Publié le 1 Jul 2017 - 16:23
AHMED SYLLA HUMORISTE

‘’J’ai besoin de ressentir l’accueil, la chaleur et la générosité sénégalais’’

 

Un spectacle avant le spectacle, c’est ce à quoi ont eu droit hier des journalistes sénégalais. Sur la ‘’scène’’, l’humoriste français d’origine sénégalaise Ahmed Sylla. Il est à Dakar pour deux spectacles (le 30 juin et le 1er juillet). En face de la presse, il a donné un avant-goût de ce que seront ces différentes prestations. N’allez surtout pas croire qu’il était en répétition. Loin de là. Il a seulement su faire preuve de beaucoup d’humour avec son wolof tâtonnant. Il s’est prononcé sur divers sujets. EnQuête vous propose quelques questions posées par divers journalistes présents à cette conférence de presse.

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire rire les gens ?

Moi, je suis né en 1990, le 10 mars 1990, pour être précis. Dès que je suis sorti du ventre de maman, le médecin a dit ‘’humm ! Lui, il sera un comique. Il va être drôle’’. Dès la naissance, je crois que j’avais envie de faire rire les gens. Cela fait partie intégrante de ma personnalité. Les gens me connaissent pour ça. Je ne sais pas faire grand-chose d’autre. Je suis obligé de faire rire les gens. C’est mon essence, c’est mon ADN. Ce qui m’a donné envie de faire rire les gens ? Je ne sais pas, c’est peut-être l’envie de partager. Mon premier public était à l’école avec mes potes en classe. Sauf que je me faisais toujours coller par les profs. Là, j’ai trouvé un moyen habile et subtil de pouvoir jouir de ma passion sans être collé.

N’y a-t-il pas d’humoriste africain qui vous a inspiré, vous ne citez que des Européens ou des Américains en parlant de vos références ?

J’ai oublié de citer deux Africains qui m’ont énormément inspiré dans ma carrière d’artiste : c’est mon père et ma mère. C’est vrai que cela, j’aurais dû le préciser. Non, ceux que j’ai cités sont ceux avec qui j’ai grandi. Je ne regardais pas la RTS ou sinon, c’était de manière très occasionnelle. Donc, je n’ai pas eu l’occasion de grandir avec des humoristes sénégalais. C’est après que j’ai pu me faire une culture de l’humour sénégalais. Des gens comme Saa Neex sont très drôles. Quand je le regarde sur Youtube, cela me fait mourir de rire. Dans d’autres pays, je peux citer Gohou qui est un monstre de l’humour. Je n’ai pas une culture humoristique sénégalaise très avancée, mais cela ne saurait tarder. Les premières personnes que j’ai vues à la télé et qui m’ont fait rire, c’est Louis de Funès, Jim Carrey, Eddie Murphy qui est très drôle et très complet dans sa manière de jouer la comédie. Mais, c’est vrai que les deux personnes africaines que j’aurais du citer sont mon père et ma mère. Comme je leur rends hommage dans mon spectacle, je n’avais pas besoin de le dire.

Vous êtes français ou sénégalais ?

Les deux. Je suis né en France. J’ai grandi en France. J’ai appris en France et j’ai la chance d’avoir des parents sénégalais. Je parlais sénégalais à la maison, j’y mangeais sénégalais. Je me suis fait frapper à la Sénégalaise. On m’a puni à la Sénégalaise. J’en suis très fier. Je ne peux pas choisir entre le Sénégal et la France. Dire que je suis sénégalais ou français, ce serait mentir, hypocrite. Je suis les deux et j’en suis très fier.

En 7 ans, vous avez pu vous faire une place au soleil, alors que la scène française du stand-up est assez saturée. Cela vous a-t-il surpris ?

Non ! Parce que nous les Africains sommes habitués au soleil (rire). Bien sûr que cela m’a surpris, même si cela me fait énormément plaisir. Comme on dit : c’est Dieu qui donne. Le fait d’arriver ici aujourd’hui et d’avoir la chance de venir au Sénégal, c’est extraordinaire. Je le vis, mais je n’y crois pas encore. Quand je commençais à faire des vidéos, jamais je ne m’attendais à intégrer une série. Jamais je ne m’attendais à venir jouer un jour au Sénégal, vraiment, et faire la fierté de toute la famille, parce que j’ai toute ma famille ici. C’est vraiment un rêve de gosse : vivre de sa passion et rencontrer le maximum de public partout dans le monde. Mais je vais quand même essayer de ne pas trop m’approcher du soleil pour ne pas cramer.

Vous êtes passé des vidéos à la scène avec beaucoup de succès, comment vivez-vous cela ?

Je le vis avec le sourire, avec plein d’amour, plein de générosité, celle que le public m’apporte au quotidien. C’est cela qui m’a amené aujourd’hui à revenir à Dakar pour jouer pour mon spectacle en entier. Cela fait une dizaine d’années que je ne suis pas revenu au Sénégal. Le faire et pour jouer en entier mon spectacle est un cadeau extraordinaire que me fait le public. Je suis hyper passionné et j’ai toujours rêvé de venir à Dakar. Là, j’ai très envie de rencontrer le public sénégalais.

Un rêve qui se concrétise aujourd’hui, comment vous sentez-vous ?

Je trépigne d’impatience. C’est la première fois que je me produis ici. La dernière fois que j’ai fait rigoler des personnes ici, j’avais 5 ou 6 ans. Je jouais avec des chèvres. Elles me couraient après et c’était assez compliqué. J’espère que ça le sera moins cette fois-ci (rire). Mais j’ai très hâte de découvrir la scène sénégalaise. Je sais qu’il y a un public très nombreux qui m’attend ici. Je le vois à travers les réseaux sociaux. On se suit. Je suis vraiment un peu anxieux. Je ne sais pas à quoi m’attendre, parce que j’ai toujours envie de satisfaire le public du mieux que je peux. Je ne peux vous dire qu’une chose, c’est que ce sera quelque chose d’exceptionnel.

L’humour français est différent de l’humour sénégalais. Avez-vous essayé d’adapter votre spectacle au public sénégalais ?

Oui et non. Je pars du principe que le public qui me suit à travers les réseaux sociaux sait ce que je fais en France, connaît mon humour, etc. J’ai intégré quand même, cela fait partie de moi, des choses du Sénégal dans le spectacle, à travers mes parents par exemple. Mais je n’ai pas essayé de changer complètement le spectacle. Je vais y aller avec ce que les gens aiment chez moi, c’est-à-dire ma simplicité, ma générosité et l’envie de bien faire. Je pense que cela va bien se passer. Dinaa ci yokk ay safsafal. Cela fera partie de l’improvisation. Aussi, mon appartenance à une double culture se sent dans mes spectacles. Quand on vient me voir sur scène, on sent que j’ai grandi avec des parents qui sont venus en France et qui ont leur identité. Après, je ne dis pas : oui je suis noir, regardez-moi, etc. Je n’ai pas besoin de le crier sur les toits.

Vous parlez beaucoup de vos parents. Est-il vrai que votre grand-père vous a demandé de parler de lui dans vos sketchs ?

Ah ! Tout ce qui est dans mes spectacles, je ne dis pas ce qui est vrai et ce qui est faux.

Mais parler de lui qui était un ancien combattant, est-ce votre façon de vous engager dans la revalorisation de leurs pensions ?

Non, ce n’est pas une manière pour moi de m’engager. Moi, je suis quelqu’un de très simple et je fais les choses avec le cœur. Si j’ai parlé de mon grand-père dans ce spectacle ou de ce grand-père-là, c’est pour leur rendre hommage, parce que si on peut aujourd’hui être en France, être respecté et être là où on est, c’est parce qu’il y a des gens qui se sont battus à une certaine époque, qui ont fait couler leur sang, qui ont perdu des frères, des amis, de la famille. C’était important pour moi de leur rendre hommage de manière tout à fait naturelle et simple. Ceux qui ont vu le spectacle (ndlr Ahmed Sylla avec un grand A) savent que le grand-père n’est pas aigri. Il n’est pas énervé et n’a pas de rancœur envers la France. Et c’est ça le plus important. Il faut se servir de son passé pour viser le futur. C’est le plus important, plus intelligent.

Vous avez presté hier soir (ndlr jeudi soir) au Marrakech du rire, après un premier accueil plus que chaleureux en 2016. Comment s’est passé le spectacle cette fois ?

C’était quelque chose de grandiose. J’ai eu Jamel au téléphone, juste avant de prendre l’avion pour venir au Sénégal et je lui ai dit : ‘’Merci de m’avoir fait ce cadeau de revenir à Marrakech et de jouer mon spectacle en entier.’’ Le public marocain est très chaleureux, connaisseur et aime bien rire. Cela s’est super bien passé. On a fait 2 heures de spectacle. On a fait des improvisations en pagaille. Je suis sorti très fatigué, mais très content de ce que j’ai fait là-bas. J’avais tout de même hâte d’arriver ici. Dans ma tête, j’étais à Dakar, même si je jouais avec les Marocains. Dakar rekk. Quand on met un pied au Sénégal, on n’a plus envie de rentrer. Mais moi, il me faut retourner en France, parce qu’il y a des choses qui m’y attendent. Mais c’est sûr que je vais venir plus souvent.

Après Marrakech et Dakar, y a-t-il d’autres capitales africaines au programme ?

Non, la tournée africaine se termine à Dakar. Ce spectacle, on est à la fin de la tournée. On finit en France, après quelques dates, à l’Olympia à Paris. Donc, c’était important pour nous de passer à Dakar avant. J’avais vraiment à cœur de venir jouer dans mon pays d’origine. J’y ai mes racines, même si je ne connais pas très très bien le pays. Mais je le connais à travers mes parents. Je parle la langue (ndlr wolof). Donc, j’avais besoin de ressentir l’accueil d’ici, la chaleur et la générosité sénégalais. C’est comme le ‘’ataya’’ (ndlr thé à la Sénégalaise) ; on le monte très haut avec la mousse. Le ‘’lëwël’’ est amer, mais le deuxième ‘’moo guënë neex’’. On organisera une grosse tournée africaine. Si ce n’est pas avec ce spectacle-là, ce sera avec la prochaine. Ce qu’on a fait là, c’est de manière un peu précipitée. On a fait du mieux que l’on pouvait.

Y a-t-il des sujets que vous vous interdisez d’aborder sur scène ?

Je m’interdis tous les sujets qui peuvent gêner ma mère. Je pars du principe que je veux que ma mère vienne à tous mes spectacles et qu’elle en ressorte fière de moi. Là, je ne parle pas de sujets qui peuvent la gêner, mais je ne m’interdis rien à partir du moment où c’est drôle.

Qu’est-ce qui pourrait la gêner ?

‘Aahh ! Yaw tamiit !’ tu sais. J’évite les gros mots. J’en dis dans mes spectacles, mais c’est justifié. Mais pas de gros mots forts. Douma saaga ndey, saaga ndey baaxul (ndlr il n’est pas bien d’insulter, en langue wolof).

Est-ce le même spectacle qui sera joué vendredi et samedi ?

Exactement, il y avait une forte demande et on ne pouvait pas satisfaire tout le monde. Donc, le seul moyen était de rajouter une date. On essaie ainsi de faire profiter le maximum de public sénégalais. C’est pour ce public que je viens en premier ici. Je veux en profiter au maximum. Je ne voulais pas faire de déçus, même si je sais qu’il y en aura. Tout le monde ne peut pas venir. Mais j’avais envie de faire le maximum et c’était de faire deux dates. 

BIGUE BOB

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