Publié le 8 Jul 2017 - 01:01
UEFA

Le salary cap dans le football, est-ce vraiment possible ?

 

Aleksander Ceferin rêve de rendre le football européen plus équitable qu’il ne l’est devenu aujourd’hui. Le président de l’UEFA aimerait instaurer un salary cap, à l’instar des ligues nord-américaines. Est-ce vraiment possible dans l’écosystème continental ?

 

Ce n'est pas loin d'être passé inaperçu. Pourtant, la petite sortie - calculée - de fin de semaine dernière signée Aleksander Ceferin mérite qu'on s'y attarde bien plus. Interrogé par le magazine slovène Mladina, le président de l'UEFA s'est laissé aller à une petite confidence : il ne serait pas contre l'instauration d'un système de salary cap dans le football. Comprenez : que la masse salariale des clubs soit encadrée et, surtout, limitée. L'idée ? Rééquilibrer un foot européen plus que jamais inégalitaire.

Cela éviterait, notamment, l'empilement de joueurs que l'on voit dans certaines grosses écuries. Et cela contribuerait un tant soit peu à rééquilibrer le paysage du football européen qui, plus que jamais, est à la merci des géants du Vieux Continent.

Le salary cap, c'est quoi ?

En français, ça donne plafond salarial. C'est une somme qu'un club ne peut dépasser en terme de salaires versés à l’ensemble de ses joueurs. Ce système a cours dans les grands sports américains. Il y a deux manières de faire fonctionner le salary cap : Il peut être "soft", ce qui signifie qu'il peut être dépassé sous certaines conditions liées à la fidélité d'un joueur au club, notamment. C'est le cas en NBA. Tout dépassement engendre des pénalités : la "luxury tax". Une penalité financière qui profite aux équipes vertueuses. Il peut être "hard", ce qui signifie qu'il ne peut être dépassé sous aucune condition. C'est le cas en NFL.

En football, est-ce imaginable ?

Avant toute chose, le sport US possède une particularité que le football européen n'a pas : il est organisé sous la forme de ligues fermées. Ce qui rend les négociations entre les acteurs concernés (joueurs, propriétaires et ligue) plus simples. La mise en place qui en découle l'est également.

Aleksander Ceferin s'attaque à un sacré morceau : faire accepter par tous les clubs et toutes les championnats un système plus égalitaire. Ajoutez à cela que la Premier League - pour ne citer qu'elle - n'engendre pas les mêmes revenus que le championnat de Pologne. Imposer un même plafond aux clubs espagnols, français, slovaques, estoniens ou irlandais n'aurait pas grand sens car 99% d'entre eux seraient à des années-lumière de pouvoir même y songer. Pour dépenser des centaines de millions en salaire, il faut en avoir les moyens. Ce qui n'est pas le cas de la très grande majorité des clubs.

Alors, comment faire ? Et, surtout, est-ce possible ? Christophe Lepetit, économiste du sport, Responsable des études économiques au Centre de Droit et d’Économie du Sport de Limoges, nous éclaire sur le sujet : "Un salary cap est imaginable. Il y a déjà des régulations mises en place, comme le Fair Play Financier qui est un salary cap déguisé car il prévoit que vous ne pouvez pas dépenser plus d'argent que vous ne générez de revenus. Il prouve aussi que l'UEFA est capable de mener à bien des négociations pour la régulation. Néanmoins, la mise en place d'un salary cap sera très compliquée parce que cela ne peut être une décision unilatérale de l'UEFA. Il faudra négocier avec les syndicats de clubs, joueurs et de ligues".

"Il faut une régulation économique globale"

L'UEFA pourrait être tentée de l'imposer aux clubs disputant une compétition européenne. Comme avec le Fair Play Financier. Toute inscription serait liée au respect de la règle. Ce n'est pas exactement la même chose mais c'est bien plus réaliste. "Ça ne s'appliquerait qu'aux clubs qualifiés pour les compétitions européennes a priori puisque l'UEFA n'a pas de moyen coercitif sur les clubs qui ne jouent pas ses propres compétitions", confirme Christophe Lepetit.

Néanmoins, l’instauration d’un salary cap européen ne résoudrait pas tout. Loin de là. "Si l'idée est de réduire l'inégalité sportive et le déséquilibre compétitif qui s'est installé, il faut instaurer une régulation plus agressive, analyse Christophe Lepetit. Il faut une régulation économique globale qui passe par le Fair Play Financier mais aussi des mesures sur les indemnités de transfert ou les salaires de joueur. L'UEFA y va progressivement. Dans les ligues US, fermées, on a une régulation très stricte qui touche l'ensemble du secteur professionnel. Le Fair Play Financier a amélioré la situation globale. Maintenant, on veut passer à la vitesse supérieure pour régler la question du déséquilibre compétitif en agissant sur les salaires des joueurs pour essayer d'avoir une meilleure allocation du talent sportif."

Pour parvenir à ses fins, l'institution européenne et Ceferin devront se montrer suffisamment forts pour se faire respecter des cadors. Parce que les membres de l'Association Européenne des Clubs - les plus puissants du continent - n'y ont aucun intérêt. Car cela rognerait sur leurs avantages et leurs acquis. Et ça, Karl-Heinz Rummenigge et ses amis n'aiment pas. Le boss du Bayern, qui a poussé l'été dernier à la fermeture de la Ligue des champions, ne peut être en phase avec Ceferin. "Ça ne peut passer que par la discussion, explique l’économiste. Sinon, le serpent de mer ressurgira : la ligue fermée européenne. Tout sera question de négociation." Elle sera longue. Et probablement difficile.

EUROSPORT

 

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