Publié le 19 Jan 2015 - 22:35
PRESIDENCE DE L’AMS

Aliou Sall passe haut la main

 

C’est dans un désordre parfait que s’est déroulée hier l’élection du président de l’Association des maires du Sénégal (AMS). Un scrutin à l’issue duquel le frère du président de la République, Aliou Sall, est largement sorti victorieux devant ses trois autres adversaires.

 

L’Association des maires du Sénégal a procédé hier au renouvellement de son bureau à l’issue de son assemblée générale qui s’est tenue pendant deux jours au King Fahd Palace à Dakar. Désormais, l’AMS est dirigée par le frère du président de la République, Aliou Sall, qui remplace à ce poste l’ex-responsable libéral devenu secrétaire général de l’Union centriste du Sénégal (UCS), Abdoulaye Baldé. Le maire de Guédiawaye s’est imposé devant ses trois adversaires que sont le maire de la ville de Thiès, Talla Sylla (25 voix), le maire de Sagata Ngueth, El Hadji Amar Lô (6 voix) et Samba Bathily Diallo, maire de la commune de Ouakam (8 voix). Le nouveau président de l’AMS a engrangé 463 voix sur 502 suffrages valablement exprimés.

Il faut souligner que ce scrutin n’a pas du tout été facile. Il a surtout été un véritable parcours du combattant ponctué par un désordre inouï. En effet, à la mise en voix du poste de président de l’AMS, une kyrielle de candidatures s’est déclarée. Outre le frère du président de la République et de ses trois adversaires susmentionnés, deux autres candidats s’étaient déclarés avant de se désister. Il s’agit en outre du maire de Médina Wandifa dans le département de Sédhiou, Malang Seyni Faty et du maire de Coul dans le département de Tivaouane, Modou Fall.

Ce dernier est un militant de l’Alliance pour la République qui s’est présenté par principe pour, dit-il, ‘’dénoncer le manque de démocratie interne dans le parti présidentiel où tous les postes de responsabilité reviennent à la famille présidentielle’’. ‘’J’accepte de retirer ma candidature. Mais il faut savoir faire régner la démocratie interne dans le parti car le monde a changé et a beaucoup évolué’’, déclarera-t-il devant l’assistance pour justifier son retrait de la course. ‘’Ma candidature est une candidature de principe. Sur la demande du président Alé Lô et d’Abdoulaye Baldé, j’accepte de me retirer de la course’’, souligne pour sa part Malang Seyni Faty, attaqué par l’un de ses camarades maires pour cette volte-face.

Dialogue de sourds

Plus le temps passe, plus les nerfs se chauffent. Le processus est aussitôt enclenché après la déclaration des candidatures. Et selon une nouvelle disposition prise par la commission scientifique de l’assemblée générale, l’élection du président de l’AMS se fera à bulletin secret tandis que celle des membres du bureau se fera à main levée. Une disposition qui n’a pas du tout fait l’unanimité au sein de l’assemblée. ‘’Nous sommes de Kolda; ce matin, on a sorti nos bagages de nos chambres d’hôtel. Et si on doit procéder au vote à bulletin secret, cela va prendre du temps et nous n’aurons pas où passer la nuit.

Il faut donc aller vite pour qu’on termine tôt et rentrer tranquillement chez nous’’, propose un élu de la région de Kolda qui a presque arraché le micro. Sensible à cette proposition, le président de séance, en l’occurrence le président sortant, proposera à l’Assemblée de faire le vote à main levée. Trop tard, s’écrit quelqu’un soutenant que le processus est déjà enclenché. ‘’On ne peut pas changer les règles du jeu, on va donc continuer le scrutin’’, se rétracte Abdoulaye Baldé. ‘’On va changer les règles du jeu et on va procéder au vote à main levée. Car c’est ce que veut l’assemblée générale qui est souveraine’’, fulmine Thérèse Faye qui s’est aussitôt saisie du micro. ‘’Il faut rendre service à vos candidats. Dans aucune assemblée, on ne change les règles au cours du jeu’’, rétorque Abdou Khadre Ndiaye, membre du comité d’organisation.

‘’On ne peut pas changer le processus sinon, vous cherchez un autre président de séance et moi je me retire’’, rumine Abdoulaye Baldé. A peine s’est-il tu que le ministre Aly Ngouille Ndiaye s’empare du micro pour déclarer : ‘’On ne peut pas interrompre le processus. Par contre, on peut essayer d’aller vite. Je demande à chaque maire de faire son choix là où il est assis en écrivant le nom de son candidat sur l’enveloppe que nous allons lui remettre avant de venir, muni de sa carte nationale d’identité ou de son passeport, déposer son enveloppe dans l’urne’’.

La polémique s’installe et le désordre gagne du terrain. Sur l’espace aménagé devant le présidium pour effectuer le scrutin, impossible de circuler, parce que pris d’assaut par les élus et les journalistes. Impossible également d’effectuer le vote correctement. Les propositions fusent de toute part sans jamais être adoptées. Le processus enclenché est poursuivi même si la méthode est revue. Au lieu de procéder au vote par région, la méthode d’Aly Ngouille Ndiaye est vite adoptée.

Ainsi, les enveloppes sont directement distribuées aux membres de l’AMS, pour qu’ils choisissent d’avance le nom de leur candidat avant de venir les introduire dans les urnes. Malgré tout, le vote a pris beaucoup de temps. Entamé aux environs de 13h, il a pris fin vers 20h passées de plusieurs minutes. Aussitôt élu, le frère du président de la République s’est retiré pendant plus d’une heure pour trouver un consensus avec ses alliés de Benno Bokk Yaakaar, sur la composition du bureau. Aliou Sall a ainsi choisi le maire de Yoff, Abdoulaye Diouf Sarr et le maire de Dakar Plateau, Alioune Ndoye du Parti socialiste comme vice-présidents délégués. Quant à Bamba Fall, il a été désigné président de la commission chargée de l’environnement.

L’élection du maire de Guédiawaye à la tête de l’AMS n’a pas fait que des heureux. Certains maires de l’opposition estiment qu’il doit son plébiscite plus par le simple fait qu’il est le frère du président de la République que par sa représentativité. ‘’C’est parce qu’il est tout simplement le frère du président de la République qu’il a été élu. Certains maires, par crainte de représailles, ont voté pour lui’’, soutient un responsable libéral. Mais pour la mairesse de Ngathie Naodé, Yaye Fatou Diagne, ce débat n’a pas sa raison d’être. ‘’Nous ne sommes pas régis par des règles morales. Nous sommes en démocratie et nos états d’âme personnels gagneraient à être conservés’’, déclare-t-elle.

Dissolution de l’association des communautés rurales

Ce processus ayant abouti à l’élection d’Aliou Sall au poste de président de l’AMS, il est procédé à la cérémonie d’ouverture de l’Assemblée générale présidée par le Premier ministre Mahammed Boun Abdalah Dionne, venu représenter le président de la République, Macky Sall empêché. Au cours de cette cérémonie, l’assemblée générale a procédé à la dissolution de l’Association nationale des communautés rurales (ANCR) d’Alé Lô qui n’a plus sa raison d’être, en ce sens que toutes les 385 communautés rurales que comptait le Sénégal sont désormais passées communes de plein exerce avec l’entrée en vigueur de la réforme de l’Acte 3 de la décentralisation.

Bilan de Baldé

La cérémonie d’ouverture a également été une occasion pour le président sortant, Abdoulaye Baldé, de faire le bilan de son mandat. L’ancien responsable libéral a mis dans son actif la hausse de la subvention que l’État du Sénégal alloue à la structure et qui est passée de 80 millions en 2009 à 180 millions en 2010, puis à 140 millions avant de se stabiliser à 100 millions. Un montant d’ailleurs que le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne a promis de revoir à la hausse.  

Cependant, si le président sortant de l’AMS a fait un bilan détaillé et chiffré de sa gestion quinquennale, le président de l’ANCR lui, s’est simplement limité à rendre compte des activités de sa structure sans jamais donner plus de détails sur son état financier. Un manquement que lui a d’ailleurs reproché Abdoulaye Baldé.

Bilan d’étape de l’Acte 3

Au cours de cette rencontre, les élus locaux ont fait un bilan d’étape de la réforme de l’Acte 3 de la décentralisation. Et selon le maire de Taïba Ndiaye, Alé Lo, il y a eu beaucoup d’insuffisances et de manquements dans la mise en œuvre de cette réforme. À l’en croire, dans le cadre de cette réforme, ‘’l’État a transféré de nouvelles compétences aux mairies sans y adjoindre les moyens suffisants pour permettre aux collectivités locales de faire face à leurs besoins’’.

‘’Un Sénégal émergent comme le veut le président de la République, Macky Sall, passe nécessairement par des villes et des villages qui émergent. Si nous voulons aspirer au développement du pays, il faut que le secteur primaire soit le monopole de notre économie’’, soutient Alé Lo pour qui ‘’de nouveaux défis attendent le nouveau bureau de l’AMS’’.  Des défis que sont ‘’la mise en place d’un statut de l’élu local, le relèvement des indemnités des maires et l’octroi aux maires de passeports diplomatiques. À ces challenges, le maire de la vile de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, ajoute le financement des collectivités locales et le dialogue permanent entre politiques de différentes sensibilités.

ASSANE MBAYE

 

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