‘’Macky ne risque rien s’il fait du Wax waxeet’’
Le débat sur la réduction du mandat présidentiel est loin de connaitre son épilogue. Le Chef de l’Etat a attisé la flamme ce week-end en demandant à la classe politique de mettre fin à la spéculation notée à ce sujet. Dans cet entretien, le politologue Ibou Sané, décortique les dernières déclarations de Macky Sall. Et aborde d’autres sujets comme la situation du Parti démocratique sénégalais et le cas Khalifa Sall.
Le chef de l’Etat semble durcir le ton sur la question de la réduction de son mandat. Lors de sa dernière sortie, il a invité la classe politique à mettre fin à cette spéculation. Comment appréciez-vous ses déclarations ?
Il faut reconnaitre que le chef de l’Etat est le seul maitre à bord du jeu politique. D’autant plus que c’est lui qui avait décidé pendant la campagne électorale de 2012, de réduire son mandat de sept à cinq ans. Récemment, il a évoqué dans son discours du nouvel an (31 décembre 2015) des actes majeurs sur lesquels, il compte s’appuyer pour fortifier et renforcer notre démocratie. Parmi ces actes majeurs, le plus important semble être la réduction de son mandat. Malheureusement au Sénégal, les gens aiment spéculer. Le Chef de l’Etat devait mettre en pratique ses promesses. Ce sont des indications qu’il a données, mais il y a des voies à partir desquelles on peut asseoir son argumentaire pour permettre qu’il y ait réduction ou pas du mandat. A partir du moment où il a prêté serment pour un mandat de sept ans, il ne peut plus violer la constitution.
Ce qui lui reste donc à faire, est d’explorer des voies et moyens à partir des quelles, il peut mettre sa parole en valeur. Or que l’on sache, il y a des problèmes de droit. Le Président Macky Sall n’a que trois hypothèses devant lui : la première est de faire comme son prédécesseur Abdoulaye Wade qui, avait violé la constitution en 2008, en ramenant le mandat de cinq à sept ans en passant par voie parlementaire. La deuxième hypothèse est d’aller vers le référendum. Et pour cela, il faudra nécessairement passer par des voies autorisées, des voies consultatives, recueillir l’avis de la deuxième personnalité de l’Etat qui est le président de l’Assemblée nationale ; mais aussi celui du Conseil constitutionnel. La troisième hypothèse est de dire que la réduction du mandat est un propos de campagne qu’il a tenu à l’époque sans tenir compte que la Constitution était de sept ans.
Et pour ne pas violer la Constitution, le Président Sall peut dire qu’il va respecter les sept ans. Le peuple va crier au scandale, mais il est dans son droit. Je crois qu’il devait voir les dispositions de la constitution avant d’annoncer la réduction de son mandat. S’il parvient à le faire (réduire son mandat), ce sera une première. On n’a jamais vu dans l’histoire du monde quelqu’un le faire. Mais pour cela il faut d’abord convaincre les Sénégalais. Même dans son camp, il y a des résistances. Mais pour les opposants cette réduction du mandat est nécessaire. Le Chef de l’Etat fait face à un dilemme cornélien. Il doit y aller à pas feutrés sauf que les gens vont le pousser tout de suite à donner une date pour le référendum.
La situation ne devient-elle pas plus difficile à gérer pour le Président Sall de la République quand on sait que ses partisans sont contre la réduction du mandat, alors qu’il avait fait la promesse au peuple ?
S’Il veut réduire son mandat coûte que coûte, il doit d’abord convaincre les membres de sa formation politique. Mais c’est également un risque parce que le référendum est un plébiscite. Si la consultation porte uniquement sur le ‘’oui ou le non’’, je suis persuadé qu’en milieu rural, les gens seraient contre la réduction de ce mandat. Tandis qu’en milieu urbain, précisément à Dakar, les gens en particulier l’opposition, voteraient pour la réduction de ce mandat. Si le peuple décide que c’est ‘’non’’ que devra t-i faire ? Mais si le Président décide de réduire et que le peuple dit ‘’oui’’, dans ce cas ce sera plus facile. Ce ne sont pas les intellectuels et autres qui votent mais plutôt le monde rural. Je pense que c’est trop prématuré pour nous autres d’indiquer la voie la plus rapide pour convaincre le Chef de l’Etat à accepter les cinq ans. Surtout que dans sa volonté, il veut asseoir une démocratie exemplaire, en acceptant de réduire son mandat
La réplique de l’opposition ne s’est pas fait attendre à ce sujet, ne pensez-vous pas que ce tiraillement risque davantage de rendre difficile le dialogue politique qui est déjà assez tendue avec les emprisonnements d’opposants ?
J’entends souvent dire que le Président Macky Sall doit tendre la main à l’opposition mais pour dialoguer sur quoi ? La première condition de l’opposition ce sera la libération de ses détenus politiques avant toutes choses.
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En démocratie, ce qui est important c’est le débat d’idées, ce ne sont pas les accusations, ni les invectives. Les gens doivent rester dans les programmes de gouvernement et les projets de société. Au Sénégal, on pense que c’est en injuriant, en calomniant qu’on est dans la posture de l’opposant et c’est ce qui est mauvais.
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Actuellement, tout le monde est braqué sur la réduction du mandat présidentiel alors qu’on aurait dû parler des problèmes économiques, sociaux, culturels…Nous sommes les champions du bavardage, des discussions à longueur de journée. Mais tant que l’économie marchera, les problèmes économiques vont régresser. Si on continue à parler de la question du mandat, on ne travaillera pas.
Au cas où Macky Sall décide de faire sept ans à la tête du pouvoir, que risque-t-il du point de vue de l’électorat ?
Il ne risque rien, les gens vont continuer à l’attribuer le ‘’wax waxeet’’. Il dira que :’’j’ai des objectifs qui ne sont pas encore atteints, mon entourage est contre, une partie du peuple ne souhaite pas la réduction du mandat’’. L’opposition continuera à tirer sur lui à longueur de journée jusqu’à la prochaine présidentielle. Il devait réfléchir avant de promettre la réduction de son mandat.
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Et le Président est jeune, il a besoin d’avoir un second mandat pour marquer son nom dans l’histoire du Sénégal.
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L’actualité, c’est aussi le Parti démocratique sénégalais dont le Secrétaire général a appelé à la mobilisation des troupes pour la libération de ses détenus. Pensez-vous que ce parti a les moyens de faire face au régime actuel?
Le Pds est très limité, très affaiblie et fait face à beaucoup de problèmes internes. Ce parti connait un problème de leadership, il fallait structurer le Pds. Il fallait hiérarchiser le parti, y instaurer un numéro 2, 3, 4 … qu’on sache qui fait quoi, qui est où ? Malheureusement ; le Pds s’identifie au Président Wade qui était le chef suprême, comme l’Afp s’identifie à Moustapha Niasse et l’Urd à Djibo Ka.
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Tous les partis politiques s’identifient à un leader, les militants n’ont rien dans le parti parce qu’ils ne cotisent pas. Non seulement le Pds est attaché au Président Wade mais il n’a pas de leader. Comment peuvent-ils continuer à réclamer le retour de Wade à son âge ? Il ne doit pas mener le combat. Dans ce parti, personne n‘est capable de mener le combat. Or en politique on a besoin d’une opposition forte, tant qu’elle est faible, le parti au pouvoir fait ce qu’il veut.
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Cheikh Tidiane Sy a été promu pour remplacer Oumar Sarr au sein de la coordination de ce parti. Est-il la personne indiquée pour assurer l’intérim ?
Cheikh Tidiane Sy est un homme du parquet, certes il a un baground et de l’expérience. Il a été le conseiller de Mobutu, il connait la politique. Mais à son âge, je ne pense pas qu’il puisse continuer à faire de la politique, ni à continuer à porter le parti. De plus en plus la classe politique se rajeunit, c’est la génération de Khalifa Sall, Idrissa Seck ; Cheikh Bamba Dieye… si Fada n’était pas chassé du parti, des jeunes comme lui pourraient faire l’affaire. Malgré sa bonne volonté, ses dispositions, Cheikh Tidiane Sy ne pourra que coordonner le parti et non porter le combat.
Le maire de Dakar a été ovationné ce week-end à l’occasion de la rentrée de l’école du Ps, certains disent même qu’il a ravi la vedette à Ousmane Tanor Dieng. Comment analysez-vous le cas Khalifa Sall ?
Je demanderais à Khalifa Sall d’être quelqu’un de très patient parce qu’il a l’avenir avec lui. Mais s’il se précipite très top et qu’il pense que 2017 est son heure, il se trompe. Pour faire une carrière politique il faut y aller crescendo, la politique c’est la ruse et une base. Or lui, sa base c’est Dakar et mieux vaut qu’il ait tout le parti socialiste avec lui, qu’une partie du Ps. Et à l’heure actuelle, je pense qu’il n’a pas le feu vert de Tanor Dieng qui a encore une main mise sur le parti. C’est un homme du futur quelqu’un qui compte dans la vie politique sénégalaise. Moi, je le vois après 2017 et 2019, il doit faire attention et ne pas être emporter par l’euphorie comme l’est actuellement Malick Gackou. La politique ce n’est pas uniquement Dakar, les électeurs sont dans le monde rural et si vous n’y faites rien vos chances de gagner seront minimes.
HABIBATOU TRAORE