Publié le 22 Dec 2015 - 09:13
ESPAGNE

Qui pourrait gouverner avec qui, après les élections législatives ?

 

Les négociations sont ouvertes. À l’issue des élections législatives de dimanche 20 décembre en Espagne, les deux formations politiques traditionnelles, les conservateurs du Parti populaire (PP) et les socialistes du PSOE, ont perdu un très grand nombre de voix au profit des nouveaux partis anti-austérité et anticorruption, Podemos et Ciudadanos. Arrivé en tête, mais sans majorité absolue, c’est au PP de Mariano Rajoy que revient la responsabilité de former un gouvernement, mais l’arithmétique des alliances s’annonce très compliquée.

 

La Constitution prévoit que le roi d’Espagne désigne le candidat chargé de former un gouvernement qui doit être investi par la chambre. Pour ce faire, ce candidat doit obtenir la majorité absolue au Parlement, soit 176 sièges sur 350. En cas d’échec, l’investiture est possible à la majorité simple, quarante-huit heures plus tard. Mais à ce stade des négociations, qui ne font que commencer, Mariano Rajoy ne l’obtiendrait pas non plus.

Aucun parti et aucun bloc, de droite comme de gauche, n’a obtenu la majorité absolue dimanche soir.  Le PP, s’il s’alliait par exemple avec le libéral Ciudadanos, n’aurait que 163 sièges. Un bloc PSOE-Podemos n’obtiendrait que 159 sièges. Cependant, les soutiens des petites formations régionales séparatistes de Catalogne, du Pays basque et des îles Canaries, pourraient permettre à un bloc de gauche d’atteindre la majorité absolue.

Une autre configuration serait une alliance « tripartite » de Podemos et Ciudadanos avec les socialistes (199 sièges) pour imposer un « changement » au gouvernement, mais il s’agit d’un scénario compliqué, Ciudadanos ayant écarté l’idée d’une alliance avec les deux partis traditionnels.

Les chances de Rajoy sont minces

Au pouvoir depuis 2011, les conservateurs ont remporté 123 sièges sur 350 au Parlement, soit 63 de moins qu’il y a quatre ans. « Je vais tenter de former un gouvernement », a toutefois indiqué Mariano Rajoy, le chef du gouvernement sortant à ses partisans rassemblés devant le siège du PP dimanche soir.

Lundi, il a réitéré son offre de dialogue aux partis prêts à défendre l’unité du pays et sa place en Europe en vue de former un gouvernement. « L’Espagne ne peut pas se permettre une ère d’incertitude politique », a déclaré Mariano Rajoy, précisant qu’il tendrait la main aux formations défendant l’unité de l’Espagne, son ordre constitutionnel ou encore ses engagements européens.

Lors de la première session d’investiture, attendue en février, il ne pourra pas obtenir la majorité absolue des voix, nécessaire pour approuver son gouvernement. Lors de la deuxième, il aura beaucoup de mal à trouver le soutien d’autres forces politiques, qui font savoir petit à petit qu’ils bloqueront son investiture.

Le PSOE votera contre Rajoy

Le Parti socialiste (PSOE) est arrivé deuxième avec 22 % des suffrages et 90 sièges. Il s’agit du pire résultat de son histoire. Après s’être limité à dire dimanche soir qu’il « appartient à la force [arrivée en tête] d’essayer de former un gouvernement », le parti a confirmé lundi qu’il refuserait de voter l’investiture de Mariano Rajoy, éliminant ainsi définitivement la possibilité, improbable, d’une coalition entre les deux partis traditionnels.

Le PSOE va plutôt tenter de former une alliance susceptible de soutenir un gouvernement de gauche, notamment en scellant des accords avec Podemos et Izquierda unida (coalition de gauche où les communistes sont majoritaires), ainsi qu’avec les nationalistes basques et les régionalistes canariens.

« Le PSOE est capable de dialoguer avec d’autres forces politiques », assure ainsi, dans un entretien au Monde, José Manuel Albares, diplomate et conseiller en affaires étrangères du parti. Il ajoute toutefois que « l’unité de l’Espagne est une ligne rouge sur laquelle aucune négociation n’est possible », faisant référence à la possibilité que Podemos exige un référendum sur l’autonomie en Catalogne.

Podemos pose ses conditions

« Une nouvelle Espagne est née qui met fin au système de l’alternance » entre le PP et le PSOE, s’est félicité, dimanche soir, Pablo Iglesias, tête de file de Podemos, le grand vainqueur de ce scrutin. Avec 20,6 % des voix, le parti anti-austérité est fort de 69 députés.

« Podemos ne permettra d’aucune manière un gouvernement du PP », a affirmé Pablo Iglesias lundi lors d’une conférence de presse, laissant entendre qu’il voterait lui aussi contre l’investiture de Mariano Rajoy.

Pour ce qui est d’une alliance avec la gauche, Podemos se dit ouvert à la négociation, mais a déjà posé ses conditions. Devant ses militants dimanche soir, M. Iglesias a exigé des réformes « indispensables » : « blindage des droits sociaux », en particulier celui du droit au logement ; «réforme du système électoral » ; reconnaissance du caractère « plurinational » de l’Espagne. Il s’est également montré « favorable à la tenue d’un référendum en Catalogne ». Une alliance entre Podemos et le PSOE apparaît donc difficile à former.

Ciudadanos s’abstiendra

L’autre « faiseur de roi », le parti libéral Ciudadanos, obtient 14 % des suffrages et 40 députés. Son dirigeant Albert Rivera a déjà annoncé qu’il ne pactiserait pas avec le PP. Pas plus qu’avec le PSOE. « Nous n’allons soutenir ni M. Rajoy ni M. Sanchez », a-t-il répété dimanche soir. Afin « d’éviter une impasse constitutionnelle » et la tenue de nouvelles élections, il préférerait s’abstenir plutôt que de voter contre l’investiture de M. Rajoy. C’est dans cette optique que Ciudadanos et le PP exhortent le PSOE à s’abstenir également, au lieu de voter contre M. Rajoy. « L’Espagne ne peut pas se permettre de devenir la Grèce. L’Espagne ne peut pas devenir un pays chaotique », a-t-il dit à la chaîne de télévision Telecinco.

Les négociations devraient être intenses durant les prochaines semaines, voire les prochains mois, pour trouver une solution à ce casse-tête et éviter que d’autres élections ne soient convoquées au printemps.

(Lemonde.fr)

 

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