaye Bousso. Présentant hier le bilan mensuel, il a analysé les chiffres depuis le début de la pandémie dans le pays. Il affirme qu’il y a eu trois mois assez difficiles (juin, juillet et août), avec au moins 3 000 cas par mois.

A l’en croire, ils sont passés du mois de mars avec 190 cas, avril (834) et mai (2 715), à juin avec 3 186 cas, juillet (3 359) et le mois d’août (3 371). Les décès sont aussi calqués sur ces nouveaux cas parce que, souligne-t-il, plus il y a de cas, plus le nombre de personnes vulnérables sera touché, plus le nombre de décès augmentera. Au mois de juin, le pays était à 74 décès, 93 en juillet et 75 au mois d’août. Les plus de 60 ans représentent 73 % des cas.

D’après le Dr Bousso, sur les 4 dernières semaines, le nombre de cas a diminué. ‘’C’est quelque chose de remarquable. Nous avons évalué cela à travers le taux de reproduction du virus. Entre avril, mai et juin, une personne était en mesure de contaminer 4 personnes. Les mesures fortes comme la limitation des mouvements, l’interdiction des manifestations et la fermeture des écoles avaient été prises. Cela a eu un impact objectif sur la diminution des cas. Cela a également permis de maîtriser leur évolution, car les chiffres devraient être au moins trois fois supérieurs’’, explique le Dr Bousso.

 Depuis le mois de juin, remarque-t-il, ce taux de reproduction du virus commence à diminuer. ‘’Nous sommes à 1,7. En moyenne, une personne positive peut contaminer deux personnes’’. Pour la semaine ‘’S34’’, il y avait 776 nouveaux cas, 598 pour la semaine ‘’S35’’. ‘’Nous sommes à la semaine S36 et n’avons pas encore dépassé la barre des 400. On voit qu’il y a une dégression progressive des cas’’, rassure le Dr Bousso.

Pour le directeur du Cous, cela est également positivé par le nombre de personnes infectées par habitant. Aujourd’hui, le Sénégal est à 20 personnes pour 100 000 habitants. En mai-juin, le pays était à 81 pour 100 000 habitants. ‘’Au vu de ce qui a été fait comme travail, mesures prises, des résultats commencent à s’amorcer. Toutefois, il est important de ne pas faire dans le triomphalisme. Il faut garder cette dynamique, en restant plus que jamais dans le respect des mesures barrières. Dans certains pays, il y a eu un effet rebond après cette dynamique. C’est ce qu’il faut éviter’’, prévient-il.

Ainsi, il souligne l’importance de garder cette dynamique et surtout pouvoir gérer certaines situations. Car le Sénégal va vers la rentrée scolaire et universitaire. ‘’La jeunesse représente 51 % des cas positifs. Il est important de mettre en place, pour cette cible, les mesures appropriées. Il en est de même pour les manifestations religieuses où des mesures fortes vont être prises en termes de respect des gestes barrières’’, conseille l’urgentiste.

9 districts n’ont jamais eu de cas

Dans la même veine, le directeur général du Samu national, le professeur Mamadou Diarra Bèye, soutient que même si on a noté une baisse des cas positifs et sévères ce dernier mois, il y a la nécessité de maintenir encore le niveau de vigilance, renforcer les moyens de prévention et de limiter la propagation du virus. ‘’C’est l’occasion de renforcer aussi la vigilance par rapport aux attroupements et aux cérémonies. Nous avons noté, au cours de ce 6e mois, la baisse des évacuations sanitaires vers Dakar’’.

Sur le plan des données épidémiologiques, le pays est à près de 14 000 cas. L’ensemble des 14 régions sont touchées. Aussi, 70 sur 79 districts du territoire national sont touchés. Treize districts sont devenus inactifs, après 28 jours sans le moindre cas. Il s’agit de ceux de Koungheul, Maka Koulibanta, Goudiry, Ranérou, Linguère, Mbirkilane, Gossas, Diakhao, Niakhar, Darou Mousty, Koki, Kébémer et Thilogne. A ce jour, 9 districts n’ont jamais eu de cas : Goudomp, Salémata, Médina Yoro Foulah, Dianké Makha, Kidira, Bakel, Koumpentoum, Dahra et Keur Momar Sarr.  ‘’Cela nous impose à avoir plus de vigilance sur ces sites. D'autant que les tests de détection sont disponibles dans la région’’.

S’agissant du diagnostic, seul l’Institut Pasteur était en mesure de faire les tests. Actuellement, informe le Dr Bousso, il y a 4 autres laboratoires qui interviennent. Il s’agit de l’Iressef de Diamniadio, du Laboratoire de bactériologie de l’hôpital Le Dantec, du Laboratoire de l’hôpital militaire de Ouakam et du Laboratoire national de santé publique de Thiès avec 150 000 tests réalisés.

Autre fait remarquable qui a beaucoup aidé dans la riposte, c’est la décentralisation des tests. Maintenant, 10 régions peuvent faire des tests de diagnostic en deux heures de temps. A part Dakar, il y a Kédougou, Diourbel, Kolda, Kaolack, Matam, Saint-Louis, Ziguinchor, Tamba et Thiès.

 En termes de prise en charge, au départ, il y avait qu’un seul centre de référence, l’hôpital de Fann dirigé par le professeur Moussa Seydi. Le pays dispose maintenant, soutient le Dr Bousso, de plus de 35 sites de prise en charge. Selon lui, dans chaque région, il y a au moins une structure de santé à même de prendre en charge les malades. ‘’C’est très important dans le cadre de la prise en charge précoce sur site des patients. Parce que nous sommes partis de la prise en charge de tous les patients symptomatiques à la prise extrahospitalière, quand nos capacités ont commencé à être atteintes avec l’utilisation de certains réceptifs hôteliers pour prendre en charge les malades’’.

Autre étape franchie, c’est la prise en charge à domicile. ‘’Nous avons plus de patients à domicile que dans nos centres de traitement. Les efforts sont en train d’être faits. Même si tout n’est pas au point, parce qu’il y a beaucoup de malades dans les domiciles qui sont suivis par les équipes des districts et des régions médicales’’.

Ce qui fait dire au Pr. Mamadou Diarra Bèye que la prise en charge à domicile est l’un de leurs importants éléments. ‘’C’est une stratégie qui est très importante et qui a beaucoup impacté sur nos résultats. Parce que cela a diminué la charge de travail qu’on avait dans nos centres de traitement et nos hôpitaux. Mais ce travail doit être renforcé dans les districts sanitaires. Il faut juste une prudence absolue par rapport à ceux qui sont choisis pour suivre ce traitement à domicile’’, recommande le Pr. Bèye.

VIVIANE DIATTA

 

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