Publié le 3 Dec 2018 - 21:39
FOOT - MARSEILLE-REIMS

Edouard Mendé, et Mercé

 

Il y a trois ans, un gardien anonyme débarquait à Marseille pour renforcer la réserve de l'OM. Ce dimanche soir, Edouard Mendy revient au Vélodrome dans la peau d'un titulaire en Ligue 1 avec le Stade de Reims.

 

« Je ne sais plus quel gardien disait ça : "Un an à Marseille, c’est comme passer deux ans n’importe où dans le foot." Et honnêtement, l’année que j’ai perdue en étant au Havre, j’ai l’impression de l’avoir regagnée en étant à Marseille. » Il y a un peu plus de trois ans, Edouard Mendy se retrouvait sans club à 23 ans, à deux doigts d’abandonner l’idée de devenir footballeur professionnel. Mais aujourd’hui, le voilà gardien titulaire d’un club de Ligue 1, le Stade de Reims. Et ce dimanche, à 17h, il est de retour sur la Canebière, là où il a recommencé à croire en lui et en son destin. Un tournant dans une carrière qui l’a mené là où il en est aujourd’hui. Alors autant dire que ce match aura un goût tout particulier pour le portier formé au Havre.

Les galères en CFA

Lorsqu’il débarque en 2011 à Cherbourg en CFA, Edouard Mendy attend encore son heure. À 19 ans, il se retrouve pour la première fois loin de sa famille. Livré à lui-même, loin d’avoir les habitudes d’un footballeur qui aspire à devenir professionnel, il est « tout seul avec ses McDo » . Heureusement, après un an à se chercher, il se lie d’amitié avec une bonne partie du vestiaire de Cherbourg, composé en partie de jeunes déracinés comme lui. « La plupart d’entre nous étions célibataires, on vivait seuls et on ne connaissait pas grand monde à Cherbourg. Alors, on restait énormément ensemble, entre soirées Playstation, cinémas et restaurants. On est devenu un petit groupe d’amis assez sympa, on était dans le même délire », se souvient Ted Lavie, arrivé à Cherbourg un an après Edouard.

Ted, de six ans son aîné, ne reste qu’un an Cherbourg, mais a largement le temps de se prendre d’affection pour celui qui le considère comme « son grand frère » de vestiaire. « Il était très à l’écoute. Comme j’avais un peu plus d’expérience que lui dans le milieu, il me demandait beaucoup de conseils, il était très déterminé. Alors, je lui en donnais, sans faire le moralisateur bien sûr » , se souvient l'intéressé. Mais, alors que son ami quitte Cherbourg, Edouard reste un an de plus. Lors de l’été 2014, il est censé lui aussi faire ses bagages pour la troisième division anglaise. Sauf qu'un SMS tombe le 30 août au soir : le poste de gardien qui devait se libérer ne se libérera pas. Il s’est fait entuber par un agent véreux.

Case Pôle Emploi

En fin de contrat à Cherbourg, il se retrouve sans emploi et retourne au Havre pour s’entraîner dans son coin. Un an de chômage, de galère et de doutes. Il songe même à utiliser son bac pro commerce pour se reconvertir. Puis, à ce moment-là, lorsqu'il n’y croit presque plus, son vieil ami Ted Lavie lui tend la main. « On se téléphonait régulièrement pour prendre des nouvelles, parler de tout et de rien. Il m’a expliqué sa situation et à un moment donné, ça a fait tilt, il fallait que je l’aide à sortir de la merde », raconte Lavie.

À cette époque, Dominique Bernatowicz est entraîneur des gardiens à l’OM et cherche un portier pour la réserve. Heureux hasard, il connaît Ted Lavie depuis qu’il a dix ans, lorsqu'il évoluait à Brétigny-sur-Orge, et est resté très proche de son ancien jeune joueur. « C’est même lui qui m’avait aidé à entrer à Bordeaux. Je lui ai expliqué que je connaissais un super mec, grand et avec un très bon jeu au pied. » À partir de là, tout s’enchaîne pour Edouard Mendy. Deux jours après avoir été mis en contact avec Bernatowicz, il doit se rendre à Marseille pour passer un essai. « Je me dis que c’est ma dernière chance. C’est soit Marseille, soit la vie active. » L’essai est concluant. Alors que l’OM était censé voir un dernier gardien en test, le club le rappelle. Il peut venir signer son contrat.

Un an d'apprentissage

Lorsqu’il arrive à Marseille, Edouard Mendy débarque dans un nouveau monde, où Marcelo Bielsa claque sa démission après une journée de championnat, et où tout prend vite une mauvaise tournure. Sous Michel, l’OM vacille et termine treizième du championnat. « C’était vraiment chaud. Je voyais les supporters venir au centre, ils ne rigolaient pas du tout. Ils jetaient des bombes agricoles au-dessus de la Commanderie. Je me souviens aussi que contre les Girondins de Bordeaux, ils avaient tenté d’envahir la tribune présidentielle... » , se souvient, presque amusé, Edouard Mendy. Parce que d’un point de vue personnel, le gardien rémois garde un très bon souvenir de son année à l’OM. Embauché pour la réserve, il s’installe finalement rapidement dans le groupe pro, et se paie même le luxe de faire quelques bancs. Et surtout, il apprend.

D’abord, il retrouve son premier modèle, Steve Mandanda, celui qui a explosé au Havre pendant qu’Edouard faisait ses toutes premières armes au centre de formation normand. « Il m’a apporté pas mal de petites corrections, qui finalement changeaient beaucoup de choses. » Mais finalement, c’est surtout auprès de Yohann Pelé qu’il apprend. Lui aussi, il en a connu des galères. « Il m’a donné énormément de conseils de vie, surtout. De son vécu à lui, il ne voulait pas que je reproduise certaines erreurs qu’il a pu commettre. » Un an à Marseille qui ressemble fortement à un beau stage d’entreprise. Une ligne flatteuse sur le CV qui lui a permis de partir à Reims en Ligue 2 la saison suivante. « Quand je le vois à la télé maintenant, c’est une petite fierté. Il le mérite et je me dis que j’y ai un peu contribué » , sourit Ted Lavie, qui branchera certainement beIN Sport ce dimanche, à dix-sept heures.

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