Publié le 30 Nov 2019 - 22:34
PUBLICATION DES RAPPORTS D’AUDIT

L’équation de l’impunité

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Les rapports d’audit régulièrement publiés par les organes de contrôle connaissent quasiment tous le même destin : l’absence de suite et/ou de sanctions à l’encontre des épinglés.

 

On prend les mêmes et on recommence. Chaque année, des rapports d’audit sont publiés par des organes de contrôle comme la Cour des comptes, l’Inspection générale d’Etat (Ige), l’Agence de régulation des marchés publics (Armp)… En dépit du tollé soulevé par les malversations et autres manquements relevés par ces rapports, il demeure un réel problème de suivi. Pis, les fautifs sont souvent promus à des postes de responsabilité plus élevés.

Aux yeux du coordonnateur du Forum civil contacté par ‘’EnQuête’’, il revient aux autorités publiques, mais également à la justice de se saisir des dossiers qui ont été transmis par les différents corps de contrôle et de faire l’état des lieux afin d’en donner une suite. 

‘’La culture de l’impunité devrait être bannie au Sénégal. Les audits sont toujours pertinents, mais tout dépend du réceptacle’’, fait savoir Birahime Seck. Le rapport d’audit de 2017 de l’Armp a été publié avant-hier jeudi.

Et pourtant dans ses textes, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) fait savoir qu’à la suite de rapport définitif, elle rend compte à l’autorité contractante concernée, au ministre chargé du secteur concerné et à son collègue des Finances, de la procédure suivie lors des contrôles et enquêtes. Elle relève des anomalies et propose, le cas échéant, les mesures correctives appropriées. Le même document indique que l’Armp peut, par ailleurs, saisir, au niveau national ou communautaire, les autorités compétentes de toutes infractions ou irrégularités constatées au cours des enquêtes. A cet égard, il est possible de saisir le procureur de la République, en cas d’infractions présumées à la loi pénale ou le président de la Cour des comptes, en cas de fautes de gestion présumées.

Ce qui fait dire au président du Forum du justiciable que les mécanismes de sanction ne manquent pas. Babacar Ba estime ainsi que c’est l’absence de volonté qui semble protéger les accusés. Pour lui, d’ailleurs, le plus souvent, ce sont des rapports avec des recommandations allant dans le sens de l’ouverture d’une information judiciaire. Mais les autorités compétentes restent inertes et ne prennent aucune mesure dissuasive. ‘’Cette attitude, il faut la dénoncer et la regretter, parce que, si vous mettez autant d’argent pour installer un corps de contrôle et qu’il produit un rapport, la moindre des choses, c’est de donner suite à ce travail’’, croit savoir le leader du Forum du justiciable.

A l’en croire, c’est comme si l’Etat du Sénégal n’a pas l’ambition de lutter contre la corruption ou de favoriser la transparence et la bonne gouvernance.

Il pense ainsi que c’est un impératif, pour le Sénégal, de revoir sa copie par rapport au traitement réservé à ces différents rapports. ‘’Au Sénégal, nous sommes tous d’accord qu’il n’y a ni poursuite administrative ni poursuite judiciaire sur les rapports que les corps de contrôle produisent’’, se désole Babacar Ba. Sauf pour l’ex-maire Khalifa Sall.

Les fautifs toujours promus

Des rapports incriminants des responsables n’ont pas manqué sous la gestion de Macky Sall. On se souvient encore de celui de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) publié en 2016 et qui concerne les activités de l’année 2014-2015. Ce rapport avait épinglé la gestion de plusieurs personnalités dont Cheikh Oumar Hann, actuel ministre de l’Enseignement supérieur, anciennement directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud).   Des charges relatives à des subventions irrégulières et au détournement de deniers publics, de faux et usage de faux qui avaient poussé l’Ofnac à formuler des recommandations sur ce cas précis. L’organe dirigé alors par Nafi Ngom Keita avait demandé que le responsable politique de Ndioum soit non seulement relevé de ses fonctions de directeur du Coud, mais que toutes les mesures soient prises pour qu’il ne soit plus nommé à la tête d’une institution publique. Peine perdue : le mis en cause n’a jamais été entendu sur ce dossier.

Toujours en 2016, Nafi Ngom Keita avait annoncé des enquêtes en cours sur plusieurs affaires dont celle concernant la délivrance de permis d’exploration pétrolière à la société Petro-Tim Limited, dans laquelle était impliqué Aliou Sall, frère du chef de l’Etat.  Pour Mme Keita, sa décision de fouiller dans cette affaire avait été prise à la suite de plusieurs plaintes déposées par des citoyens et des associations concernant ce dossier. Un dossier qui, malheureusement, ne sera jamais traité.  Et Nafi Ngom   Keita sera relevé de ses fonctions par décret présidentiel, quelque temps après cette annonce. Le dossier Petro-Tim sera plus tard déterré par un reportage de la chaine Bbc. La suite, on la connait.

HABIBATOU TRAORE

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