Publié le 14 Mar 2014 - 18:40
UNE AFFAIRE A LA MAIRIE DE MÉDINA

L’origine de 500 millions de francs divise le conseil municipal

 

Les 500 millions de francs Cfa prévus pour financer les 21 projets de la commune d'arrondissement de Médina suscitent une vive polémique au sein du conseil municipal. Entre accusations et dénégations, cette affaire pourrait atterrir au tribunal très bientôt...

 

 ‘’Nous avons fait des résultats visibles que tout le monde loue. Il y a même des gens qui pensent que nous avons investi 7 milliards dans l’école Médine. Nous avons reçu des enquêteurs, sous l’ancien régime, envoyé par la Primature.

La préfecture nous demandait où est-ce que nous avons pris de l’argent. Est-ce que c’était de l’argent sale ? Est-ce que nous étions financés par des Ong ? Je leur ai dit : ’’Non, c’est l’argent de la mairie’’, avait révélé l’ex-maire de la Médina, dans un entretien accordé à EnQuête, une semaine avant son décès. Feu Birame Sassoum Sy répondait ainsi aux soupçons qui pèsent sur l’origine de l’argent prévu pour la réalisation de 21 projets dans la commune.

‘’Nous n’avons pas investi plus de 500 millions. C’est notre budget, c’est la Médina qui a financé ça. Nous n’avons reçu l’aide de personne sauf celui d’un conseiller municipal qui nous a offert un camion de béton.’’

Seulement, cette version est loin de satisfaire de nombreux conseillers municipaux de la commune d'arrondissement. C’est le cas d’El Hadj Malick Diop, qui menace de porter plainte contre la mairie. ’’Nous considérons que c’est extrêmement grave de construire des édifices publics avec de l’argent privé. Dans son programme, le (défunt) maire avait prévu de réaliser 21 projets, dont la réhabilitation de l’école Nago Samb située à Gibraltar, celle de Médine et la maison des femmes à la rue 21.

Mais la commune d’arrondissement n’a pas à faire des investissements en dehors du circuit officiel’’, fait savoir le responsable du Nouveau Parti (NP). D’ailleurs, ce dernier dit avoir interpellé, ‘’personnellement’’, le défunt maire sur cette question lors du dernier conseil municipal tenu cette année afin qu'il éclaire la lanterne du conseil municipal. ‘’J’ai voulu savoir qui a financé les travaux et sous quelles conditions. Combien coûtent les 21 projets ? A quand la fin des travaux ? Avons-nous toutes les autorisations requises ?’’.

Ce n’est pas tout, car El Hadj Malick Diop a voulu savoir ’’si le projet de budget actuel prend en charge les travaux. Y a-t-il des conseillers qui sont utilisés comme prestataires de services ? Est-ce qu’on a requis un bureau de contrôle de qualité ?’’

‘’Bamba Fall était coincé’’

A la place du maire, c'est le 4e adjoint au maire Bamba Fall qui a tenté de répondre à cette pile de questions. «Sans (me) convaincre», précise-t-il. ’’Il (Bamba Fall) a affirmé que l’argent provient des fonds de Sénégalais vivant en Italie. Nous pensons que ce n’est pas normal ; Bamba Fall a voulu nous rassurer, mais il était coincé’’, ajoute l'élu local du Nouveau Parti. ’’C’est au moment où nous nous apprêtions à porter plainte que le maire est décédé. Compte tenu de ces circonstances, nous avions décidé de surseoir à cette plainte. Mais nous allons le faire’’, prévient-il.

Ces accusations sont balayées en touche par Bamba Fall qui parle de ‘’manœuvres  politiciennes’’ visant à l'atteindre. ‘’Ce qu’il dit n’engage ni la mairie, ni le conseil municipal qui n’a jamais parlé de ça. Moi, je suis un adjoint au maire et non ordonnateur des dépenses.

Je n’ai jamais été mandaté par la mairie pour négocier où recevoir des fonds’’, déclare ce responsable socialiste. Qui rappelle : ‘’Birame Sassoum Sy avait dit qu’on a engagé des travaux d’envergure de plus de 500 millions. On avait précisé que l’argent ne provenait ni de dons venant de l’intérieur, ni de l’extérieur, mais de fonds propres. C’est-à-dire sur les recettes de la cité.’’ 

Selon Bamba Fall, cela a été possible grâce à une politique d’austérité mise en place. ’’On a mis un terme à la gabegie. On a restreint les appels téléphoniques vers l’international. Pour les voyages (à l’étranger), chacun se prend lui-même en charge’’, énumère-t-il. Puis il indique que ‘’pour ceux qui connaissent le fonctionnement de l’administration, l’argent n’est géré ni par l’institution, ni par le maire, mais par le Trésor public.

Aucune dépense non inscrite au budget ne peut être réalisée pour l’exécution de travaux ou autre.’’ D’ailleurs Bamba Fall s’interroge sur l’opportunité d’une telle sortie médiatique. ’’Pourquoi attendre ce moment pour poser ce problème ? Est-ce à cause de la bataille de succession de Birame Sassoum Sy ?’’

Mais le socialiste est rudement chargé par un autre conseiller qui a requis l’anonymat, mais qui semble en connaître un bout dans cette affaire. ‘’C’est lui (Bamba) en personne qui, lors du séminaire tenu à Saly il y a un mois sur le débat d’orientation budgétaire, a déclaré avoir trouvé l’argent pour financer les 21 projets’’, dit-il. Or, indique notre interlocuteur, ‘’il n’y a jamais eu de délibération pour accepter cet argent, fût-il un don. Ensuite, cet argent n’a pas été inscrit dans le budget. Enfin, il n'y a jamais eu d’appel d’offres’’ pour attribuer les marchés visés.

Quid de la mission d’enquêtes qui aurait été envoyée à la mairie de Médina ? L’adjoint au maire la trouve tout à fait normale : ’’pour chaque mandat, l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) cherche à vérifier. Mais elle n’avait rien trouvé’’. Mais le conseiller El Hadj Malick Diop doute de l’existence de cette mission d’enquête. ‘’Si cela est vrai, il doit y avoir au moins des documents qui l’attestent’’, dit-il.

Rappelons que le budget de la Commune de Médina s’élève à  600 millions.

DAOUDA GBAYA

 

 

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