Publié le 8 Dec 2017 - 21:42
INAUGURATION, PATERNITE ET GESTION AIBD

Macky Sall remet les choses à l’endroit 

 

Hommage à ses prédécesseurs, projet initial ‘‘réattribué’’ à Abdoulaye Wade, intransigeance sur la tenue du nouvel aéroport, le président de la République, Macky Sall, a inauguré hier une nouvelle ère de l’aviation civile.

 

11 h 22. L’instant est solennel, ce 7 décembre 2017, cette Journée internationale où est célébrée, coïncidence sans doute voulue, l’Aviation civile. Le président Macky Sall coupe le ruban et dévoile la plaque où la postérité pourra lire sur ce marbre qu’il a inauguré l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd). Pour marquer le coup, ce sont ses homologues de la Gambie, du Gabon, de la Guinée-Bissau ainsi que le chef du gouvernement de Sao Tomé et Principe qui l’ont accompagné dans l’inauguration de cet aéroport par une simulation de tout le processus d’enregistrement.

Adama Barrow, Ali Bongo Ondimba, José Mario Vaz et Patrice Emery Trovoada ont fait le tour à l’aérogare, à la tour de contrôle, au pavillon présidentiel, avant d’apprécier le ballet aérien des appareils drivés par les pilotes de l’Ecole de l’armée de l’air formation aérienne de Thiès. Blaise Diagne surclasse Léopold Sédar Senghor, le désormais ancien aéroport civil de Dakar, du nom du premier chef de l’Etat sénégalais. D’ailleurs, il est difficile d’ignorer le sceau présidentiel qui a marqué cette cérémonie, avec les hommages appuyés de Macky Sall à son prédécesseur. ‘‘Le président Abdoulaye Wade, à qui je rends hommage, a commencé ce projet pour lequel nous avons travaillé dans son gouvernement’’, a-t-il lancé. De son propre aveu, il y a des étapes symboliques qui ne se reproduisent que rarement dans la vie d’une nation. L’occasion était toute faite pour une mise au point qui vient mettre fin aux tiraillements sur la paternité de ce projet. ‘‘Abdoulaye Wade l’a commencé et nous l’avons continué jusqu’à finition. Mais nous avons dû procéder à quelques redressements. De toute façon, je ne suis pas dans les tiraillements de qui a fait quoi. Les projets d’Etat sont une continuité’’, a-t-il relativisé dans son allocution en wolof.

Une mise au point qui fait chuter la tension que la sortie de la ministre des Transports aériens, Maïmouna Ndoye Seck, a exacerbée au sein de l’opinion. Cette reconnaissance répare également une injustice, puisque tous ceux qui ont précédé le président de la République au micro ont royalement zappé Abdoulaye Wade. A l’image du roi du mbalax Youssou Ndour dont le message a été laconique, après un interlude musical en compagnie des lutteurs fassois : ‘‘Monsieur le Président, You made it happen !’’ (Vous l’avez fait, Monsieur le Président).

Macky Sall : ‘‘Ces conditions ne sont pas négociables’’

La mise au point de Macky Sall concerne également la tenue de ce nouveau bijou. En dehors d’un climat social qu’il veut apaisé, entre l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna) et la tutelle ministérielle (une demande qu’il formulera par deux fois), c’est sur deux paramètres imprescriptibles de l’aviation civile que le chef de l’Etat s’est appesanti : ‘‘La sécurité et la sûreté.’’ Les normes de l’aviation sont exigeantes, ‘‘d’où les exigences d’organisation, de rigueur, de discipline qui doivent, en tout temps et tout lieu, être observées ici. Ces conditions ne sont pas négociables, elles relèvent de conventions internationales auxquelles nous sommes tenus. Elles s’imposent à tous et à toutes. Je suis convaincu, Mme le Ministre, qu’il y aura une application rigoureuse de ces normes pour la sécurité de la navigation aérienne’’, a-t-il exhorté.

Cinq nouveaux aéroports

Côté administratif, le Turc Summa, aujourd’hui associé à Limak et Aibd, va être le nouvel opérateur de cet aéroport à travers la société Limak-Aibd-Summa-Las Sa. D’ailleurs, l’Aibd ne devrait pas être la seule infrastructure aéroportuaire. Le président Sall a fait l’annonce, hier, du démarrage du projet de cinq aéroports régionaux qui ‘‘devraient faire revivre le trafic interne aérien’’. Ainsi, Saint-Louis, Matam, Tambacounda, Kédougou et Ziguinchor seront les prochaines capitales régionales dotées d’un aéroport. ‘‘Le financement est déjà bouclé pour 100 milliards de francs Cfa et le démarrage des travaux pour début 2018’’, a avancé le chef de l’Etat.

Quant au joyau nouvellement inauguré, il va bientôt connaitre les joies d’une flotte aérienne nationale, d’après Macky Sall. ‘‘En attendant la mise en service de deux appareils Airbus 330  Neo dont le contrat d’achat sera signé dans quelques jours, la compagnie Air Sénégal Sa lancera prochainement ses activités avec ses deux Atr 600 turbopropulseur sortis d’usine pour le vol du voisinage et le vol national’’, assure le président. Avec cette compagnie, l’économie va bénéficier des parts de marchés d’un transport aérien qui passera de 2 millions de passagers actuellement à 10 millions en 2035, selon les projections. Les autorités disent avoir développé une vision d’ensemble dans laquelle Aibd sera interconnecté au port de Bargny et à celui de Ndayane, au Ter,  à l’acheminement des fruits et légumes de la zone des Niayes, au chantier de l’autoroute Ila Touba et au tourisme sur la Petite Côte. ‘‘Ce n’est pas la plateforme aéroportuaire seulement, mais un instrument de développement conforme à l’équité territoriale. Aibd n’a pas une vocation extravertie seulement’’.

Ratés

Comme ça se fait pratiquement pour ces rendez-vous grandeur nature, l’organisation n’a pas été au top pour la presse qui a été gentiment invitée à ‘‘dégager’’ le terminal aéroportuaire où seule la Rts a été autorisée à filmer la coupure du ruban. Les réglages sur un écran géant juste à l’entrée de l’aérogare étaient toujours en cours, à l’arrivée des délégations. Dans l’aérogare, l’escalator fonctionnait bien, les panneaux signalétiques brillaient de tout leur clinquant et les boutiques duty-free étaient pratiquement toutes ouvertes. Seules les annonces par haut-parleur d’une speakerine et l’activité aéroportuaire manquaient à l’appel. Une ambiance bon enfant y régnait quand tout le monde a été évacué, excepté les ‘‘acteurs’’ de la  simulation de vol des présidents.

C’est sur le parking, en face de l’aérogare. Vêtu d’un Lacoste, d’un pantalon kaki et d’une paire de baskets, Abdou Kébé est en super avance pour son vol. Alors qu’il doit quitter à 23 h à destination de Madrid, par vol de la Royal Air Maroc, il a préféré parer à toute éventualité, en l’absence d’informations claires sur cette transition Aibd-Ailss. ‘‘Je suis là depuis 9 h et j’attends qu’ils finissent d’inaugurer pour aller à l’espace Informations’’, déclare-t-il. Son Mbour natal n’est pas loin, mais les tergiversations de sa compagnie, qui l’a bel et bien indiqué que son vol est pour Diass, ne l’ont pas rassuré. ‘‘Je veux être sûr de savoir si je dois refaire le trajet jusqu’à Yoff ou si je vais décoller là, sur place’’, s’est-il inquiété. Plus tard dans la journée, le premier avion, celui d’Air Ivoire, a atterri comme prévu. Preuve qu’avec quelques semaines d’exercices, tout devrait bien aller. ‘‘Après tant d’efforts, nous voilà en bout de piste pour le décollage’’, déclare Macky Sall. 

OUSMANE LAYE DIOP

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