Publié le 31 Oct 2018 - 19:47
LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ EN CASAMANCE

Le  Karone compte  sur le potentiel local

 

Même si les îles Karones ne cracheraient pas sur un soutien de l’Etat, elles veulent avant tout s’appuyer sur les énormes potentialités locales, jusqu’ici non exploitées. 

 

Pour atteindre les mystérieuses et mystiques (réputées pour leurs puissants fétiches) îles Karones,  il faut prendre une embarcation (pirogue) et sillonner les innombrables bras de mer qu’entoure une mangrove luxuriante.  Les branches des palétuviers, refuge des huîtres,  s’enfoncent dans l’eau. Dans la commune de Kafountine, dans le département de Bignona, seuls quelques villages  comme Diana, Albadar, Abéné ou encore Kabadio sont sur  la terre ferme.  Dans les îles Karones, la nature est plutôt généreuse. Le potentiel naturel et économique est énorme. Comme l’illustre, à merveille, la réserve ornithologique du village de Kassel. D’où l’idée selon laquelle  l’atmosphère particulière des îles Karones procure toujours de l’émotion et des  frissons pour ceux qui s’y rendent pour la première fois. 

Les Karones,  ‘’Kuloonay’’, peuples de l’eau où le crime de sang est formellement interdit, vivent de la culture de riz et de la pêche. Apparentés aux Diolas, on les retrouve principalement sur la rive droite du fleuve Casamance et dans les îles de l’embouchure, mais aussi en Gambie. Selon le recensement effectué en 2003-2004,  la population des Karones est estimée à 16 000 âmes dont 6 000 vivent en Gambie et 8 000 au Sénégal. Ethnie dite minoritaire, leur dialecte est similaire à celui du village de Mlomp (Blouf),  dans le département de Bignona.

Conscientes  de leurs forces et faiblesses, les populations ont, depuis,  décidé de fondre, dans une même structure, toutes les petites associations qui existaient. D’où la naissance de «Sempé Kalone» (la Force des Karones) au Sénégal et «Kayon Kalone», en Gambie voisine.

Instrument de mobilisation social, de promotion de la paix et outil de lutte contre la pauvreté…

Chaque année, ces deux structures qui, à vrai dire, constituent une seule entité, se retrouvent, soit en Gambie soit au Sénégal,  à l’occasion de journées culturelles et économiques. La 4e édition de  ces rencontres a eu lieu  les 19, 20 et 21 octobre derniers à Kafountine, en présence des autorités politiques, coutumières et administratives locales, ainsi que de nombreux invités en provenance des villages cousins à plaisanterie. Des centaines de membres de cette structure  (hommes, femmes et jeunes) ont répondu présent  à l’appel de l’association, ‘’unique en son genre’’, selon Simon Sambou, membre du comité d’organisation.  Véritable instrument de mobilisation sociale et de solidarité agissante, l’association Sempé Kalone/Kayon Kalone, née en 2004, s’est fixé, au fil des années, d’autres objectifs plus adaptés au contexte du moment.

C’est ainsi que les rencontres des Karones sont devenues des moments de promotion de la paix en Casamance, de partage, d’échanges et de réflexion axés autour de la recherche des voies et moyens devant sortir ce peuple minoritaire de la pauvreté en vue de se lancer résolument vers un développement durable. ‘’Notre objectif, outre le raffermissent des liens de parenté,  est de susciter l’esprit de solidarité et d’entraide dans nos familles’’, indique Paul Habib Sagna, le président de Sempé Kalone. Il s’agit, selon lui, de mettre ensemble leurs forces pour un développement harmonieux de cette partie enclavée de la région de Ziguinchor aux potentialités économiques pourtant énormes, mais sous-exploitées.

L’association, ajoute-t-il, outre la réflexion globale sur la contribution dans la recherche de la paix par le biais du cousinage à plaisanterie avec les villages comme Tendouck, Mlomp et Kabiline (département de Bignona), sensibilise les populations sur les enjeux du développement économique et social, avec un accent particulier sur la sauvegarde et la préservation du patrimoine culturel, de l’éducation de base et de  la gestion des ressources naturelles.

‘’Nous œuvrons aussi pour  l’autonomie alimentaire et financière des communautés, à travers la création de richesses tirées d’entreprises individuelles ou collectives (Gie), d’où les expositions/ventes que nous organisons à chaque rencontre. Expositions qui s’inscrivent en droite ligne de la promotion des produits locaux.  Nous sommes estampillés  ‘producteurs de cannabis (yamba)’. Nous devons nous départir de ce manteau et trouver une alternative à cette activité. Nous comptons sur le soutien de l’Etat, par le biais d’activités génératrices de revenus substantiels (Agrs).  L’association œuvre aussi dans ce sens’’, souligne Paul Habib Sagna.

A en croire cet interlocuteur, Sempé Kalone/Kayon Kalone  se veut un  instrument d’alerte sur les conflits  au sein des communautés,  un forum de réconciliation, de lutte contre la haine et la rancune souvent vectrices de tensions, et, par conséquent, de conflits. 

Outre les festivités, l’association se veut, en somme, un cadre de stabilité, de cohésion sociale,  de lutte contre la pauvreté  en vue d’un développement durable des Karones toujours  éprouvées par l’enclavement, l’accès à l’eau potable et à l’électricité, malgré quelques  efforts consentis par les uns et les autres.

HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)

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