Publié le 1 May 2015 - 09:00
FETE DU PREMIER MAI A L’OREE D’UNE ANNEE BLANCHE

 L’Etat et les Syndicats d’enseignants dos au mur

 

Demain, à l’heure du dépôt des cahiers de doléances, le Président décidera. Lui, le seul qui aujourd’hui est en mesure de prendre les décisions qui sauveront l’école publique d’une année blanche. Les négociations sont aujourd’hui dans l’impasse et les positions inconciliables. La position du chef de l’Etat sera donc décisive dans la suite du bras de fer entre le gouvernement et les  enseignants.  

 

Demain vendredi, ce sera le premier mai, fête du travail. Le président de la République va recevoir les cahiers de doléances des travailleurs dans un contexte particulier. Dans les syndicats de base du secteur de l’éducation, il est sans doute plus juste de parler de la fête des grévistes. En effet, depuis plus de deux mois maintenant, les organisations syndicales de l’éducation tiennent le pays en haleine. Tous réclament la même chose : le respect du protocole d’accord du 17 février 2014. De l’attitude du chef de l’Etat Maky Sall dépendra sans doute la suite de ces mouvements. Le 1er mai est donc une journée décisive.

Aujourd’hui, l’école doit être admise aux urgences pour éviter une année blanche. Mais les enseignants n’en ont cure. Ils campent sur leur position et tiennent le gouvernement responsable de tout ce qui arrivera. Quant au gouvernement, sa responsabilité consiste à n’avoir pas prodigué au malade les soins nécessaires quand il le fallait.

Joint par téléphone hier, le secrétaire général du CUSEMS Abdoulaye Ndoye déclare que lui et les siens ont alerté depuis très longtemps, mais que le gouvernement n’a pas eu une démarche préventive. En guise d’exemple, M. Ndoye révèle que les autorités ont géré 3 500 dossiers des enseignants en une quinzaine de jours, avec une opération coup de poing. Cette initiative a été plutôt perçue de la part du syndicaliste Ndoye comme la preuve parfaite de la mauvaise volonté du gouvernement. Car il ne comprend pas que des enseignants courent pendant des années derrière des actes et qu’en 15 jours, 3 500 parmi eux soient traités parce que tout simplement la situation est critique.

Qu’à cela ne tienne, le gouvernement pense avoir suffisamment montré son engagement et qu’il ne peut plus rien faire. En attendant, il s’accroche dans une étude sur le régime salarial et indemnitaire dans la Fonction publique. Le ministre de la Bonne gouvernance écrit dans sa page Facebook : “Les techniciens du Ministère des Finances estiment qu'une augmentation à 100 mille F CFA (des indemnités de logement), aurait porté les sommes globalement payées tous les ans à tous les bénéficiaires de cette indemnité, à 96 milliards de F CFA. L'Etat a sûrement raison de refuser de céder sur cette question. La sauvegarde des grands équilibres macro-économiques imposent la position des autorités.” Il faut noter  cependant que le coordonnateur du Grand cadre Mamadou Lamine Dianté a rejeté le chiffre de 100 000 F. Invité hier dans le 20h de la TFM, il a affirmé que les enseignants demandent une augmentation mais n’ont jamais avancé de chiffre.

Salaire : 90 000 F CFA ponctionnés sur 150 000

Dans ce combat Etat-enseignant, l’autorité a d’abord opté pour une stratégie de l’apaisement. Le sens patriotique des enseignants a été sollicité, notamment par le président de la République Macky Sall. Mais ça n’a mené à rien. Puis, le gouvernement a voulu installer une passerelle au-dessus des responsables syndicaux pour accéder aux militants. Le ministre de l’Education nationale Serigne Mbaye Thiam a été le premier à appeler directement les enseignants, ‘’indépendamment aux syndicats auxquels ils appartiennent’’. Depuis quelques jours, ça a été le tour du ministre de la Fonction publique Viviane Laure Elisabeth Bampassy d’emboucher la même trompette. Mais là également, la tactique n’a pas prospéré.

Au sortir de la rencontre d’avant-hier, le ton est monté d’un cran.  Tous ceux qui ont entendu le ministre de la Fonction publique ont perçu dans ses propos une nervosité manifeste. ‘’Le gouvernement prendra toutes ses responsabilités et nous pensons qu’il est temps que chacun prenne ses responsabilités’’, a martelé le ministre qui, par ailleurs, n’a pas manqué de rappeler que l’éducation des enfants est du devoir de l’Etat. Elle sera par la suite l’invitée de l’édition de 23h de la RTS, puis en wolof à la fin du journal pour revenir sur la question. Et comme pour montrer que la récréation est terminée, le gouvernement a ponctionné et parfois même fortement les salaires des grévistes.

L’ancien ministre de l’Education Kalidou Diallo, qui est intervenu hier sur la RFM, a donné l’exemple d’un enseignant qui a 150 000 F de salaire et dont la paie a été ponctionnée de 90 000 F. Ce qui en soi est une violation de la loi qui veut qu’on ne puisse pas aller au-delà du tiers du salaire. Le gouvernement a promis de se rectifier sur ce point, afin de se conformer à la loi. Les victimes de l’abus vont donc recouvrer leur dû. Pourtant, un membre du gouvernement, en l’occurrence Abdou Latif Coulibaly, a préconisé toujours sur sa page Facebook que l’autorité ‘’ordonne le non-paiement des salaires pour tous ceux qui ont cessé de travailler depuis plus de deux mois’’.

A son tour, Mamadou Lamine Dianté a tout rejeté sur le gouvernement. Il accuse la partie étatique d’avoir quitté la table de négociation, après avoir voulu leur imposer la levée du mot d’ordre de grève. A l’entendre parler, la fin de la grève n’est pas pour demain. Les différentes invites n’y font rien. Le dialogue de sourds est donc bien réel. Les esprits se sont aussi échauffés dans une partie comme dans l’autre. Reste le président de la République qui est censé être au-dessus de la mêlée et à qui tout revient. Sa position déterminera sans doute l’évolution de la situation. Ce sera alors, soit le retour prochain dans les classes. Soit une année blanche. Le scénario catastrophe !

BABACAR WILLANE

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