Publié le 10 Mar 2015 - 18:07
DR OUSMANE DIEYE, PRESIDENT DU CERCLE DES CARDIOLOGUES PRIVES DU SENEGAL (CECAPS)

‘’L’apnée du sommeil multiplie le risque d’accident vasculaire cérébral’’

 

Méconnue par la population et même par certains acteurs de la santé, l’apnée du sommeil est une maladie dangereuse qui peut entraîner des risques cardiovasculaires. Elle fait ronfler, rend somnolent et fatigué pendant la journée. Son traitement est long. Dans cet entretien, le cardiologue Docteur Ousmane Dièye revient sur cette maladie.

 

Qu’est-ce que l’apnée du sommeil ?

L’Apnée du sommeil est une affection fréquente qui se manifeste par un arrêt involontaire de la respiration pendant le sommeil durant au moins 10 secondes. La forme obstructive la plus fréquente est en rapport avec un collapsus parois du pharynx avec persistance des mouvements du thorax et de l’abdomen. La personne qui souffre de cette affection peut s’arrêter de respirer des centaines de fois la nuit dans la forme sévère, avec des réveils fréquents et un sommeil de mauvaise qualité.

Et qu’est-ce qui cause cette apnée du sommeil ?

Chez l’enfant, la cause majeure est représentée par l’hypertrophie des amygdales, plus rarement par celle des végétations ou la présence de malformation cranio-faciale. Chez l’adulte, lorsque le bilan ORL est normal, il n’existe pas de cause univoque et généralement, on parle de facteurs favorisants parmi lesquels l’âge (30-60 ans) ; le sexe masculin (3 fois plus fréquent chez l’homme avant 60 ans) ; le poids (l’obésité est retrouvée dans 70% des cas) ; le tour du cou (périmètre cervical > 40 cm) ; l’alcool ; les médicaments tels que les Benzodiazépines (BZD) peuvent aggraver le phénomène en baissant l’activité tonique des muscles dilatateurs du pharynx.

Comment se manifeste-t-elle?

La personne qui souffre d’apnée du sommeil est souvent un ronfleur qui se plaint de fatigue le matin et qui a tendance à avoir souvent le sommeil pendant la journée. Le ronflement pratiquement constant (80% des apnéiques) est sonore (pouvant aller jusqu’à 100 décibels) et peut provoquer une plainte du conjoint ou de l’entourage. De même, des arrêts respiratoires nocturnes avec reprise bruyante de la respiration sont fréquemment rapportés par le conjoint ou l’entourage. Le sommeil est ainsi perturbé, fragmenté par ces réveils brusques avec sensation d’étouffement.

La somnolence diurne excessive (envie de dormir la journée) représente le symptôme cardinal à côté du ronflement. Elle est liée à la fragmentation du sommeil et peut gêner l’activité professionnelle, la vie relationnelle et la conduite automobile. Les autres symptômes sont représentés par les maux de tête, la nycturie (urines fréquentes la nuit), les sueurs nocturnes, les troubles de la mémoire, de l’humeur (irritabilité, dépression), les troubles de la sexualité (baisse de la libido voire une impuissance sexuelle). Chez l’enfant, le ronflement nocturne s’associe plutôt à des signes d’hyperactivité (enfant turbulent) pendant la journée pouvant gêner la scolarité (difficulté de concentration, trouble de comportement) jusqu’à l’échec scolaire.

Est-ce qu’elle existe au Sénégal ?

L’apnée du sommeil est un problème de santé publique dans le monde, puisqu’elle concerne 5 à 15% des adultes en population générale. Cette fréquence est en augmentation compte tenu de la présence de l’obésité dans le monde et des autres facteurs de risque de l’apnée du sommeil. La prévalence est encore plus importante dans les maladies cardiovasculaires et métaboliques (le diabète). Au Sénégal, il n’y a pas d’étude en population générale, mais la pratique de la polygraphie ventilatoire a permis de diagnostiquer plusieurs cas.

Y-a-t-il des risques énormes liées à cette maladie ?

Chez l’enfant, l’échec scolaire résulte de difficulté de concentration, d’apprentissage, de mémorisation et de troubles de comportement. L’hormone de croissance étant produite pendant le sommeil, cette affection peut ralentir la croissance de l’enfant. Chez l’adulte, à court terme, le taux d’accident de voiture est 7 fois plus élevé chez les patients apnéiques, les accidents du travail et les baisses de performance sont majorés (8 fois). A long terme, (> 10 ans), les conséquences cardiovasculaires et métaboliques menacent la vie du patient apnéique. L’Apnée du sommeil est un facteur de développement du diabète et est fréquemment associé aux facteurs du risque cardiovasculaire. Elle multiplie, par rapport à une population de sujets normaux du même âge, le risque d’hypertension artérielle (2 fois), le risque de maladie coronaire (3 fois), le risque d’accident vasculaire cérébral (4 fois). Elle est également associée, 7 fois sur 10, à l’obésité et à l’insuffisance cardiaque.

Et comment se fait son traitement ?

L’Apnée du sommeil est une maladie chronique et nécessite par conséquent un traitement au long cours. Il n’y a pas de traitement médicamenteux dont l’efficacité ait été prouvée. Le traitement de référence reste la PPC (Pression Positive Continue) nasale pendant le sommeil dans les formes modérées à sévères. Il s’agit d’un appareil qui agit comme une attelle pneumatique pharyngée qui envoie de l’air sous pression pour maintenir les voies aériennes perméables. Il est important de respecter les mesures hygiéno-diététiques, quelle que soit la sévérité de l’apnée du sommeil (position latérale pendant le sommeil, amaigrissement des patients obèses, éviction de l’alcool, du tabac et des médicaments somnifères tels que les benzodiazépines (BZD). Les alternatives à la PPC sont représentées par une prothèse buccale (orthèse d’avancée mandibulaire) et plus rarement la chirurgie (ablation des végétations adénoïdes et volumineuses amygdales chez l’enfant) dont la place est discutée et en évaluation chez l’adulte.

VIVIANE DIATTA

 
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