Publié le 22 Jan 2015 - 05:30
ALAIN GIRESSE, CHEIKHOU KOUYATE ET GANA GUEYE

‘’On ne doit pas calculer les autres’’

 

La Tanière est loin d’être euphorique au lendemain de sa belle victoire sur le Ghana (2-1 ; 1ère j. CAN). Dans cette interview croisée, le sélectionneur Alain Giresse, les milieux de terrain Idrissa Gana Guèye et Cheikhou Kouyaté se disent concentrés sur le prochain match contre l’Afrique du Sud.

 

Après cette victoire contre le Ghana, comment vous entrevoyez le match prochain face à l’Afrique du Sud ?

Alain Giresse : Ce qui en ressort, c’est fatalement la victoire au terme d’un match qu’on a mis du temps à démarrer, surtout en première mi-temps. La seconde, plus conforme à la production qu’on a montrée lors des éliminatoires, a fini sur cette victoire qui est dans l’ensemble logique, puisque ce qu’a démontré l’équipe ne laisse aucune équivoque quant à l’issue du match. Donc, c’est un bon départ ; trois points, c’est mieux qu’un match nul ou une défaite. Mais ça ne garantit pas, dans un groupe aussi compliqué, une qualification.

Comme le Ghana n’est pas éliminé, avec ces équipes-là, ça risque d’être très serré. Je pense que ça le confirme au vu du second match (Algérie-Afrique du Sud). On a découvert notre adversaire. Ce n’est pas une surprise de voir leurs qualités. Ils étaient moins connus que l’Algérie, donc moins exposés parce qu’ils n’étaient pas à la Coupe du monde 2014. Mais ils ont démontré sur le match d’hier qu’ils avaient certaines aptitudes, des qualités certaines telles que leur parcours en éliminatoires. J’avais pu les visionner dans la perspective d’un match dense et intense. C’est ce qu’on est en train de préparer.

Cheikhou Kouyaté : On a suivi l’Afrique du Sud hier (lundi). C’est une équipe qui était bonne physiquement et techniquement. Il leur manquait de l’efficacité devant. Pour moi, ce sera une équipe dure à manipuler. On se concentre sur nous-mêmes. On doit essayer de jouer comme on l’a fait contre le Ghana en deuxième mi-temps.

Gana Guèye : Comme l’a dit Cheikhou, on a vu une très belle équipe de l’Afrique du Sud. Maintenant, on ne doit pas calculer les autres. On doit se concentrer sur notre équipe et sur nos ambitions. On sait qu’on a les qualités pour battre cette équipe. Je dois juste rappeler que rien n’est encore joué car au football, les choses peuvent aller  très vite.  Il faut se remobiliser, et tenter de gagner ce second match pour être tranquille durant le reste de la compétition.

Que savez-vous de l’Afrique du Sud comparativement au Ghana ?

Giresse : Ils ont une capacité de percussion, de vitesse d’exécution, de technicité assez impressionnante. On a vu hier (lundi) que le score était à leur défaveur mais on voit bien que l’Algérie n’a pas marqué beaucoup sur les buts qu’ils (les Sud-africains) ont encaissés. Ils ont raté un penalty pour un (2-0), ils ont eu des occasions qu’ils n’ont pas pu concrétiser, peut-être dû à un manque d’expérience. Mais en tout cas, c’est une équipe qui des qualités offensives certaines.

On a vu depuis quelque temps que le Sénégal monte en puissance mais a du mal à rentrer dans ces matches. Est-ce que vous partagez ce constat ?

Giresse : (Rire) Non, c’est pourquoi je souris. Parce qu’il y a quelque temps, c’était l’inverse, on avait du mal à finir ; maintenant, on a du mal à démarrer (rire)… Lors du match d’hier (lundi), l’Algérie avait bien débuté mais l’Afrique du Sud avait mieux fini la mi-temps. On est sur un terrain neutre, on n’a pas les dispositions de match à domicile ou à l’extérieur, avec tout ce que cela implique comme attitudes psychologiques qui viennent un peu modifier les données.

On est sur un terrain où deux équipes ne se rencontrent pas en aller-retour mais sur un seul match. Donc, les deux ont envie de jouer, il y a des temps. Ça s’est passé comme ça hier (lundi). Ce n’est pas ce qu’on souhaitait de démarrer comme ça la première mi-temps. L’important, c’est qu’on a eu la capacité de réagir, de se mettre en ordre de marche, de retrouver le jeu tel qu’on est capable de le produire.

Vous avez dit que c’est le mental qui vous a permis de gagner…

Ce n’est pas le mental. Celui-ci est un élément qui est intervenu, mais pas tellement pour redynamiser d’un coup un joueur. Il faut leur faire comprendre à la mi-temps, après avoir été mené (1-0), que le match n’était pas perdu, qu’on était capable de faire en 45 minutes ce qu’ils ont fait. C’est donc de re-convaincre les joueurs pour cela. Ensuite, vous me demandez l’état d’esprit ? Tout le monde va bien, dans la sérénité, la tranquillité. On ne va pas jouer le match avant qu’il n’arrive. On se prépare calmement à cela. Une compétition se gagne aussi sur le terrain et en dehors. C’est cet élément qu’on est en train de maîtriser puisqu’on est entre deux matches.

Au lendemain de cette victoire sur le Ghana, sur quoi est axée la séance d’entraînement ?

Vous l’avez vu, il y avait deux groupes constitués entre ceux qui ont joué et ceux qui n’ont pas joué. Les premiers sont dans la récupération, les seconds dans le travail avec consistance pour maintenir leur état physique. C’est l’exercice le plus délicat, d’entraîner ceux qui ne jouent pas, mais nécessaire et indispensable.

Au-delà du bilan comptable, qu’est-ce que cette victoire peut vous rapporter ?

C’est ce que je disais tout à l’heure. Ce qui fait le jeu de l’équipe, ce qu’elle est capable de démontrer, c’est qu’on peut être perturbé tout d’un coup à la mi-temps en se disant : tiens ! mais ça ne fonctionne pas comme ça a été le cas jusqu'à présent. C’est bien de voir que tout de suite, tout est rentré dans l’ordre. Au football, il faut être très prudent et très vigilant. Un équilibre est toujours fragile à maintenir. On a apprécié et maintenant on est orienté sur la préparation de l’autre match.  

Christian Gourcuff, à l’issue du match (contre l’Afrique du Sud), a avoué que ses joueurs sont venus le voir au bout d’une heure (62e) pour lui dire qu’ils étaient vraiment cuits. Visiblement, ils ont du mal à supporter les conditions climatiques. Qu’en est-il des vôtres ?

Non ! Ce n’est pas un problème de climat que nous avons eu. Je n’ai jamais évoqué cela. Et pourtant, on a joué à 17h et l’Algérie à 20h. Ce n’est pas l’élément que j’ai retenu pour notre prestation.

Donc, la récupération entre les deux matches n’est pas quelque chose d’aussi important ?

La récupération est primordiale. Entre deux matches, si vous ne récupérez pas, ça devient problématique puisque les efforts vont se renouveler. Et on est dans le cadre de matches de haut niveau à livrer à chaque fois.

Vendredi, vous rencontrez l’Afrique du Sud, une bête blessée (vaincue par l’Algérie, 3-1). Comment aborder ce genre de match ?

Il n’y a aucune équipe qui va se laisser faire. On sait que c’est une bonne équipe. Il faudra aborder ce match par rapport aux qualités de cette équipe. On mettra en place notre jeu selon la perspective qui nous attend.

Contre le Ghana, on a vu un match à deux visages. Une première partie ou le Sénégal a eu du mal à entrer dans la partie avec trois défenseurs. Est-ce que l’un exclut l’autre ?

Il ne faut pas mettre cela sur le plan tactique même s’il y a eu un changement à la mi-temps. C’est une manière de faire savoir aux joueurs qu’il se passe quelque chose et de les faire réagir. Il fallait s’adapter. C’est un système (3-5-2) qui nous a déjà réussi. Donc, il n’est pas complètement éliminé. 

Les éliminatoires et ce que l’Afrique du Sud a montré contre l’Algérie vous réconfortent dans l’idée que c’est une équipe dangereuse ?

Par rapport à ce que j’ai visionné sur l’Afrique du Sud, je n’ai eu que la confirmation hier (lundi). Lors des 15 premières minutes, je me suis dit : tiens ! cette équipe sud africaine n’est pas la même. C’est le seul moment où j’ai eu du mal à retrouver tout ce qu’elle a démontré durant les qualifications. On est informé de ce qu’elle est capable de produire. C’est du haut niveau.

On vous a vu sauter à la fin du match contre le Ghana. Ce qui n’arrive pas souvent. Pourquoi une telle réaction ?

J’ai sauté ? Je n’en avais même pas conscience. Vous savez, il y a des choses qu’on fait sans s’en rendre compte. Les moments de joie, on ne les programme pas. J’ai sauté. Voilà !

Cheikhou et Gana. Vous avez parcouru plus de 10 km lors de cette partie. Est-ce à dire que vous avez su dompter les conditions climatiques à Mongomo marquées par une forte humidité?

Cheikhou : Le staff médical  a fait du bon boulot et le coach a beaucoup insisté sur la récupération. Même si en première mi-temps on a un peu souffert de ces conditions climatiques, il y a eu du mieux en deuxième période et on était plus en jambe. Ce qui nous a  permis de mieux finir la partie. Par ailleurs, je dois avouer qu’on y a laissé beaucoup d’énergie. Maintenant, il s’agit de bien se reposer, dans l’optique du prochain match contre les ‘’Bafana Bafana’’, qui  sera loin d’être une partie de plaisir.

Gana : C’est vrai qu’il faisait chaud et que le climat était lourd. Les deux équipes ont souffert de ces conditions climatiques, puisque nous n’avons eu que deux jours pour nous acclimater. L’essentiel, ça a été de bien réagir pour finir sur une victoire.

‘’A la veille du match, je n’ai pas pu dormir avant 5 heures du matin’’

Beaucoup de vos partenaires ont avoué avoir ressenti une sorte de pression particulière à l’entame de leur premier match en CAN. Vous en tant que novices, comment avez-vous réussi  à gérer cela ?

Cheikhou : Cet argument pression particulière n’entre aucunement en compte pour des professionnels comme nous qui avons l’habitude de jouer des matchs à enjeux. Notre souci majeur, lors de cette première période, a été le fait que les Ghanéens nous ont proposé un bloc très solide et réussi à couper notre relation défense-milieu. Cette tactique nous a fait déjouer. Mais dès qu’on a réussi à rétablir ce lien, on a pu poser notre jeu et mettre à mal leur défense. Par contre,  Il faut juste espérer que ce passage à vide ne se reproduise pas à l’avenir. Dans cette CAN, pour aller loin, on se doit d’avoir un état d’esprit irréprochable de la première à la dernière minute pour se prémunir de fâcheuses surprises à l’avenir.

Gana : C’est vrai, d’une certaine manière, le fait de jouer une première Can pour la plupart des titulaires a dû peser dans l’esprit des novices qui découvrent cette compétition. D’une certaine manière, ça nous a inhibés, parce qu’à l’entame du match, on a trop respecté cette équipe des Black Stars. En deuxième mi-temps, on s’est lâchés car on s’est dit qu’on n’avait plus rien à perdre.

Vous venez d’enregistrer votre première victoire en CAN. Comment avez vu vous vécu  cette événement ?

Cheikhou : Après la victoire, on était tous très heureux. On était tellement dans l’euphorie ! C’est seulement tard dans la nuit qu’on a pu fermer les yeux après avoir un peu fêté ce triomphe. Une belle victoire contre une grande nation. Mais c’est passé, il faut vite oublier et se concentrer sur la prochaine rencontre.

Gana : A la veille du match, il y avait une  pression chez certains joueurs. Pour ma part, je n’ai pas pu dormir avant 5 heures du matin.  J’ai dû attendre la sieste  pour récupérer mes heures de sommeil perdues. Mais le jour du match,  une fois sur le terrain, on s’est dit que c’était un match et qu’il fallait se donner à fond pour remporter la victoire.

 

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