Publié le 26 Mar 2020 - 15:54
VIOLENCES POLICIÈRES

La police nationale reconnaît des ‘’interventions excessives’’

 

Le premier jour du couvre-feu a enregistré maintes réactions, du fait d’interventions assez musclées que la police a finalement reconnues. Si elle affirme avoir puni les fautifs, beaucoup l’invitent à revoir son mode d’action.

 

L’instauration d’un couvre-feu rime-t-elle avec bastonnade ? Oui, à en croire les vidéos qui ont circulé le soir de ce premier jour de couvre-feu. La violence était au rendez-vous et les coups de matraque n’ont point fait de distinction entre personnel de santé, journaliste ou citoyen en situation d’urgence. Pourtant, la matinée qui a précédé cet épisode, le ministre de l’Intérieur a été on ne peut plus clair : ‘’Les peines encourues par les récalcitrants varient entre 2 mois et 2 ans de prison, une amende de 20 000 à 500 000 F CFA ou l’une des deux peines comme le précise la loi.’’ L’autorité a également souligné que l’exception à la règle concerne plusieurs catégories de personnes dont le personnel de santé.

Sauf que sur le terrain, les choses ont tourné au vinaigre et les multiples témoignages et réactions amères face à l’usage de la matraque ont fait réagir, hier, le Bureau des relations publiques de la Police nationale. Même si quelques heures plus tôt, son porte-parole a clairement fait savoir que l’heure n’est pas aux justifications des actes de violence, mais au respect des dispositions prises en conformité avec la loi. ‘’Il a été noté, dans les rangs de la police, des interventions excessives dans la nuit du 24 au 25 mars 2020 qui ont été, d’ailleurs, punies avec toute la rigueur qui s’impose’’, lit-on dans le communiqué. Tout en appelant au sens de responsabilité de chacun, la police fait remarquer que cette répression découle de ‘’comportements aux antipodes de la citoyenneté adoptés par certaines personnes qui ne se sont pas abstenues de braver les interdictions et restrictions édictées’’.

Le couvre-feu, par essence, consiste à limiter les libertés de circulation ordinaires, dans l’espace et dans le temps, durant une période précise. Dans la nuit d’hier, encore, la détermination des forces de l’homme était au rendez-vous. Les coups ont continué, même la presse n’a pas été épargnée. Pis, dans certaines communes de la capitale telles que la Médina, les Dakarois sont sortis à 20 h justement pour faire face aux policiers. La course-poursuite ou peut-être l’affront tant attendu avait l’air d’exciter plus d’un.

‘’Le dispositif de supervision doit accompagner le dispositif de contrôle’’

De l’analyse de l’ancien commissaire Cheikhna Keita, ce tollé est dû à une précipitation dans la mise en œuvre du dispositif. ‘’C’est déplorable comme situation. Quand on envoie ses hommes en mission, il faut avant toute chose leur dire ce pour quoi ils sont déployés, leur expliquer le rôle qu’ils ont à jouer dans la lutte contre la Covid-19 et comment ils doivent se comporter’’, soutient-il. Pour lui, la police doit être rigoureuse certes, mais dans le respect de la personne. Il préconise un dialogue avec la population et une autocritique objective dans les rangs de la police nationale.

De son point de vue, le ‘’dispositif de supervision doit accompagner le dispositif de contrôle. Les chefs doivent reprendre les choses en main et dire à leurs hommes ce qu’ils attendent réellement d’eux de façon claire et précise. Ils doivent également prévoir des sanctions contre eux, s’ils ne respectent pas les ordres’’.

Ce qui est certain, c’est que l’article 19 de la loi relative à l’état d’urgence et à l’état de siège (69-29 du 29 avril 1969) encadre l’usage des armes. Les forces de défense et de sécurité y sont habilitées à les utiliser, lorsque des violences ou des voies de faits sont exercées contre elles ou lorsqu’elles sont menacées par des individus.

Par ailleurs, si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue autrement que par la force des armes ou que l’immobilisation des véhicules, des embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt, l’usage de la force devient légal.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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