Publié le 31 Jan 2018 - 21:11

Le Maire de Dakar cautionne 12 Villas

 

Le dernier round de la bataille de procédure, dans le cadre du procès de Khalifa Sall s’est joué hier. Durant la matinée, la défense et la partie civile se sont livrées à de véritables joutes sur la recevabilité ou non de la procédure. Mieux, la défense a cautionné 12 villas.

 

Les avocats de Khalifa Sall sont déterminés à faire sortir leur client de prison. Après le refus du juge d’instruction de les autoriser à cautionner, hier, ils ont fait une nouvelle offre au juge Malick Lamotte. Me Seydou Diagne a fait savoir au président du tribunal qu’ils ont déposé 12 titres de propriétés avec des rapports d’expertise. ‘’Si les avocats contestent le rapport, nous vous demandons de désigner un expert, car la valeur des immeubles dépasse largement le préjudice de 1,8 milliard CFA allégué’’, a lancé Me Diagne pour répondre à ses confrères de la partie civile qui doutaient de la valeur vénale des immeubles qui ont été proposés devant le juge d’instruction.

Toutefois, le non-respect du règlement de l’Uemoa portant présence de l’avocat, dès l’interpellation, semble être le nœud gordien des débats d’hier. A ce propos, Me Alioune Cissé a demandé le renvoi du dossier devant la Cour de justice de l’Uemoa. ‘’La seule, à ses yeux, apte à interpréter le règlement afin qu’elle explique le sens donné au texte et les sanctions en cas de violation’’. Cela, d’autant que, selon Me Youssoupha Camara, une certaine confusion est entretenue par le parquet et les avocats de l’Etat qui se sont livrés à un jeu de mots, en soutenant tantôt que Khalifa Sall a été ‘’invité’’, tantôt ‘’convié’’.

Et Me Khassimou Touré a déchiré la circulaire prise récemment, en vue d’une application de cette décision communautaire. ‘’Il n’y a ni conflit de lois dans le temps ni dans l’espace, car on est dans l’espace UEMOA. La circulaire prise n’a aucune valeur juridique et il s’agit simplement d’une mesure d’administration et d’interprétation. Etant donné que les lois pénales plus douces ont vocation à rétroagir et que le règlement UEMOA en est une, il ne doit y avoir aucune échappatoire pour son application.

‘’Bouée de sauvetage’’

Ses autres confrères sont également revenus sur ce règlement que Me Baboucar Cissé, conseil de l’Etat, qualifiera ‘’de bouée de sauvetage’’ de la défense. Car, de l’avis de Me Bamba Cissé, c’est un obstacle incontournable. Prenant au mot le procureur de la République, Mes Cissé et Ndèye Fatou Touré considèrent que, même si elle est relative, l’exception portant sur le règlement doit être prise en compte, puisqu’elle a été évoquée par ceux qui en ont intérêt.

La question de l’immunité parlementaire était également au menu. Me Khassimou Touré s’est longuement prononcée là-dessus. Parce qu’à son avis, il existe ‘’un grand fossé’’ entre l’autorisation de levée de l’immunité parlementaire et la levée de ce privilège conféré aux députés. Il a lui aussi relevé que les péripéties de l’ordonnance de renvoi qui ont entouré la levée de l’immunité parlementaire sont illégales, car la qualité de Khalifa Sall n’a pas été définie, aussi bien dans le réquisitoire que dans l’ordonnance de renvoi. Mais pour son confrère Me François Sarr, ‘’l’immunité n’a pas été encore levée, puisque l’Assemblée nationale s’est contentée de donner son autorisation’’.

Rapport de l’IGE

Le rapport de l’Inspection générale d’Etat, qui est à la base des poursuites initiées contres les prévenus, a également été abordé. Me El Hadj Amadou Sall de soutenir que ledit rapport est entré clandestinement dans la procédure, car il devrait être déclassifié par décret pour pouvoir servir de pièce dans le dossier. ‘’Le président de la République est le seul destinataire du rapport de l’IGE et personne n’a le droit de l’utiliser, sinon il commettrait un délit. Ce n’est pas normal qu’il se trouve dans le dossier’’, fulmine-t-il. Fort de ce grief, Me Sall dit avoir déjà des appréhensions en affichant un certain scepticisme quant à la décision qui sera rendue. ‘’Je n’ai pas confiance. Je ne manque pas de confiance, mais la seule confiance qu’on peut avoir, c’est la pertinence et la légitimité de la décision qui sera rendue’’, a-t-il lancé à l’endroit du président Malick Lamotte. Non sans avoir souligné, auparavant, que ‘’la sérénité des débats ne fait pas la pertinence d’une décision de justice, mais, c’est plutôt sa légitimité’’.

Ensuite, il a tenu à justifier ses appréhensions. ‘’Khalifa Sall a eu des relations heurtées avec la Président Macky Sall qui voulait qu’il l’accompagne pour un second mandat. Raison pour laquelle il a reçu un bâton dans les roues avec l’intervention de l’IGE dans sa mairie’’, dénonce-t-il. Saisissant cette opportunité, Me Seydou Diagne a répondu à leurs adversaires, en précisant que la défense n’a jamais demandé la nullité du rapport. En revanche, indique-t-il, ‘’on dénonce une inégalité des armes, car nous n’avons pas tout le rapport, contrairement au parquet’’. Un rapport qui, selon Me Moustapha Ndoye, a été dévoyé par le parquet. Car, selon la robe noire, le document en question ne fait pas état d’infraction, puisque l’IGE a tout simplement demandé l’ouverture d’une information sur les conditions de création de la caisse d’avance. Il s’y ajoute, d’après Me Ndoye, que le juge d’instruction n’a fait qu’instruire à charge alors qu’‘’il n’y a jamais eu de riz et de mil, que l’argent supposé avoir été détourné a été utilisé au titre de dépenses diverses’’.

Pour finir avec les plaidoiries de la défense, Me Amadou Aly Kane s’est livré à un exercice d’explication pour repréciser ses idées. Il estime qu’à partir du moment où une décision de la Cour des comptes n’est pas intervenue pour dire que les comptes ont été entachés d’irrégularités, le juge pénal ne peut prendre aucune décision. ‘’Tout ce qui touche les finances publiques relève du Parquet général de la Cour des comptes, donc, on ne peut dire que j’ai enfoncé mes clients, puisqu’il n’y a aucun délit. Ils sont en détention arbitraire’’, a fulminé Me Kane. Avant de demander au tribunal d’ordonner le sursis à statuer, la mainlevée d’office des mandats de dépôt et l’exécution provisoire. 

FATOU SY

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