Publié le 13 Sep 2014 - 04:39
PROCÈS KARIM MEISSA WADE

La tortue Abgoba continue de brûler

 

Encore une semaine d’écoulée dans le cadre de ce procès fleuve qu’est l’affaire Wade Jr. … Malgré une tentative de se faire dispenser par la CREI pour assister à un autre procès où il est cette fois Partie Civile, «Rimka 2017» a dû, comme le reste de l’assistance, ronger son frein et souffrir le reste de l’inquisition faite à Pierre Goudjo Agboba.

 

«Ne me posez pas la même question plusieurs fois.» Voilà, en substance, ce que Pierre Goudjo Agboba (nom de code : «la tortue») a dit le plus, dans le cadre de la troisième journée de son interrogatoire, à la barre. Péniblement, inlassablement, Agboba a donc résisté au «feu qui brûle sous sa carapace» (pour reprendre une de ses expressions) et répondu du mieux qu’il pouvait à tout ce qu’on lui a demandé, quitte à répéter des propos tenus à peine cinq minutes plus tôt…

Cela car, pour nombre d’avocats, la «répétition est pédagogique» ! Ainsi, c’est mille fois qu’il a retracé son parcours et sa collaboration depuis 2013 avec la société-dont-on-ne-dit-pas-le-nom, alias la (très) taboue AHS. Au point que cet homme, pourtant si calme, s’est surpris à taper du poing sur son pupitre à la barre, avant de publiquement s’excuser.

Et Me Zinflou, son avocat béninois, de venir à sa rescousse et d’expliquer aux juges qu’«il n’y a pas de surhomme et, à des moments, les sentiments surnagent», faisant référence au deuil de son client et aux prochaines funérailles, au pays, de la sœur de ce dernier. Évidemment, cela n’a empêché personne de continuer à poser à Agboba des questions ayant apparemment peu de lien avec les faits qu’on lui reproche… A ce jeu, en milieu d’après-midi, le coïnculpé de Karim Wade s’est vu obligé de (gentiment) préciser à la Cour qu’il souhaitait «ne plus rentrer dans les détails» (par rapport à telle ou telle autre notion générale), car «la consultance, ça suffit» !

Me Baboucar Cissé «tue» un magistrat sans le savoir

«Gros titre» de la journée, le «meurtre» (par inadvertance) du magistrat Eli Manel Dieng par Me Baboucar Cissé ! En effet, interrogeant à son tour Pierre Agboba pour le compte de la Défense, le très sonore avocat n’a cessé de confondre l’ex-PDG de AHS (Eli Manel Diop) au «célèbre» Eli Manel Dieng (cette fois)… Lorsque Henry Grégoire Diop lui en a fait la remarque (et pierre Agboba aussi, d’ailleurs), l’avocat, pour justifier cet amalgame à répétition, a dit qu’il «a en tête un éminent magistrat»… Sauf qu’il ne s’en est pas arrêté là. Il a ajouté (de la très forte manière qu’on lui connaît) «et que Dieu ait pitié de son âme» !

Malheureusement pour l’avocat (ou, plutôt, heureusement pour le «Eli Manel» en question), ce dernier n’est pas mort ! Au contraire, il est bien vivant et en bonne santé, ce que n’ont pas tardé à rectifier les magistrats. Imperturbable, Me Baboucar Cissé a promptement rattrapé cette tordante «bourde», en souhaitant «longue vie» au Magistrat qu’il venait tout juste d’enterrer !

Ah ces avocats, ils retombent toujours sur leurs pattes !

Me Leyti Ndiaye s’énerve, Me Amadou Sall chauffe la salle

«Je fais des bouts de plaidoirie pour répondre au Parquet Spécial qui fait des bouts de réquisitoire !», s’est écrié Me Leyti Ndiaye en plein interrogatoire avec Agboba. A la base de cette parole d’humeur, un rappel à l’ordre du Président de la CREI que la robe noire a trouvé injustifié, voire inopportun. «Vous voulez nous bâillonner ! Ce n’est pas normal ! », s’est plaint l’avocat de Bibo Bourgi, pour qui «la procédure normale, la Cour ne s’en souvient que quand c’est la Défense qui prend la parole !» … Évidement, on peut deviner que ce cher Henry Grégoire n’a pas apprécié de se voir ainsi pointer du doigt… D’où le regard noir et le silence de mort qu’il a dirigé sur l’avocat, pendant deux bonnes minutes.

À bon entendeur, salut !

Une fois ce nuage dissipé, c’est au tour du très technophile Me Adama Sall de se faire remarquer aujourd’hui… S’il a eu tant de succès, hier, ce n’est pas parce qu’il possède sa propre imprimante/télécopieuse Bluetooth (semble-t-il) qu’il fait crânement trôner sur la table de la Défense mais plutôt de par son interrogatoire.

En effet, ne ménageant pas non plus cette pauvre vieille tortue d’Agboba, il s’est évertué à lui faire confirmer, point par point, les arguments qu’il a développés… Par exemple : «Ce qu’on veut vous dire, c’est que vous autres actionnaires, vous êtes de pauvres Africains. Vous n’avez pas le droit d’être riches.

Avez-vous la même impression que moi ?» À un certain moment, les joutes orales de la robe noire étaient tellement succulentes qu’une partie du public, oubliant l’épée de Damoclès de la «jurisprudence Rampino» au-dessus de sa tête collective, s’est aventurée à applaudir ! Ce qui, évidemment, a failli créer un incident, puisque Henry Grégoire Diop a demandé à ce qu’on lui amène «n’importe lequel » de ceux qui ont applaudi, pour en faire un exemple, avant de laisser Me Amadou Sall «diplomatiquement» lui faire oublier cette idée…

Et l’inquisition de Pierre Agboba de se poursuivre lundi prochain, parce que le substitut du procureur, qui n’a pas apprécié le très ironique qualificatif de «brillant» dont Me Sall l’a affublé un peu plus tôt, tient par tous les moyens à riposter !

Me, attention aux dommages collatéraux !

Sophiane  Bengeloun

 

 

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