Publié le 16 Sep 2019 - 17:29
TROIS ORAGES FATALS EN 10 JOURS

Ces coups de foudre qui inquiètent Dakar

 

Après des victimes récentes en pleine mer et à Tivaouane Peulh, la foudre a tué deux personnes dans des communes de Dakar qu’on aurait cru à l’abri. Pour une fois, c’est la capitale qui semble être le parent pauvre de l’installation des paratonnerres.

 

Samedi 14 septembre 2019. La voiture rouge de la compagnie des sapeurs-pompiers des Parcelles-Assainies embarque le corps sans vie d’un jeune homme d’une vingtaine d'années. Diadia, comme il se faisait surnommer, est accompagné par ses camarades, avec qui il était sur la plage, quelques instants plus tôt, à l'arrière du pick-up. Dans la foule de badauds qui s’est machinalement formée, les plus téméraires se perdent en conjectures. ‘‘C'est son téléphone portable qui a attiré la foudre sur lui’’, commente-t-on avec les caméras de téléphone discrètement activées pour éviter de recevoir les foudres des pompiers. La voiture redémarre aussitôt dans un bruit de sirène qui alourdit davantage une fin d'après-midi d’une bande de jeunes venus s'amuser.

Concomitamment, un autre drame se jouait à quelques kilomètres de la plage, dans le quartier résidentiel de Sacré-Cœur. Un individu du nom de Cheikh faisait les frais d’un coup de foudre au terrain de football de cette cité.

La foudre a fait deux victimes, ce weekend. Sept, si l’on compte les pêcheurs de Soumbédioune qui ont été foudroyés une dizaine de jours plus tôt. Moustapha Ngom et deux de ses collègues, dont l’un reste toujours introuvable, ont fait les frais d’une sortie en mer orageuse. Et deux autres victimes à Tivaouane Peulh. Après la Médina, la foudre a frappé au cœur de l’une des circonscriptions les plus peuplées de la capitale (Parcelles-Assainies) et dans un quartier résidentiel dont on aurait cru, a priori, qu’il disposait de paratonnerres. Depuis, le département éponyme de la capitale sénégalaise, qui se croyait plus nanti que les localités de l’intérieur du pays, s’est rendu à l’évidence qu’il n’est pas hors de portée de la foudre, pendant les manifestations pluvio-orageuses.

Pris de court

D’ailleurs, dans les récents programmes ayant existé, la priorité a été donnée aux localités de l’intérieur plus exposées à ce phénomène naturel. C’est ainsi que, informe notre confrère Thieubeu Ndiaye de Seneweb, ‘‘499 paratonnerres ont été installés à Sédhiou, 411 à Matam, 423 à Fatick qui est souvent la plus touchée, 402 à Ziguinchor, 392 à Saint-Louis, 417 à Diourbel, 371 à Kolda’’, de 2012 à 2018, alors que la capitale a été équipée de 252 paratonnerres sur la même période.

Avec ce problème qui semble prendre tout le monde de court, le problème se pose en termes de domaine de compétences. Même si c’est le département qui a la compétence d’élaborer et de mettre en œuvre des plans départementaux d’actions de l’environnement, d’intervention d’urgence, et de prévention des risques comme le stipule l’article 304 du Code général des collectivités locales, il serait chimérique d’attendre quelque chose d’elles, en l’état de leur dénuement financier.

Les moyens des 14 commissions régionales de protection civile et les 45 commissions auxiliaires, coiffées par l’organe exécutif qu’est la Direction de la protection civile (Dpc) semblent bien dérisoires devant ces déchainements sporadiques de la foudre, qui est pourtant loin d’une catastrophe naturelle. Le précédent régime avait bien essayé de venir à bout des désagréments nés de violentes intempéries qui avaient touché le pays en 2010. Mais ni le Document stratégique de réduction de la pauvreté (Dsrp I et II) ni le Programme national de réduction des risques majeurs et de gestion des catastrophes ne se sont spécifiquement intéressés à la question de la foudre.

Les avatars textuels du régime actuel ne font pas mieux. Le Document de politique économique et sociale du Sénégal (Dpes), qui a pris le relais du Dsrp entre 2011 et 2015, a reproduit le même manque. La Stratégie nationale de protection sociale du Sénégal (Snps), définie pour l’horizon 2035, ne mentionne pas non plus, dans sa partie liée à la gestion des catastrophes, la foudre comme une des causes de la vulnérabilité. Un ‘‘oubli’’ qui s’explique par le caractère sporadique de ce phénomène naturel et qu’il va falloir corriger, d’ici quinze ans.

Efforts

Pour autant, la Dpc ne reste pas les bras croisés. ‘‘Grâce au programme d’acquisition et d’installation alimenté à hauteur de 5 milliards de F Cfa depuis 2017, 533 appareils ont été installés sur des sites sensibles et/ou stratégiques, à travers le territoire national’’, informe le site internet de cette direction manifestement pas mis à jour depuis plusieurs mois. La même source d’informer qu’un programme d’installation de paratonnerres, entamé depuis plus d’une décennie, allait se poursuivre en 2018, pour lequel la somme de 1 milliard de F Cfa a été dégagée pour l’acquisition de plus de 500 appareils.

D’après l’article de notre confrère Thieubeu Ndiaye, citant un officiel de la Dpc, tous ces appareils ont été bel et bien installés l’an dernier, alors que pour 2019, le même effort n’a pas été soutenu. Au point que seulement 50 paratonnerres ont été installés dans tout le pays.

Faute de réponses claires sur le rayon de compétences des services et de dispositions prises par les autorités sur ce phénomène, l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) avait prévu, dans l’après-midi, que ‘‘des orages isolés pourraient se former sur le littoral et sur les régions Centre et Nord-Est en y occasionnant des pluies relativement faibles au cours de cet après-midi et la nuit. La zone sud du pays restera sujette à des activités pluvieuses ces prochaines 24 heures’’.

Elle a donné quelques instructions pour les comportements à adopter, pour éviter les coups de foudre. Débrancher téléphone et ordinateur, s’abriter dans une voiture fenêtres fermées, se recroqueviller sur le sable, s’éloigner d’une distance de trois mètres, si l’on est groupé, et d’éviter les pratiques en plein air ou de s’abriter sous un arbre isolé.

Le principe de la foudre (encadré)

Pour comprendre le phénomène, le journaliste du ‘’Figaro’’, diplômé en biologie et immunologie, Jean-Louis Nothias, évoque l’électricité statique. En phase terminale, le nuage d’orage ‘‘se charge petit à petit, au fur et à mesure qu’il se développe. Sa base devient fortement négative. En comparaison, le sol est lui nettement positif. Et, en électricité, ce sont les contraires qui s’attirent. Les charges négatives et les charges positives n'ont qu'une obsession en tête : se rejoindre’’, explique-t-il.

Le dispositif de protection contre la foudre, inventé par Benjamin Franklin, fonctionne comme un appât à foudre. Une ou plusieurs tiges métalliques à pointes captatrices sont fixées en hauteur sur la toiture d’un bâtiment. Ces points d’impacts préférentiels de la foudre sont reliés à des écoulements, de préférence en cuivre, qui dissipent le courant de foudre dans le sol, par le biais de prises de terre adaptées.

 ‘‘Le coup de foudre ne vise qu’à réunir les charges négatives et les positives. Et la foudre n’est pas compliquée. Elle choisit le chemin le plus facile. Si on lui donne le choix de procéder aux unions électriques dont elle a la charge sur une grande surface résistante ou sur une petite surface très conciliante, elle choisira sans hésiter le chemin le plus facile. C’est ce que fait la pointe du paratonnerre relié à la terre par un fil bon conducteur’’, explique-t-il en révélant que c’est également ce que fait la ‘’tête’’ d’un arbre. Et c’est pour cela que c'est une mauvaise idée de se réfugier, en cas d'orage, sous un grand arbre isolé.

OUSMANE LAYE DIOP

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