Publié le 13 Feb 2012 - 15:39
ACHATS DES CARTES D’ELECTEURS DANS LA BANLIEUE

Un phénomène fréquent accru par la pauvreté

L'élection présidentielle la plus contestée de l’histoire du Sénégal se profile à l'horizon. C’est le moment de trouver des électeurs. Le temps de peaufiner des stratégies. Par quels moyens et à quel prix ? L’achat des cartes d’électeurs par les politiciens est un secret de polichinelle. Si la plupart des personnes interrogées le justifient par la pauvreté qu’elles vivent au jour le jour, d'autres, par le fait que c’est l’argent du contribuable sénégalais qu’ils récupèrent, certains disent ne jamais vendre leurs ''armes''. Qu’importe le prix qu’on leur offre.

 

Matoulaye Dieng habite Yeumbeul, la quarantaine sonnée, elle avoue avoir donné sa carte électeur à plusieurs reprises. Mais en revanche, elle n'a reçu qu'une petite somme. ''Moi, je ne suis pas riche, si je vois un politicien qui me demande ma carte d’électeur pour, en contrepartie, me donner une somme d’argent, je n’hésite pas'', a-t-elle confié. Même son de cloche chez Omar Faye, menuisier. Selon lui, tous les politiciens sont pareils, car ils ne pensent qu'à leurs propres intérêts.

 

Raison pour laquelle il accepte de monnayer sa carte. Pour combien ? ''Ça dépend, en nature ou en espèces'', révèle sa femme. Mme Faye de nous confier qu’il lui arrive parfois de recevoir une forte somme des politiciens. Même si elle ne dit pas combien, elle jure que cela en valait le prix. Quant à Nogaye Faye, habitante de Guédiawaye, après avoir été une fois déçue, elle souligne qu'elle ne tombera plus jamais dans pareilles pratiques. En effet, dit-elle : ''J’avais une fois donné ma pièce à un proche mais après quelques jours, il ne m’a remis que cent francs ; depuis lors, j'ai décidé de ne plus donner ma carte à qui que ce soit'', a-t-elle certifié.

 

Un sentiment que partage cette autre mère de famille sous le couvert de l’anonymat :''Après avoir donné ma carte à un politicien du coin, j’ai couru derrière lui pendant presque un an pour la récupérer. Si c’était à refaire, je ne le referais plus'', a-t-elle affirmé d'un air désolé.

 

Il y en a aussi qui considèrent ces pratiques comme inciviques. Abdoulaye Ba, étudiant, en fait partie. ''Un citoyen doit participer à l’élection présidentielle de son pays s’il est majeur. Donc, je ne vendrais ma carte pour rien au monde'', a-t-il dit. Quant à Matar Fall, maçon, les difficultés que les Sénégalais sont en train de vivre devraient les inciter à chercher à les aplanir non par la violence, mais en votant''. Et de conclure : ''Donc si on vend sa carte, on aura vendu son âme'', s'est-il lamenté.

 

Du côté de ces ''acheteurs'' de cartes, c’est la croix et la bannière pour leur faire piper mot. Les rares personnes contactées ont refusé de nous parler. Même si elles reconnaissent que c’est une pratique qu’elles utilisent. L’une des rares qui a accepté de nous parler sous le couvert de l’anonymat nous a confié : ''Les cartes, on ne les achète pas mais on les prend pour monter des cellules'', s’est-il défendu. Et de poursuivre : ''La politique est salie au Sénégal, c’est pourquoi lorsqu’on parle de ca, la population nous demande de l’argent''. Pour lui, ils ne donnent que ''de petites sommes en guise de ''suukër'' comme cela est de coutume au pays de la Teranga.

 

CHEIKH THIAM (Correspondant en banlieue)

 

 

Section: