Publié le 2 Feb 2015 - 02:47
ABDOULAYE DIAW, DTN DE FOOTBALL EN 1986

‘’Il faut un programme de développement technique’’

 

 

Abdoulaye Diaw, ancien directeur technique national en 1986, explique les déboires du Sénégal en CAN. Mais il a aussi donné des solutions pour sortir de cette impasse.

 

Depuis bientôt dix ans, le football sénégalais connaît des échecs répétés, notamment avec une élimination précoce à la Coupe d’Afrique des nations au premier tour (2008, 2012 et 2015). Comment expliquez-vous cette situation ?

Il faut se poser la question de savoir si on a une équipe ou s’il s’agit d’un regroupement de joueurs qu’on amène à une compétition ? Souvent, les entraîneurs qui sont désignés convoquent des joueurs et se contentent des regroupements pour s’engager à des compétitions sans pour autant asseoir une organisation technique. Depuis deux ans, on assiste à des changements de classements d’un match à l’autre, en mettant des joueurs sans s’assurer que ces derniers sont au même niveau de maîtrise tactique de l’organisation, aussi bien défensive qu’offensive.

Le risque, c’est d’avoir des errements dans le terrain, au moment où on a vu dans cette CAN des équipes qui ont la maîtrise de tous ces aspects techniques. Face à ces formations qui produisent un jeu supérieur au nôtre, notre équipe ne peut que s’arrêter en phase de poules. Il faut une fidélisation des joueurs aux postes. C’est ce qui permet au coach, au bout d’un an et demi, de mettre en place une tactique générale maîtrisée par l’ensemble des joueurs.

Au-delà de ces aspects technico-tactiques, la responsabilité ne se situe-t-elle pas à un niveau plus élevé ? Les fédéraux par exemple ?

Il y a toujours des responsabilités aussi bien techniques qu’administratives. Après chaque campagne, il faut identifier les responsabilités. La fédération est responsable de la formation des acteurs du football national, football professionnel, amateur et des jeunes. La fédération est également responsable de la formation au niveau des clubs que des centres de formation. De même que de la formation des arbitres, des entraîneurs et des administratifs. Celle-ci doit être revue.

Cela pour permettre aux jeunes footballeurs de maîtriser les fondamentaux, techniques d’engagement, de motivation et d’esprit de dépassement que les footballeurs des autres équipes nationales ont déjà résolus. Pour cela, un plan de carrière s’impose. Il faut veiller dans ces programmes, d’année en année, aux nombres de compétitions et de matches nécessaires. Si le jeune footballeur sénégalais n’a que 8 à 10 matches dans les jambes, là où ses  homologues maghrébins, par exemple, ont 30 à 40 matches, son handicap se fera sentir quand ils seront face à face en catégorie senior.

Quels sont les remèdes à ce mal qui gangrène le football sénégalais ?

Pour régler le problème, il faut mettre en place un programme de développement technique à moyen et long terme. A court terme, il s’agit de responsabiliser un coach, sénégalais ou étranger, et lui demander un résultat. On ne peut le faire au bout d’un an sans que son travail ne soit inscrit dans le cadre d’un programme de développement technique bien déterminé. Une Coupe d’Afrique doit se préparer sur quatre à cinq ans, et huit à dix ans pour un Mondial avec une bonne suivie des jeunes joueurs qui devront prendre part à ces joutes internationales.

C’est une utopie de croire qu’une équipe peut débarquer à la CAN et tout de suite prendre le trophée. En 1986, je l’avais dit. Après dix-huit ans d’absence, on allait au Caire pour apprendre ce que c’est la Coupe d’Afrique. Mais les gens n’avaient pas bien compris ce que je voulais dire, pensant qu’on avait les meilleurs joueurs d’Afrique à l’époque. Ça sera une erreur de croire que notre équipe va remporter la prochaine CAN, sachant que, parmi les 8 équipes qualifiées en quart de finales, les 2 ou 3, probablement, vont garder leur ossature avec les fondamentaux techniques et tactiques, en plus de l’esprit de gagneur et de fithting. 

Ceci est valable même pour les clubs. Ceux-ci doivent apprendre à travailler dans le temps. Cela permettra d’avoir des clubs qui vont percer en compétitions africaines et ne plus se faire éliminer en phases préliminaires. Parallèlement, on aura des joueurs locaux sur qui on pourra compter sans attendre toujours des binationaux ou des expatriés.’’

LOUIS GEORGES DIATTA

 

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