Publié le 10 Mar 2015 - 01:37
PASSAGE DE L’AMBASSADEUR DE FRANCE AU GRAND JURY DE LA RFM

Jean Félix Pagano, les Wade et la subvention sur l’électricité

 

Un non-lieu pour Karim Wade serait étonnant. Les propos sont de l’ambassadeur de la France au Sénégal, Jean Félix Pagano. De la même manière, qu’il y ait une insurrection à l’issue du verdict du procès du fils de Wade serait une autre surprise. Pas autant que ça cependant, si la subvention à l’électricité venait d’être supprimée.

 

Si Abdoulaye Wade avait une liste rouge où il inscrirait les noms de ceux qui ne sont pas ses amis, le nom de Jean Félix Pagano y figurerait certainement. L’ambassadeur français au Sénégal a déclaré hier qu’il ne serait pas surpris que Karim Wade, le fils d’Abdoulaye Wade, soit condamné à l’issue de son procès pour des biens supposés mal acquis. A la question de Mamadou Ibra Kane, présentateur de l’émission ‘’Grand jury’’ de la RFM, de savoir s’il serait surpris de la condamnation de l’ancien ministre d’Etat, le diplomate répond : «Je dirais à l’inverse qu’un non-lieu serait plus étonnant. Ce n’est pas un souhait, mais c’est un sentiment quand on observe le déroulement du procès.»

Et nonobstant la promesse répétée de Wade de mettre le pays dans le chaos si jamais son banquier de fils est condamné, Jean Félix Pagano ne pense pas que le pays puisse connaître une crise. Il estime plutôt qu’il pourrait y avoir des partisans de Karim et de son père qui manifestent leur désapprobation. Mais de là à installer le pays dans une situation d’insurrection, non. «Des troubles avec des milliers de gens dans la rue et un pays à feu et à sang, je n’y crois pas», tempère-t-il.

Toujours sur ce même dossier Karim Wade, le diplomate a fait savoir que la coopération judiciaire entre le Sénégal et la France a bien fonctionné, contrairement à ce qu’on dit. Il y a eu bien échanges d’informations entre les ministères de la justice des deux pays. «La coopération a cessé à partir du moment où l’instruction a été close au Sénégal». Cela parce que, explique-t-il, toute autre pièce qui sortirait des enquêtes menées en France serait nulle dès l’instant que le dossier est transmis au parquet.  «C’est le droit qui fonctionne comme ça.

L’autre point qui concerne toujours Abdoulaye Wade est lié à sa récente sortie dans laquelle il a qualifié le président Macky Sall de descendant d’esclaves et d’anthropophage. L’ambassadeur estime que par ces propos, l’ancien chef de l’Etat a «ramené le débat politique au niveau zéro, et même au dessous de zéro». Il se dit triste car cette déclaration n’est pas conforme de l’image du pays. N’empêche, ce n’est pas ce qu’il y a de plus grave aux yeux de l’ancien représentant de Laurent Fabius (ministre français des Affaires étrangères) au Sahel. «Ce qui est plus grave, c’est l’appel à l’insurrection, à la désobéissance civile, l’invite lancée aux Forces Armées.»

C’est une drôle de façon de saisir les diplomates

Le dernier aspect relatif à Wade est son courrier adressé aux représentations diplomatiques. Celle de la France particulièrement, son patron trouve que ‘’c’est une drôle de façon de saisir’’ les ambassadeurs. «Nous l’avons lu d’abord dans la presse. Nous l’avons reçu presque une semaine après.» Pour cette raison, il n’a pas jugé nécessaire de répondre à la correspondance du chef de l’opposition, par ailleurs secrétaire général du parti démocratique sénégalais Pds.

A propos de l’économie, l’ambassadeur est presque sur la même ligne que les institutions de Bretton Woods. Il est lui aussi favorable à la suppression de la subvention sur l’électricité, même s’il ne l’envisage pas à court terme du fait de ses possibles conséquences sociales et même politiques. «Les subventions ont un effet négatif sur l’économie. Elles font peser un poids énorme sur le budget sans créer de la richesse. Cela ne veut pas dire qu’il faille supprimer brutalement». Et pour donner crédit à ce qu’il avance, il n’a pas oublié de préciser que le ratio de la dette sur le PIB a tendance à s’accroître et mérite d’être surveillé.

Même si l’ambassadeur de la France au Sénégal a voulu faire preuve de prudence, il s’est quand même exprimé avec aisance sur les questions politiques au Sénégal. Ce qui ne semble pas être le cas sur ce qui ressemble à un pacte franco-français entre Orange, Eiffage et Total et cela, au détriment de la concurrence. Jean Félix Pagano n’a pas trouvé une meilleure explication, si ce n’est de dire que «c’est un sujet microscopique».

Il a estimé qu’en attribuant la station-service sur l’autoroute à péage à Total, l’entreprise de BTP française a choisi sans doute le partenaire qui a présenté la meilleure offre. «Ils sont des hommes d’affaires. Ils ne sont pas des poètes.» A son avis, ce marché attribué à Total ne doit pas faire l’objet de soupçons, car l’entreprise de distribution des hydrocarbures n’est pas n’importe laquelle mais plutôt la meilleure dans son domaine au Sénégal. Peut-être faut-il lui rappeler qu’Eiffage a retenu des critères internationaux pour une autoroute qui n’est fréquentée majoritairement que par des véhicules sénégalais.

Par ailleurs, le diplomate a confirmé  ce que d’aucuns avaient constaté et même dénoncé : le retour en force des entreprises françaises à la faveur de l’arrivée de Macky Sall au pouvoir. M. Pagano a fait savoir que les entreprises françaises sont les bienvenues. Elles sont même «souhaités et bienvenues dans une vision prioritaire». Bolloré et Nécotrans en sont une preuve !

BABACAR WILLANE

Section: