Publié le 30 Jan 2020 - 01:27
VISITE OFFICIELLE RECEP TAYYIP ERDOGAN

La bonne moisson turque

 

Comme en 2018, le président Macky Sall continue de réclamer l’accès de l’arachide sénégalais au marché turc. Pendant que le Sénégal ne bouge pas, la Turquie, elle, voit encore plus grand et fixe ses ambitions à 1 milliard de dollars.

 

Le XXIe siècle, siècle de l’Afrique. Voilà une certitude de bien des décideurs partagée par le président turc Recep Tayyip Erdogan. Joignant l’acte à la parole, ce dernier ne rate jamais une occasion de lancer la grande offensive en direction des pays africains, en particulier le Sénégal. Jusque-là, les choses semblent lui sourire. Et le rythme de croissance du volume des échanges avec le Sénégal semble bien éloquent à ce propos.

En effet, lors de sa dernière visite en 2018, Recep Tayyip Erdogan avait fixé ses ambitions à 400 millions de dollars. Pari gagné. En 2018, les échanges, entre les deux pays, sont passés d’environ 250 millions dollars en 2017 à plus de 400 millions, s’est réjoui, hier, le président turc.

Dans l’euphorie, les autorités turques avaient relevé la barre encore plus haute. Pour une fois, depuis 2014, les résultats semblent avoir été en deçà des objectifs escomptés. ‘’Les données à notre disposition (pour 2019) montrent qu’il y a encore des efforts à faire’’, confesse le président Erdogan, non sans réaffirmer sa volonté d’atteindre la barre des 1 milliard de dollars le plus vite possible.

Il peut compter sur son homologue sénégalais pour relever ce défi. La Turquie, souligne Macky Sall, étant un partenaire important du Sénégal. ‘’Elle nous accompagne, en particulier, dans la réalisation d’infrastructures majeures de développement, comme cela a été le cas pour l’AIBD, le CICAD, Dakar Arena, le Centre d’exposition…’’. En plus, mentionne-t-il, la participation d’entreprises turques dans le cadre de la réalisation du Train express régional.

Dans la même veine, le président Sall a annoncé l’octroi du marché de construction du nouveau stade olympique à une entreprise turque. Ce qui témoigne à suffisance de la volonté du Sénégal de poursuivre ce partenariat. Le chef de l’Etat d’ajouter : ‘’Nous avons une coopération dynamique, empreinte de respects mutuels et orientés vers l’action et le résultat. Cela témoigne de la politique d’ouverture et de diversification du cercle de nos amitiés et nos espaces de coopération.’’

Macky Sall ne cache d’ailleurs pas sa sollicitude à l’égard de son homologue turc qui, à l’en croire, n’a jamais rechigné à l’accompagner dans ses différents projets. ‘’A chaque fois qu’il a fallu mobiliser des ressources et que je le sollicite, il a répondu présent. Je voudrais exprimer ma volonté de poursuivre, avec lui, nos efforts communs de renforcer davantage nos échanges’’, a-t-il renchéri.

Par ailleurs, pendant que la Turquie ne cesse de conforter ses ambitions sur le marché sénégalais, le Sénégal reste à la traine dans la conquête du marché turc. Et depuis 2018, rien ne semble avoir bougé. En effet, alors que lors de la précédente visite du président Erdogan, Macky Sall prêchait pour une pénétration dudit marché par l’arachide sénégalais, hier encore, c’était la même rengaine. Comme si le pays était en quête désespérée de la porte d’entrée du marché d’Istanbul. ‘’Au cours de nos échanges, j’ai sollicité que notre arachide puisse pénétrer le marché turc, après avoir pénétré le marché asiatique et européen dans le passé’’, a déclaré le président de la République Macky Sall.

Aussi, le chef de l’Etat sénégalais n’a pas manqué de défendre l’entreprise Tosyali, du fait qu’elle apporte des capitaux. ‘’Tosyali, dit-il, apporte des investissements directs. Elle doit mettre en place une unité de fabrication de métal, de fer à béton… C’est donc un investissement direct étranger au Sénégal… Je pense qu’il faut d’abord s’en réjouir. Dans un premier temps, il va faire un investissement de 100 millions de dollars, puis 400 millions. Pour ce qui est du fer de la Falémé, les négociations sont en cours’’.  

Hier, les parties ont procédé à la signature de sept accords, portant notamment sur l’éducation, la santé, la sécurité, la gestion des catastrophes et la culture. En marge de cette cérémonie, s’est également tenu un forum économique entre les secteurs privés sénégalais et turcs.

CRISE LIBYENNE

Erdogan d’attaque, Macky prudent

Ainsi, la lune de miel se poursuit pour le couple Erdogan-Macky. Seul bémol, la crise libyenne où les deux chefs d’Etats ont étalé un hiatus dans leurs styles réciproques.

La crise libyenne était également au cœur des échanges entre la Turquie et le Sénégal. Lors du point de presse à la salle des banquets, le président Erdogan n’a pas manqué d’afficher violemment sa position sur cette question. D’emblée, il qualifie le maréchal Haftar de légionnaire à la solde d’Abu Dhabi. ‘’C’est un légionnaire, un soldat qu’on paie. Il a été militaire sous l’ère de Kadhafi, qu’il a fini par trahir. Ensuite, il s’était retranché aux Etats-Unis. C’est grâce aux moyens que lui donnent Abu Dhabi et l’Egypte qu’il survit. On ne peut pas le traiter comme Sarraj qui est un politique, reconnu par l’ONU et la communauté internationale. On ne peut pas les comparer’’, insiste Recep Tayyip Erdogan.

Tout en montrant sa disponibilité et sa préférence pour une solution pacifique de la crise libyenne, il a tenté de démontrer que le maréchal Haftar n’est pas un interlocuteur digne de confiance. ‘’Il n’était pas présent en Turquie. Il avait également fui les négociations à Moscou. Et à Berlin, il est resté dans sa chambre’’, informe le président Erdogan.  

Sur cette question libyenne, le président de la République, Macky Sall, s’est montré on ne peut plus réservé par rapport à la déclaration incendiaire de son hôte du jour. A l’en croire, la question libyenne est une question complexe. ‘’Nous avons indiqué au président Erdogan nos préoccupations en tant qu’Etats africains sur les conséquences de ce qui se passe actuellement en Libye. Notre inquiétude est de voir le conflit se propager dans la région’’. Cela dit, le chef de l’Etat a confié avoir été attentif aux explications d’Ankara, mais a réaffirmé son attachement à une solution politique de la crise. ‘’Notre conviction est que la solution doit être politique, mais non militaire. J’ai noté les explications qu’il a données à ce sujet. Je l’ai encouragé à poursuivre ses efforts dans le sens de trouver des solutions pacifiques à la crise’’, plaide Macky Sall, sollicitant l’implication de l’Union africaine dans toutes recherches de solution.

Par ailleurs, il a remercié l’accompagnement de la Turquie dans le domaine de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme.

MOR AMAR

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