Publié le 13 Mar 2015 - 22:14
AUTOUR DE LA ‘’TABLE DE LA PRESSE’’

Quand Baïdy Agne et Mansour Cama égrènent les frustrations du secteur privé national

 

Après le Président Macky Sall au mois de novembre dernier, c’était au tour de chefs de file des deux organisations patronales les plus significatives du Sénégal de se faire inviter autour de la Table de la Presse hier jeudi 12 mars 2015. En présence de journalistes, Mansour Cama et Baïdy Agne ont dressé un tableau pas trop reluisant de la situation globale du Secteur privé  national, dénonçant un déficit de  patriotisme d’entreprise et ne comprenant pas les options mises en avant par l’Etat.

 

‘’Le Privé national a le sentiment d’avoir été bousculé injustement. Il a le sentiment de n’avoir pas été mis dans les meilleures conditions, parfois de compétition. Parfois, on demande juste d’être traités de la même façon’’. La complainte vient de Mansour Cama de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES). Qui cite le secteur des Assurances. C’est notre pays qui donne les agréments pour les assureurs marocains qui, chez eux, ne donnent plus d’agrément depuis 1984. Cela veut dire qu’ils ont pris le temps de construire leur économie avec leurs ressortissants propres et dans tous leurs secteurs. Et donc quand ils décident d’aller à l’export, ils y vont avec des sociétés fortes’’. Dans cette analyse des problèmes du secteur privé, il est vite rejoint par Baïdy Agne, Président du Conseil national du Patronat (CNP).

‘’On ne peut pas confier tous les secteurs stratégiques à des étrangers sous prétexte qu’on n’a pas les capacités et les moyens’’, regrette-t-il, en soulignant dans la même veine que ‘’ce sont des Sénégalais qui font tourner la Sonatel’’. Selon Baïdy Agne, le fétichisme doit cesser car, ‘’une licence, c’est un papier’’. Il y a des pays, poursuit-il, qui décident que le téléphone, c’est stratégique, on ne le donne pas à un étranger. Pourquoi ce n’est pas possible chez nous ?’’ s’interroge-t-il.

Dans cette situation, il n’y a pas à s’étonner qu’il n’y ait pas de milliardaires sénégalais dans le dernier classement Forbes. ‘’Qu’il y ait des Nigérians dans la liste Forbes des milliardaires, ce n’est pas seulement dû au fait que le Nigeria  fait  200 millions d’habitants, c’est aussi dû aux politiques publiques mises en œuvre. Dangote dont tout le monde parle a bénéficié de toutes les protections de son pays pour constituer la fortune qu’on lui connaît. Quand vous allez au Nigeria, il est évident qu’il n’est pas permis à  des étrangers d’avoir dans certains secteurs stratégiques des participations étrangères au-delà de 50%. C’est partout comme cela.’’.

Le secteur privé sénégalais est-il apte à absorber des financements ? Quel est son niveau de crédibilité ? A ces questions, Mansour Cama ne cache pas sa frustration : ‘’Il y a beaucoup de préjugés qui ressortent de ce que nous entendons. J’entends souvent dire : ‘’Ils n’ont pas les  moyens de réaliser.’’ C’est à la limite si on ne reproche pas d’avoir dormi dans nos chambres et de nous réveiller comme cela pour qu’on nous dise : vous êtes des patrons. C’est insolite’’, se défend-il. ‘’Personne ne se soucie de savoir si on a investi, si on a monté des banques et comment on a fait pour monter des sociétés fortes’’. Le patron de la CNES reconnaît du reste qu’il y a ‘’des secteurs où nous sommes organisés et d’autres où nous ne le sommes pas’’, comme c’est le cas dans le domaine des Mines. Le problème, estime-t-il, c’est qu’il est arrivé qu’on trouve des Sénégalais qui sont forts dans un secteur, on les fait sortir pour installer des étrangers. Ensuite, on  demande à ces derniers de donner 20 à 30% aux locaux alors que ce devrait être l’inverse. Sans ‘’jamais dire qu’il fallait fermer la porte  aux  technologies étrangères’’.

Cama prend l’exemple du Maroc pour indiquer que le Sénégal doit toujours être attentif à ses intérêts : ‘’Quand vous vous retrouvez avec des gens qui prennent des positions fortes dans un secteur déterminé, jusqu’à contrôler près de 50% , cela peut être dangereux.’’ Or, poursuit-il, ‘’les Marocains n’ont pas une monnaie convertible’’. La conséquence est que ‘’nous devenons la pompe à devises’’. Aussi n’est-il ‘’pas étonnant qu’après la Banque, ils attaquent l’Assurance, deux secteurs de l’épargne’’. Après cela, construire des maisons ou des tours devient un jeu d’enfant.

Mansour Cama trouve une autre raison de faire plus confiance au secteur privé national. Il révèle que ‘’le résultat d’études crédibles faites dans tous les pays dits émergents montre que le secteur privé étranger ne contribue en moyenne qu’entre 30 et 40% des investissements (…). Cela veut dire que ce sont les nationaux, qu’ils soient visibles ou pas, qui prennent en charge les 60% qui restent’’, renseigne-t-il à la suite de Baïdy Agne pour qui ‘’c’est une affaire de volonté politique’’… 

 

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