Publié le 31 Aug 2018 - 12:29
PLUIES A DAKAR

Grand-Yoff renoue avec ses cauchemars

 

La pluie n’est pas sans conséquence dans beaucoup de localités à Dakar. A Grand-Yoff, les inondations restent, comme d’habitude, un véritable casse-tête pour les populations.

 

Le ciel est sombre. La pluie s’annonce. L’angoisse se lit sur la plupart des visages des populations de Grand-Yoff. Après la pluie, c’est le mauvais temps. Flaques d’eau, rues boueuses, égouts à ciel ouvert, tel est le spectacle auquel on assiste après les averses qui se sont abattues sur Dakar dans la nuit du mercredi 29 au jeudi 30 août 2018. Cela n’est pas une surprise. C’est devenu une habitude pour les populations de cette commune de 66 sous-quartiers.

 Les inondations affectent tous les ans cette localité. A quelques encablures de la grande mosquée de Grand-Yoff, qui est en construction, les familles essaient d’évacuer l’eau tant bien que mal. Pelle en main, vêtu d’un short, un tee-shirt gris, Modou tente de se débarrasser de la gadoue qui s’est accumulée devant sa maison. Il est assisté par ses frères qui essayent de réfectionner la porte d’entrée en métal. Ils ont passé une longue nuit qu’ils ne sont pas près d’oublier.  ‘’Depuis le début de la pluie aux environs de 1h du matin, nous n’avons pu dormir à cause de l’eau qui a pris de plus en plus de la hauteur’’, se plaint-il. A l’intérieur, l’enclos des moutons, submergé par les eaux, a été vidé. Les plus jeunes s’adonnent aux tâches ménagères. Les femmes sortent leurs habits pour profiter de l’accalmie, mais aucun espoir de les sécher car le ciel était toujours menaçant dans l’après-midi d’hier. Toute la famille semble être affligée. Abdou, sourire aux lèvres, cherche à cacher son angoisse. ‘’Nous ne pouvons que remercier Dieu. La situation pouvait être pire mais on n’y peut rien.’’

Le décor est le même dans plusieurs concessions de cette localité. Les populations pataugent dans les eaux usées. La pluie n’est pas la seule cause de ces inondations. ‘’La canalisation pose aussi un grand problème’’, affirme une riveraine. L’excès d’eau dans les rues constitue un véritable frein à la mobilité des résidents.  Cela est dû à la déficience du système de rétention par le canal central mais également à des égouts qui sont déjà surchargés de déchets en tous genres, d’après elle. Les vendeurs de nourriture et boutiquiers au bord de la voie, en face de ce canal, se plaignent et dénoncent une démission des autorités.

‘’Absence de la mairie et de l’Etat’’

 Devant la boutique de Diallo, des briques sont superposées. La boue ne manque pas d’attirer l’attention. Le vendeur, assis sur une chaise en plastique, a dû évacuer l’eau une partie de la matinée pour que ses clients puissent entrer facilement. Il déplore cette situation récurrente durant les saisons de pluie. ‘’Nous sommes obligés de faire le travail de la mairie et des gouvernants’’, lance-t-il  d’un air triste. La fange a colonisé toute la route, à tel point qu’on ne saurait faire la différence entre sa noirceur et celle du goudron de la chaussée. Les égouts sont remplis de déchets.

Dans cette commune, les maisons ont une particularité. Les fenêtres sont pratiquement au même niveau que la route ; des murets sont construits en guise de barricade devant les demeures, et le terrain crevassé donne aux maisons l’apparence de garages souterrains. Cette architecture est caractéristique de cette zone de la capitale. En face de la grande mosquée se trouve la station où se déversent les eaux. Le périmètre est encerclé par de la boue. 

Cette situation dure depuis des années mais aucune mesure n’a été prise pour pallier le mal, déclare un travailleur dans une boulangerie. L’eau avait atteint la cinquième marche d’une suite de six escaliers en face de ladite boulangerie. Seuls la police et le service national d’hygiène viennent pour faire le constat, mais il n’y a jamais de suite.

Oumar Konaré, un vendeur de brochettes, affirme que face à la grande insalubrité engendrée par cette situation, sa seule solution est de bien protéger ses aliments en les mettant derrière des vitres pour éviter qu’ils soient souillés par d’éventuels jets de boue ou d’eau sale. ‘’La clientèle baisse considérablement en période d’inondation à cause de la rue qui est boueuse et impraticable, de même que la productivité se trouve ralentie. Il faut que l’Etat nous vienne en aide ici, sinon des enfants de ce pays mourront ; j’en suis sûr et l’Etat le sait’’, déplore-t-il. C’est sur ces mots de désespoir que l’homme conclut et exprime le sentiment qui anime le cœur de bon nombre d’habitants de Grand-Yoff.

CHEIKH T. NDIAYE & LAURA HOUNKPETO (STAGIAIRES)

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