Publié le 29 Jul 2020 - 03:43
TROIS QUESTIONS A ISMAËL SOW, PRESIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE LA MAISON DES ELEVEURS

‘’Il y a assez de moutons dans les régions, mais les promoteurs ne prennent pas le risque…’’

 

Quelle est la situation dans les marchés à bétail ?

Les ‘’loumas’’ se portent bien et on a assez de moutons pour approvisionner les ménages. Le seul problème est que les Sénégalais attendent toujours la dernière minute pour acheter leur mouton, alors que les opérateurs ont besoin d’épuiser leurs stocks pour retourner s’approvisionner dans les zones rurales. Les éleveurs et les opérateurs ont besoin d’épuiser les stocks de moutons déjà convoyés dans les grandes villes pour retourner s’approvisionner de nouveau. C’est pourquoi j’invite les Sénégalais à aller acheter tôt leur mouton, car si les stocks ne sont pas épuisés, les opérateurs ne prennent pas le risque d’aller acheter d’autres moutons pour se retrouver avec des invendus, après la Tabaski.

Les opérateurs prennent des financements qu’ils vont rembourser après la fête. C’est pourquoi ils ne prennent pas certains risques. Il y a aussi le prix du transport qui est très élevé pour les vendeurs de mouton. En effet, là où l’on payait 100 mille francs CFA pour le transport, il faut débourser aujourd’hui près de 300 mille francs CFA. Les transporteurs sont en train de profiter de l’’’opération Tabaski’’ pour combler les pertes qu’ils ont enregistrées pendant le confinement, à cause des mesures de restriction.

Toutes ces dépenses font que les béliers sont un peu chers. La population doit aussi savoir que les moutons locaux ne sont pas seulement destinés au marché sénégalais. Nos éleveurs approvisionnent la Gambie et la Guinée-Bissau. Et cette année, ces deux pays sont venus très tôt pour s’approvisionner. J’invite la population à aller se ravitailler, dès maintenant, pour éviter les surprises de dernière minute.

L’Etat avait annoncé des financements pour l’’’opération Tabaski’’ et pour les éleveurs. Les fonds sont-ils arrivés à destination ?

Effectivement. L’Etat a déboursé 3 milliards de francs CFA pour l’’’opération Tabaski’’. L’argent est passé par la Der (Délégation à l’entreprenariat rapide) qui a financé les opérateurs et les éleveurs. On peut dire que l’argent est bien arrivé à destination, parce que les grands opérateurs ont reçu leur financement. Sur ce point, tout s’est bien déroulé. Pour le moment, notre seule crainte est le comportement des Sénégalais qui attendent toujours le dernier moment pour s’approvisionner.

Pour cette édition, malgré le contexte, si les populations sortent tôt pour aller acheter leur mouton, il n’y aura pas de problème. Il y a assez de moutons dans les régions, mais les éleveurs ne peuvent pas prendre le risque de tout convoyer dans les grandes villes, alors qu’ils ne trouvent pas encore de preneurs.

L’’’opération Tabaski’’ de cette année se déroule dans un contexte particulier marqué par la pandémie.  Les éleveurs sont-ils suffisamment outillés pour se protéger, si on sait que les points de vente drainent parfois du monde ?

C’est vrai que nous sommes sur une année particulière. C’est pourquoi on a sensibilisé tous les éleveurs sur les mesures barrières contre la Covid-19.  D’ailleurs, certaines mesures barrières comme le port du masque et la distanciation sont des caractéristiques du comportement des éleveurs. La preuve, ils ont le plus souvent le visage masqué avec leur turban et se tiennent souvent à bonne distance des autres. Il faut juste renforcer la vigilance et intégrer les autres mesures comme le lavage des mains.

En tant qu’organisation d’éleveurs, notre rôle est de former nos membres et d’être leur interlocuteur auprès de l’Etat et des partenaires. En cette période de pandémie, nous faisons le nécessaire pour leur protection. 

 
OUSMANE GAYE, CHARGE DE COMMUNICATION MINISTRE DE L’ELEVAGE 
 ‘’Sur les 810 mille têtes nécessaires pour la Tabaski, 737 501 sont déjà disponibles sur le marché’’
 
Le ministère de l’Elevage et de la Production animale rassure quant à la disponibilité des moutons pour la fête de la Tabaski. En effet, suivant les chiffres fournis par la Direction de l’élevage, l’expression des besoins en moutons pour la Tabaski 2020 est estimée à 810 mille têtes dont 260 mille rien que pour la région de Dakar. 
 
Selon les chiffres dont dispose la Direction de l’élevage, à quelques jours de la fête, le compte est presque bon. ‘’Nous avons, à la date du 25 juillet, une disponibilité de 737 501 moutons sur le marché national. Nous avons aussi remarqué que la production locale commence à gagner du terrain et que l’élevage est devenu un nouveau business.
 
Ce qui est une bonne chose pour l’approvisionnement du marché local. Les importations ont aussi augmenté, en passant de 51 146 en 2018, contre 210 054 en 2019.  Toutes les dispositions ont été prises pour qu’il n’y ait pas de pénurie de moutons’’, rassure le chargé de communication du ministère de l’Elevage et de la Production animale. 
 
Pour Ousmane Gaye, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Le marché sera suffisamment fourni.  
 
Quant à la cherté des prix déplorée par les consommateurs, le ministère dégage toute sa responsabilité.  ‘’L’Etat ne peut pas réguler le marché, parce que le secteur de l’élevage est un peu particulier. D’après nos données, l’’opération Tabaski’ fait entre 67 à 70 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires par jour. Et on a fait nos calculs avec des prix raisonnables. L’élevage est devenu un nouveau business, même dans les villes. Aujourd’hui, presque 70 % des moutons vendus à Dakar proviennent de l’élevage d’embouche. C’est pourquoi les prix sont parfois élevés’’, indique-t-il.  
 
En outre, en cette période marquée par la pandémie de la Covid-19, l’organisation de l’’’opération Tabaski’’ a connu des changements pour se conformer à la situation. Il s’agit de l’aménagement des points de vente normalisés avec le respect des mesures barrières. La région de Dakar en compte 37. 
 
‘’Le gouverneur de Dakar a mis en place, en collaboration avec les services des ministères de la Santé et de l’Elevage 37points de vente dans la région de Dakar qui dispose d’eau, d’électricité et de toilettes.  Toutefois, pour les éditions précédentes, on allait au-delà de ce chiffre. On avait 40 à 45 points de vente.  Mais avec les nombreux chantiers d’infrastructures à Dakar, on n’a pu avoir pour cette édition que 37 points de vente normalisés, pour respecter les mesures barrières contre la pandémie’’, souligne Ousmane Gaye.
 

 

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