Publié le 4 Aug 2019 - 12:28
AFFAIRE 94 MILLIARDS

La Commission d’enquête parlementaire s’emmêle les pédales

 

Hier, en conférence de presse, les enquêteurs de l’Assemblée nationale ont divulgué des informations relatives à leurs travaux. Un acte contraire au règlement intérieur de l’institution, qui a permis à Ousmane Sonko de leur taper sur les doigts.

 

Si, dès l’entame de son propos, le président de la Commission d’enquête parlementaire, Cheikh Seck, a laissé entendre qu’aucune des conclusions du rapport ne serait abordée, la suite de la rencontre a montré le contraire de cette assertion. ‘’Il n’y a pas eu de détournement de deniers publics. Il n’y a aucune possibilité de détournement, vu les éléments que nous avons’’, a-t-il lancé après une énième question de journaliste.

Toutefois, il réfute la thèse de la fuite d’information, car cette déclaration était connue par certains médias, la veille du point de presse. ‘’Je ne sais pas d’où ils ont eu cette information, mais leur source n’est pas la commission d’enquête. Aucun commissaire n’a divulgué d’informations’’, défend-il.

Au-delà de ce fait, il se trouve que les membres de la commission parlementaire ont omis, dans leur démarche, le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, précisément l’article 48 qui dit : ‘’… Tous les membres des commissions d’enquête, ainsi que ceux qui, à un titre quelconque, assistent ou participent à leurs travaux, sont tenus au secret. Toute infraction à cette disposition sera punie des peines prévues à l’article 363 du Code pénal. L’Assemblée nationale peut, seule, décider, après audition du rapport et discussion, par un vote spécial, la publication de tout ou partie du rapport d’une commission d’enquête. Seront punis des peines prévues par l’article 363 du Code pénal, ceux qui publieront une information relative aux travaux, aux délibérations, aux actes ou aux rapports non publiés des commissions d’enquête…’’

Et c’est justement en invoquant ce règlement intérieur qu’Ousmane Sonko promet de trainer en justice tous les membres de la commission pour violation du secret de l’enquête. ‘’Ils n’ont pas le droit de communiquer sur les résultats de l’enquête. Nous les poursuivons tous pour violation de secret de l’instruction. Ils sont trop petits pour m’intimider’’, annonce-t-il.

Maître Abdoulaye Babou affirme que le député n’a pas tort. Joint par ‘’EnQuête’’, l’ancien président de la Commission des lois explique : ‘’Ce sont des parlementaires qui ont instruit d’autres parlementaires. Donc, une fois le travail terminé, ce n’est pas aux membres de la commission de convoquer une conférence de presse. Ils devaient déposer le rapport au bureau de l’Assemblée nationale, précisément à la présidence.’’

A l’en croire, la mission des enquêteurs s’arrête là. La suite du dossier doit être décidée en interne. ‘’Les décisions peuvent être prises sous deux ordres. L’Assemblée nationale peut décider, en interne, de ne pas publier le rapport ou peut décider de sa divulgation, en séance plénière. Dans ce cas, les conclusions du rapport feront l’objet d’un débat ouvert et il est permis à chaque député de disposer de 3 ou 5 minutes pour se prononcer. La commission n’a aucun droit de s’adresser directement à la presse’’, poursuit-il.

Une enquête dite partisane

Hier, pendant que la Commission d’enquête parlementaire relative à l’affaire des 94 milliards tenait une conférence de presse pour, dit-elle, rendre compte de son ‘’travail sérieux et rigoureux’’, Ousmane Sonko faisait également face à la presse pour, lui aussi, parler de l’affaire. Au siège de son parti, il a qualifié les membres de la commission de ‘’complices’’ de l’ex-directeur des Impôts et domaines, Mamour Diallo.

‘’Les membres de cette commission avaient deux objectifs : absoudre Mamour Diallo et ternir l’image d’Ousmane Sonko’’, a-t-il asséné, en maintenant ses accusations.

En effet, le leader de Pastef a publiquement accusé, le 16 octobre 2018, le haut fonctionnaire de faux et usage de faux ayant donné lieu à un détournement de deniers publics à hauteur de 94 milliards de francs Cfa. Loin de se rétracter, Sonko annonce avoir commis un pool d’avocats qui, dès la semaine prochaine, va saisir directement le juge. Une manière pour lui de contourner le procureur Bassirou Guèye qui, à son avis, agit de façon partisane.

Créée, le 15 février 2019, la Commission d’enquête parlementaire a tenu sa première réunion le 19 avril 2019, en raison du calendrier électoral. ‘’La commission a observé des temps de latence pour ne pas gêner la candidature de l’accusateur’’, précise son président. Selon lui, au total, 31 personnes ont été auditionnées à partir du 27 mai, en plus des recherches documentaires. Il se trouve que le titre foncier en question - Tf 1451/R - appartient à feue Seynabou Diagne dont le dernier fils, Ousmane Mbengue, est né en 1905. Ce dernier aurait eu 5 enfants (4 filles et 1 garçon) et chacun d’entre eux (avec sa famille) a hérité de la propriété.

La commission a terminé ses travaux le 11 juillet dernier et le rapport est désormais entre les mains du président de l’Assemblée nationale. ‘’Beaucoup de recommandations ont été faites quant à la gestion des expropriations. Une séance plénière sera convoquée bientôt et il appartiendra à l’Assemblée nationale de décider de publier le rapport. Il appartiendra également aux autorités judiciaires d’apprécier la procédure’’, renseigne Cheikh Seck. Qui, par la même occasion, a donné à la presse une partie du contenu dudit rapport.

Pour les besoins de l’enquête, toutes les personnes qui ont été convoquées ont répondu présent et ont collaboré, à l’exception du député Ousmane Sonko et du gérant de cabinet Ismaëla Ba. Et le président de la commission d’enquête de déplorer : ‘’Tous deux, malgré les convocations et les lettres de rappel, n’ont pas daigné collaborer. La commission fustige et condamne fermement cette attitude d’irresponsabilité et de manque de considération. S’il a vraiment des preuves, je pense que c’était l’occasion de les sortir.’’  

Cependant, Ousmane Sonko avait fait savoir, dès le départ, qu’il ne répondrait qu’à une convocation du tribunal, seul habilité, selon lui, à entamer une procédure judiciaire. Pour ne pas participer à cette mascarade. Le leader de Pastef a toujours douté de l’objectivité des parlementaires.

DEBOUTE PAR L’ASSEMBLEE DANS L’AFFAIRE DES 94 MILLIARDS

Ousmane Sonko se tourne vers le juge d’instruction

‘’Désavoué’’ par la Commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale qui a blanchi Mamour Diallo, dans l’affaire des 94 milliards de francs Cfa relative au titre foncier 1451/R, Ousmane Sonko ne veut pas s’avouer vaincu. Il maintient ses accusations et annonce une plainte devant le juge d’instruction contre l’ex-directeur des Domaines.

Ousmane Sonko est décidé à ce que la lumière soit faite, dans l’affaire des 94 milliards de francs Cfa relative au titre foncier 1451/R. Il n’est pas convaincu par les résultats de la Commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale. Ses collègues députés l’ont désavoué par rapport à ses accusations contre l’ex-directeur des Domaines, en concluant qu’il n’y a pas l’ombre d’un détournement. Malgré ce résultat, il maintient ses accusations.

Le parlementaire affirme qu’il y a bel et bien fraude fiscale, faux et usage de faux et concussion dans ce dossier de 94 milliards de francs Cfa. A l’en croire, la procédure utilisée par Mamour Diallo avec la complicité de certains hommes d’Etat est assise sur du faux. ‘’C’est un crime financier qu’il a commis. Je maintiens que la moitié de la somme est déjà décaissée et si la justice me convoque, je leur communiquerai le compte bancaire dans lequel l’argent a transité’’, a déclaré Ousmane Sonko qui faisait face à la presse hier.

Et pour ne pas que les choses en restent là, le leader de Pastef promet de se tourner vers la justice. Et cette fois, il ne va plus saisir le procureur de la République Serigne Bassirou Guèye, qu’il qualifie de ‘’militant de l’Alliance pour la République’’. Le député de l’opposition a annoncé la saisine du doyen des juges avec constitution de partie civile, pour ‘’que la vérité éclate dans cette affaire’’. ‘’Je ne vais plus saisir le procureur de la République, parce que nous l’avons déjà fait et cela n’a abouti à rien. Nous ne lui faisons plus confiance. Nous allons saisir directement le doyen des juges pour l’ouverture d’une information judiciaire. Nous avons déjà commis un pool d’avocats pour assurer notre défense’’, fait savoir M. Sonko.

Et d’ajouter que si la justice ne fait pas son travail, il distribuera, dans les prochains jours, les documents à la presse. ‘’J’ai une dizaine de dossiers qui inculpent Mamour Diallo dans des dossiers scandaleux’’, menace-t-il.

Par ailleurs, le leader de Pastef n’a pas manqué de lancer des piques au président de la République. Il lui a demandé de revenir à la raison et de rectifier ses erreurs, pendant qu’il est temps.

‘’Macky Sall ne peut négocier qu’avec les condamnés. Il ne traite qu’avec des gens qui ont maille à partir avec la justice comme Franck Timis. Nous lui demandons de revenir à la raison, parce que le pouvoir n’est pas éternel’’, lance-t-il.

FATOU SY

EMMANUELLA MARAME FAYE    

 

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