Publié le 25 Mar 2019 - 23:09
USAGE DE DROGUE DANS LE MILIEU SCOLAIRE

Comment circonscrire le mal

 

L’usage de la drogue dans les établissements scolaires prend de l’ampleur, malgré les mesures prises et les actions préventives menées par les autorités. Les acteurs de l’éducation diagnostiquent le mal et préconisent des solutions.

 

Récemment, ‘’EnQuête’’ a révélé une affaire de drogue impliquant des élèves de deux établissements scolaires sénégalais. La Brigade de lutte contre la cybercriminalité de la sûreté urbaine a mis la main sur 10 personnes dont 8 élèves en classe de terminale au collège Sacré-Cœur et Yalla Suur-en pour les délits de détention de chanvre et haschich. Il a été découvert par-devers l’un d’eux 1 cornet entamé de chanvre indien dissimulé dans un sac et une barre de haschich.

Cette question de la drogue en milieu scolaire ne laisse pas insensible le directeur de la Formation et de la Communication du ministère de l’Education nationale. Mamadou Moustapha Diagne est d’avis que les causes et les responsabilités doivent être situées. Au premier chef, dit-il, les parents sont interpelés. ‘’Beaucoup de parents ne surveillent plus leurs enfants. L’emploi du temps de l’élève doit être défini et suivi. Aller dans son école pour constater son assiduité, connaitre ses professeurs et surveiller l’amitié de ses enfants et ses fréquentations’’, poursuit-il. D’autant qu’à ses yeux, l’école est victime des milieux dans lesquels elle est implantée. Souvent, aux alentours, il y a de la délinquance, avec notamment la proximité des marchés. Cela mène à des dérives.

Après le parent, vient l’école. ‘’Dans les collèges, parfois entre des cours, les enfants sortent, ils restent des heures dehors, vont dans des quartiers. Il y a beaucoup de chefs d’établissement qui font leur possible et quand ils convoquent les parents, ces derniers ne viennent pas répondre’’. Ce qu’il trouve inadmissible. Mamadou Moustapha Diagne insiste sur la fréquentation des enfants. ‘’Des élèves fréquentent souvent d’autres qui n’ont à rien voir avec l’école’’. Et, fatalement, il arrive que des élèves plus âgés, qui ont pris une autre voie, essaient d’entrainer les plus petits.

Dans ces cas-là, il souligne que le ministère fait tout pour préserver l’élève. Et que la tutelle prenne des mesures, si elle est saisie par des chefs d’établissements et inspecteurs de cas de dérive d’élèves. Mais ils privilégient la sensibilisation à l’école, via le gouvernement scolaire.

La drogue se féminise à l’école

La responsable suivi-évaluation de la Cosydep, Elisabeth Massaly, reconnait que la consommation de drogue gagne du terrain dans l’espace éducatif. Aussi bien chez les garçons que les filles. La tendance s’inverse véritablement du côté des filles. Même si le phénomène n’est pas nouveau et date des années 2000. ‘’L’Organisation islamique pour l’éducation et la culture avait mené une étude, en 2013. Elle avait interrogé des élèves. On se rend compte que le phénomène gagne du terrain’’, dit-elle. A deux niveaux : ‘’L’école peut devenir un espace de rencontre entre trafiquants et usagers. Ça touche garçons et filles. De plus en plus, c’est très fréquent chez les filles.’’

D’ailleurs, la responsable de la Cosydep lève un coin du voile des voies qu’emprunte la drogue pour pénétrer ce milieu. Elle pointe un doigt sur les vendeurs de denrées et produits divers, les marchés avoisinants et les trafics informels. Ce qui lui fait dire que la drogue s’est beaucoup plus rapprochée de l’espace scolaire. Et cela n’est pas sans conséquence. ‘’Cela impacte négativement sur l’assiduité des élèves, leur fréquentation et leur performance, sachant que l’article 33 dans la convention relative des droits des enfants demande aux Etats de prendre des mesures nécessaires pour protéger les enfants. Que ce soit contre l’usage illicite des stupéfiants, des substances tels que définis dans les conventions internationales’’, dit-elle.

Le retour des kiosques de tabac

D’ailleurs, la Cosydep a entamé une réflexion sur ce phénomène et surtout sur la lutte contre le retour des kiosques de tabac qui sont établis aux abords des écoles. ‘’C’est plus visible en banlieue’’, dit-elle. Mais pour mener une lutte efficace, il faut d’abord relever le défi de la situation de référence, des données, c’est-à-dire connaitre combien d’enfants sont touchés. Ainsi, des actions pourront être menées.

Le second défi reste la prévention, l’alerte précoce. ‘’Il y a beaucoup d’éléments clignotants qui nous avertissent sur la présence de la drogue en milieu scolaire. Il nous faut réfléchir sur la mise en place d’un dispositif fonctionnel d’alerte précoce dans les établissements. Egalement de prise en charge des enfants en difficulté sur les questions liées à la drogue. Il y a des enfants qui consomment la drogue, mais il ne faut pas qu’on les exclut’’, ajoute Elisabeth Massaly. Car, à ses yeux, la réflexion sur le dispositif de prise en charge est importante.

‘’Un débat social et politique’’

Mais ce n’est pas tout, puisque la Cosydep compte promouvoir un débat social et politique, ainsi que la mobilisation des communautés de base. ‘’Ce sont des enfants qui vivent dans un milieu déterminé, qui viennent de familles qui ne mesurent pas la portée de leurs actes. La question est nationale. Le débat social et politique pourra, dans une certaine mesure, remédier à cela’’, déclare-t-elle. Les parents d’élèves, les enseignants, les ‘’badiène gox’’ seront réunis autour du problème.

La Cosydep, depuis deux ans, est en train de réfléchir sur le phénomène, et sa contribution est de permettre à l’Etat de disposer de données pour une bonne politique et des programmes publics de protection des jeunes contre la drogue. Un plaidoyer fort, selon Elisabeth Massaly, sera porté.

Inspecteur Abdoulaye Wade : ‘’Nous sommes en train de tout faire pour circonscrire le problème’’

Sur cette question, l’inspecteur de l’éducation et de la formation de Grand-Dakar, Abdoulaye Wade, signale que des stratégies sont développées, allant dans le sens d’informer, de sensibiliser et d’éduquer les élèves. Cela, dit-il, passe par le gouvernement scolaire, dans les cérémonies de levée des couleurs. Il révèle que des Ong interviennent dans certaines écoles et suivent la lutte contre la drogue. Depuis longtemps, le système a été adopté. D’ailleurs, fait remarquer l’inspecteur de l’éducation, dans le programme scolaire, il y a des thèmes qui parlent de l’usage de la drogue. ‘’C’est un phénomène social. Cela dépasse les limites de l’école. Nous sommes en train de tout faire pour circonscrire le problème et éviter qu’il se développe’’, affirme-t-il.

L’inspecteur de l’éducation et de la formation, Abdoulaye Wade, note toutefois qu’il n’a jamais été saisi d’un cas dans les établissements de son inspection. ‘’A chaque fois, je développe des stratégies pour anticiper. Mais vous savez qu’aux alentours, les élèves sont exposés’’, soutient-il. Justement, le directeur de la Formation et de la Communication du ministère de l’Education nationale, Mamadou Moustapha Diagne, préconise tout simplement de déplacer les établissements scolaires qui se trouvent à côté des marchés. Il invite les présidents des conseils départementaux et les maires à le faire.

AIDA DIENE

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