Publié le 27 Jun 2016 - 20:36
RAPPORTS HEURTES ENTRE LA JUSTICE ET LES MEDIAS

Les magistrats à l’école du journalisme

 

Les magistrats et les journalistes sont deux corporations presque totalement opposées de par leur manière et méthode de travail. Les premiers voulant toujours garder le secret qui entoure les dossiers judiciaires et les seconds en quête permanent de l’information entretiennent souvent des rapports heurtés.

 

« Si le journaliste renonce à publier des informations, il renonce à sa mission. » Cette affirmation de Mame Less Camara, journaliste et formateur au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti), ne rime pas souvent avec « secret de l’instruction, droit de réserve, présomption d’innocence etc. » de rigueur chez les magistrats. « Quand il y a un problème, la presse cherche à donner l’information, en racontant ce qui s’est passé, au moment où la justice cherche à protéger les victimes », souligne la directrice de cabinet du ministre de la justice, Aminata Fall Cissé. Samedi, elle a présidé un atelier qui a réuni autour d’une table des journalistes et des magistrats.

Dans son discours d’ouverture, la directrice de cabinet a tout de même reconnu qu’aujourd’hui, la justice est obligée de communiquer, car nous sommes dans un monde où tout est sur la place publique. Cette rencontre organisée à Dakar avait pour objet de valider les recommandations de celle tenue à Saly (Mbour), les 28 et 29 mars dernier, sur le thème : « Justice et Médias », notamment en rapprochant les deux parties souvent en conflit, afin de briser la glace.

‘’Il y a une possibilité de s’entendre et de s’écouter’’

Mais pour le doyen Mame Less Camara, rapprochement ne veut pas dire être complices. Il estime qu’il y a des différences fondamentales et il faut éviter que ces dernières soient des causes de conflits permanents. « Personne ne peut garantir qu’il n’y aura pas de grincements, de dysfonctionnements, etc. Nous faisons des choses différentes et nous partageons le même terrain. Donc, fatalement, parfois on se marche sur les pieds », a-t-il précisé. Il conseille aux journalistes de se rappeler toujours l’article premier du code de déontologie. La déclaration de Bordeaux en 1954 et celle de Munich en 1971 qui commencent toutes par dire que le travail du journaliste est de chercher la vérité.

Ce qui lui fait dire que le journaliste et le juge se rencontrent sur ce point. Mais les modalités par lesquelles on arrive à la vérité sont différentes, nécessairement. Il rappelle que les journalistes ne sont pas des juges et ces derniers ne sont pas non plus des journalistes. « Les juges ne vont pas déterminer pour les journalistes, comment ils vont travailler. Mais encore une fois, il y a une possibilité de s’entendre et de s’écouter », a dit l’ancien correspondant de la BBC à Dakar.

A l’intention des journalistes, il précise que ce qu’il faut éviter, c’est que la logique de compétition ne soit pas un élément de dysfonctionnement de la justice. Ne pas diffuser une information simplement parce que le voisin va le faire, de toute façon. Mais diffuser une information parce qu’elle aide le public à comprendre petit à petit des processus parfois complexes qui sont en cours. Il faut aussi trouver un équilibre entre le travail du journaliste, d’un côté, et le devoir du citoyen qu’il est, de l’autre. Mais pour Jean Meïssa Diop, les juges ne sont pas irréprochables, car ils n’hésitent pas parfois à condamner les journalistes qui évoquent leur déontologie, pour ne pas révéler leur source.     

 Le rapprochement nécessite aussi forcément une compréhension de l’un et de l’autre. C’est en ce sens que les doyens Mame Less Camara, Pape Samba Kane et Jean Meïssa Diop sont revenus respectivement sur les thèmes suivants : « Ligne éditoriale et gestion d’un média ; fonctionnement d’une rédaction de presse ; et exemples de malentendus, dans la relation entre « justice et médias », imputables au mode de fonctionnement de la presse ». Dans des cours magistraux, ces thèmes ont permis aux magistrats présents de comprendre la logique de fonctionnement d’une rédaction. Les journalistes ont aussi été invités à être moins défiants vis-à-vis des juges.

Il faut souligner que les recommandations de Saly ont été validées. Elles sont composées, entre autres, de la mise en place de points de relais de presse au niveau des juridictions, pour faciliter aux journalistes l’accès aux informations relatives à la justice.    

Abdourahim Barry (Stagiaire)

 

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